Grandes cultures
Vers des écarts XXL

AG
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Le président de la commission productions végétales de la FDSEA de Côte-d'Or annonce d'énormes différences de résultats entre exploitations, à l'issue de ces moissons.

Vers des écarts XXL
François-Xavier Lévêque, le 7 juillet, sur une parcelle près d'Arc-sur-Tille.

Les rendements et la qualité d'un côté, de l'autre les prix. Pour chacun de ces trois paramètres, il est fort à parier qu'aucune exploitation côte-d'orienne n'aura des résultats similaires cette année, selon François-Xavier Lévêque, agriculteur à Bressey-sur-Tille. L'habituelle hétérogénéité des terres côte-d'oriennes est encore plus prononcée que d'accoutumée. À ces disparités, il faudra ajouter la notion de prix, celle-ci n'ayant jamais autant fluctué en un seul exercice. « En mélangeant tout cela, il y aura d'énormes disparités entre exploitations, ce devrait être du jamais vu », assure le président de commission « productions végétales » de la FDSEA.

30 mm auraient tout changé

Les cultures étaient belles et très prometteuses, encore à la mi-avril. Mais le manque d'eau qui a suivi a encore fait parler de lui. « Le coup de chalumeau de 35°C fin avril-début mai a fait beaucoup de mal même si, heureusement, la pluie tombée derrière a pu finir ce qu'il restait », mentionne François-Xavier Lévêque,  « 30 mm mieux positionnés sur le calendrier auraient tout changé, nous aurions eu une toute autre moisson. Globalement, cette récolte restera très moyenne dans son ensemble, car il manquera des quintaux un peu partout, même dans les meilleures terres. C'est peut-être le seul point commun qu'il y aura entre chaque exploitation ». Les agriculteurs qui ont eu la chance d'être « arrosés » aux bons moments s'en sortent forcément beaucoup mieux que les autres : « en l'espace de deux kilomètres, il y a des écarts énormes, même au sein d'une même exploitation. Les rendements vont souvent du simple au double selon la pluviométrie et le type de sol. À l'échelle de la Côte-d'Or, ils semblent même aller du simple au triple car nous entendons des variations de blé allant de 30 à 90 q/ha. En orges, c'est à peu près la même chose, j'ai des échos à 40q/ha, d'autres à 90q/ha. Le colza et la moutarde, eux, ont l'air de plutôt bien s'en sortir, ils tendent à revenir à des niveaux normaux. La pression d'altises a sans doute été moindre lors de cette campagne et il faut s'en réjouir, cela devrait redonner de l'élan à ces deux filières ».

Les orges ont souffert

La qualité de la récolte n'est pas au niveau attendu. « Surtout les orges, qui ont été très impactées par le coup de sec. Les calibrages sont très bas, beaucoup sont en dessous de 50 dans la plaine dijonnaise. Les déclassements en fourragère seront nombreux. En ce qui concerne les blés, beaucoup de PS semblent avoir chuté avec les pluies. Aujourd'hui nous ne sommes que le 7 juillet, nous en saurons davantage d'ici quelques jours », commente François-Xavier Lévêque. Le responsable professionnel évoque ensuite les prix : « eux aussi vont du simple au double cette année, c'est d'ailleurs inédit avec la guerre en Ukraine. Beaucoup de producteurs se sont engagés tôt dans l'année et ne profiteront pas pleinement de cette hausse. C'est pour cela que ce fameux delta entre exploitations atteindra, à mon avis, des niveaux inédits avec, en plus, des écarts importants en rendements et en qualité. Ce ne sera vraiment pas facile pour ceux qui ont réalisé une moisson décevante avec des prix qui faisaient seulement de décoller... Si vous ajoutez à cela les dégâts de grêle, particulièrement nombreux cette année, le tableau est loin d'être tout rose dans le département... ». Le Côte-d'orien rappelle que rien n'est jamais acquis d'avance : « encore une fois, nous nous apercevons qu'une moisson, on ne la tient que quand les grains sont dans la benne. Les déceptions sont nombreuses comme l'année dernière. C'est sans doute l'occasion, aussi, de rappeler qu'il devient de plus en plus indispensable de se couvrir un minimum en terme d'assurance. En terme de vente, chacun fait bien sûr ce qu'il veut, mais mieux vaut évaluer l'ensemble des risques quand nous nous engageons. Mieux vaut être hyper prudent dans la commercialisation ».

 

Le mot de Vincent Lavier

Le président de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or livrait lui aussi ses impressions sur l'évolution de la moisson, la semaine dernière : « Cette campagne 2022 est une nouvelle fois extrêmement hétérogène sur notre territoire. Les bonnes terres semblent bien s'en sortir, voire très bien s'en sortir par endroits, mais dans le même temps, nous avons encore de très gros soucis sur les plateaux, où de nombreuses cultures ont décroché avec le manque d'eau. Quatre années sèches sur les cinq derniers exercices, cela fait beaucoup et pose forcément des questions. Je n'ai, à ce jour, qu'une lecture partielle des différents résultats, mais j'observe d'ores-et-déjà que certaines parcelles de blé ne plafonnent qu'à 25q/ha. Nous parlons souvent d'hétérogénéité lors de nos bilans, mais je pense que cette année, le phénomène sera encore plus prononcé. En ce qui concerne la qualité, celle-ci n'est pas assurée partout. Dans plusieurs secteurs, les PS sont plus que limites....Nous referons le point de manière plus précise à la fin des moissons. Concernant les prix, nous aurions bien voulu que leur niveau du printemps persiste, mais une baisse est amorcée depuis un bon mois. Les raisons ? Les récoltes ne seront globalement pas si mauvaises. La Russie, de son côté, annonce des volumes records, cela ne doit pas être anodin à cette pression sur les cours. Il y a eu aussi des issues pour éventuellement exporter le blé d'Ukraine... Pour ce dernier point, je pense que rien n'est encore réglé, mais une simple annonce peut avoir un réel impact sur les prix, surtout dans un tel contexte ». Vincent Lavier relaie la position de nombreux agriculteurs sur leurs ventes : « tout le monde est dans l'expectative. De nombreux exploitants hésitent à s'engager dans des contrats. Pour la petite histoire, certains ont signé des contrats à 200 euros/tonne l'automne dernier et ne sont pas sûrs d'avoir suffisamment de quantité pour pouvoir honorer ces contrats. Ce sera la double peine pour eux s'ils se retrouvent dans l'obligation de racheter du blé beaucoup plus cher sur le marché. S'engager à avance est une bonne chose, mais il faut tenter de mesurer à chaque fois les risques, et le faire sur des quantité limitées, surtout lorsque l'on travaille sur des secteurs à faibles potentiels ».