Guerre en Ukraine
« Gardons la tête froide, malgré tout »

AG
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Fabrice Faivre, exploitant à Varanges, évoque le conflit russo-ukrainien et ses conséquences dans le monde agricole.

« Gardons la tête froide, malgré tout »
L'ancien président de la FDSEA se montre très perplexe sur la campagne 2023.

Du blé conventionnel jusqu’à 400 euros et du colza à 900. Personne n’y aurait cru il y a encore quelque temps. Et pourtant, on y est. Cette nouvelle donne n’est pourtant pas en mesure de satisfaire le Côte-d’orien Fabrice Faivre : « Il ne faut bien sûr pas s’arrêter à cette seule hausse, certes très spectaculaire. Tout le reste est extrêmement inquiétant avec des charges qui explosent, des produits qui devraient rapidement manquer et des conséquences qui s’annoncent désastreuses dans les élevages. Si 95 % des paysans ont réservé leurs engrais pour l’année en cours, ce n’est bien sûr pas le cas pour la prochaine campagne. Le vrai sujet pour moi concerne 2023. Des engrais azotés seront-ils disponibles ? On nous reparle de souveraineté alimentaire, c’est bien, mais avec quoi nous pourrons produire ? C’est l’une des questions que je me pose aujourd’hui ».

Manque de fioul

Fabrice Faivre évoque la dernière session de la Chambre d’agriculture, organisée le 4 mars à Beaune : « nous avons alerté les parlementaires et l’administration sur plusieurs points, notamment les carburants. Nous ne savons pas si cela est possible, mais si des volumes peuvent être réservés pour assurer les futurs travaux agricoles, il faut foncer. Oui, nous en sommes là en termes de réflexion aujourd’hui… ». Rencontré la semaine dernière, l’exploitant agricole de Genlis n’arrivait déjà pas à remplir sa propre cuve à fioul : « on ne m’a livré que la moitié, avec des prix qui ont doublé en un an et demi. Et apparemment, cela ne va malheureusement pas s’arrêter là… En très peu de temps, nous avons changé d’époque. Ce conflit aurait concerné la Serbie avec la Bosnie, par exemple, cela n’aurait rien changé à la donne mais là, il s’agit du grenier à blé de la planète, les plus gros exportateurs du monde en céréales. La Russie, elle, est excédentaire en tout, elle représente notamment 40 % des importations d’ammonitrate ».

Tout faire pour produire

La profession avait pourtant « prévenu », comme le rappelle l’ancien président de la FDSEA : « cela fait des années que nous tirons la sonnette d’alarme, il faut produire face à une demande en céréales qui ne cesse d’augmenter comme la population mondiale. Dans le même temps, quand le niveau de vie de certains pays augmente, la consommation en viande en fait tout autant. La Chine, par exemple, consomme de plus en plus de viande blanche. Les porcs, tout comme la volaille, ce sont des céréales à pattes, faut-il le rappeler ? Oui, il faut produire, plus que jamais, en fonction des possibilités que nous aurons. Il faut surtout s’en donner les moyens et arrêter cette politique européenne qui limite la production. Si rien ne change, sur mon exploitation, je serai obligé de geler 4 hectares l’an prochain au nom des SIE. Le monde manque de nourriture et l’Europe va faire de la jachère, c’est absolument ridicule ». Fabrice Faivre insiste sur le degré d’urgence, devant de mauvaises prévisions de récolte : « les USA ont souffert du gel et de la sécheresse, le Maghreb s’apprête à faire une très mauvaise année, notamment le Maroc. En Tunisie et en Égypte, la situation était déjà très tendue sur le plan financier, je ne sais pas s’ils pourront absorber la hausse des prix. Chez nous, l’inconnue reste le volume. Les prévisions des prochaines semaines ne sont pas très pluvieuses… Nous ne sommes certainement pas au bout de nos problèmes, il se peut que nous nous dirigions vers un automne particulièrement difficile ».