Le 23 avril, la Chambre d'agriculture de la Nièvre proposait une découverte de la culture du bambou avec une visite de la jeune bambouseraie de Julien Léger (Jardin de l'Abron à Saint-Ennemond dans Allier).
Dans le cadre des trois volets des « Journées s’installer en… », organisés par la Chambre d’agriculture de la Nièvre, une était dédiée à la culture du bambou. Elle fut dispensée chez Julien Léger (Jardin de l’Abron à Saint-Ennemond dans l’Allier) qui s’est lancé dans cette production il y a peu. Pour l’occasion, Alain Templier (exploitant dans le Loiret et intervenant OnlyMoso) présentait les tenants et les aboutissants de la conduite de cette culture – le tout axé spécifiquement sur le Phyllostachys Edulis, espèce commercialisée par OnlyMoso).
Débouchés et rentabilité
Pour commencer, Alain Templier stipule : « Le bambou offre de nombreux débouchés. Pour les pousses : l’alimentation humaine, les produits cosmétiques et pharmaceutiques ; Pour les chaumes de 1 à 3 ans : le textile, les bioplastiques, le papier ; Pour les chaumes à partir de 4 ans : l’ameublement, la construction ; Pour le feuillage : l’alimentation animale… ». Il poursuit sur la rentabilité : « Chez OnlyMoso, nous rachetons les pousses à l’exploitant à environ 2 euros / kg ; les chaumes à 12 euros l’unité. Avec une production respectivement entre 7,5 et 15 tonnes pour les pousses et 500 à 2 500 unités par an pour les chaumes, je vous laisse faire le calcul ». Sur ce point de la rentabilité, un exploitant soulève la question de la vente directe notamment aux restaurateurs avec un prix calqué sur celui des asperges (soit environ 10 euros / kg). Alain Templier rebondit : « cela peut être une source de revenu supplémentaire si la demande est là autour de vous ; il ne faut pas s’en priver. Dans la même veine de revenus additionnels, il faut également considérer les contrats carbone. En effet, les bambouseraies séquestrent énormément de CO2 et produisent 35 % d’O2 de plus qu’une forêt de feuillus ».
Investissements
Mais, avant la vente, il pointe les différents éléments à prendre en compte lors de la prise de décision : le coût des plants, le coût de la création d’un système d’irrigation et de l’irrigation en elle-même (obligatoire pour cette culture et d’environ 100 jours du printemps/été au débit de l’automne, avec une quantité approximative de 10 à 15 m3/jour/ha), le coût éventuel de la main-d’œuvre pour la récolte et l’entretien. Il précise d’ailleurs : « La période de récolte des pousses se concentre sur trois semaines – courant avril. De ce fait, il faut être réactif et disponible durant cette période ». Toujours pour la main-d’œuvre, il donne des exemples : « pour la plantation manuelle, comptez 1 jour / 15 personnes/ha, en tarière : 3 jours/5personnes/ha, en planteuse : 1 j./5pers./ha. Pour la récolte, il faut 3 heures / jour/ ha pour une personne ».
Lieu propice et ravageurs
Pour l’implantation, il développe que les sols les plus propices sont les sablo-limoneux, les sablo-argileux ou les limo-argileux. : « Il faut à tout prix éviter les extrêmes. Dans les limons battants la pousse est très complexe et dans un sol totalement argileux, son implantation est hors de question. Côté PH, il faut un niveau compris entre 5,5 et 8, ce qui laisse quand même une belle marge de manœuvre. Aucun produit phytosanitaire n’est nécessaire. Cela dit, un apport de fertilisant une fois par an peut être intéressant pour atteindre un certain rendement. En ce qui concerne la matière organique, elle doit être importante ; des apports en fumier de cheval ou de bovin sont donc à considérer dans certains cas. La mise en place d’un couvert est aussi incontournable dans la gestion des adventices. Pour cela, on préfère le ray-grass et on évitera le trèfle, car il est fort appétant pour les mulots – prédateur majeur pour les bambous ». Sur cette question de la prédation du mulot, Alain Templier préconise l’installation de perchoirs afin d’avoir une prédation naturelle sur ces animaux. « En cas d’infestation, il est possible de faire intervenir des spécialistes ». Pour lui, le sanglier doit aussi être tenu à l’œil car il « suivra le rang et détruira tout sur son passage. L’installation de clôture est donc fortement conseillée ».
Pour la suite
Parmi les interrogations soulevées, la question de la prolifération de la plante fut évoquée : « À partir de la 3e et 4e année, il est préconisé de faire un fossé autour de la parcelle afin d’éviter que les rhizomes n’aillent chez le voisin. On peut aussi opter pour une barrière anti-rhizomes à enterrer, mais il faut savoir que certaines espèces de bambous font des ponts (comme le Phyllostachys Edulis) rendant ces barrières inutiles ». Après cela, c’est la remise en état d’une parcelle après implantation de bambou qui fut abordée. Alain Templier développe : « il n’y a pas 36 solutions : il faut tout retirer à la pelleteuse. Tant qu’il y a un rhizome vivant, les pousses repartiront. Si tout est fait scrupuleusement, il faut minimum trois ans pour retrouver une parcelle propre… Par contre, le sol demandera plus de temps pour se remettre ». Après cela s’en sont suivies des discussions autour de la durée de vie du plant. Alain Templier reste prudent : « Lorsque le pied arrive en floraison, il disperse ses graines et meurt. En général, elle peut intervenir entre 40 et 120 ans après la plantation, mais cette temporalité n’est pas assurée. En effet, cette floraison est un phénomène assez peu connu et surtout assez rare dont les causes restent vagues ». Après ces échanges, les participants ont respecté une pause méridienne pour ensuite se rendre dans la jeune bambouseraie de Julien Léger pour une visite.
Le mot de Julien Léger (Jardin de l'Abron à Saint-Ennemond)
« Je suis installé depuis 2018 sur 3 ha au total. En 2023, j’ai planté 1 ha de bambou. J’avais déjà ce projet en réflexion courant 2022. À l’époque, j’avais de moins en moins de clients pour la vente de légumes. Je devais donc trouver une solution sur le long terme pour la rentabilité de mon exploitation. Je suis donc passé par les contrats proposés par OnlyMoso – sur 10 ans ; Ce système me parle car ils s’occupent de tout (ramassage, distribution, etc.). De mon côté, je dois implanter, suivre et récolter la production. Selon moi, le bambou permet de valoriser une petite surface. Et, comme je disposais déjà d’un système d’irrigation, l’investissement restait donc raisonnable. Je trouve que pour un maraîcher cette culture est assez pertinente car elle ne requiert pas spécialement de matériel supplémentaire et s’intègre bien dans notre planning. Ceci dit, cela ne sera pas forcément le cas pour un éleveur ou un céréalier car la période de récolte des pousses se déroule durant des moments peu opportuns pour eux (lâchés, semis, etc.) ».
