Soirée grandes cultures FDSEA 58
Une vision panoramique de l'avenir

Chloé Monget
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Le 7 décembre, la FDSEA 58 organisait sa soirée grandes cultures avec pour thème : « Nouvelles énergies : imaginons le monde d'après en machinisme agricole et quelles perspectives pour les filières biocarburants ? ». 

Une vision panoramique de l'avenir
Les intervenants de la soirée grandes cultures de la FDSEA 58 avec, de gauche à droite : Julien Saint Laurent, Arnaud Rondeau et Fabrice Moulard.

Dans un contexte de suppression partielle et progressive de la défiscalisation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliquée au gazole non routier (GNR), la FDSEA 58 avait choisi d’évoquer les solutions alternatives pour l’avenir agricole.

Afin d’établir un état des lieux des solutions et les projections en la matière, la FDSEA 58 avait convié, le 7 décembre à Pouilly-sur-Loire, Julien Saint Laurent, directeur marketing chez John Deere France, et Fabrice Moulard, agriculteur dans l’Eure et secrétaire de la Fédération des producteurs d’oléoprotéagineux (Fop) et Arnaud Rondeau, chargé de mission syndicale et environnement à la Fop.

Dans le monde

Ainsi Arnaud Rondeau débuta par un panorama des productions mondiales de biocarburant et biodiesel : « Les plus gros producteurs de biocarburant sont les USA avec le maïs et le Brésil avec le maïs et la canne à sucre. Ils ont cette prédominance notamment car ils sont très soutenus par les pouvoirs publics sur ce volet. En France, la production d’éthanol est plutôt issue de la betterave, ce qui est assez inédit dans le monde. Du côté du biodiesel, les principaux producteurs sont l’Amérique du Nord (avec une base de soja et de canola) et l’Amérique latine (avec le soja). En Europe, la production est plus diversifiée, avec, entre autres, une production française de colza très recherchée pour le biodiesel. De ce fait, nous constatons dans l’Hexagone une inclination plus forte sur les biocarburants. Cela va légèrement à l’encontre des injonctions de l’Union européenne qui a une trajectoire marquée sur l’électrique, notamment pour les transports – et ce à l’horizon 2035 ; soit demain ! Enfin, parmi les autres carburants émergents, il faut noter le biokérozène qui a fait son entrée dans les discussions depuis l’an dernier et qui va être en fort développement très prochainement car la flotte mondiale doit se décarboner si elle désire perdurer ».

La place du producteur

Fabrice Moulard rebondit : « Par la forte demande sur biocarburants, je pense que nous avons un rôle à jouer, nous producteurs, en matière de transition énergétique. En effet, je pense que nous devons structurer la filière des biocarburants afin de ne pas être laissés sur le côté en la matière. Nous avons des atouts, comme le colza qui est recherché. Certains biocarburants, devront uniquement être issus de cultures intermédiaires. Au sein de la Fop nous testons des nouvelles pistes, notamment avec l’implantation de cameline par exemple. Nous devons tous nous engager dans cette recherche de solution car si nous ne le faisons pas, personne ne le fera à notre place et le marché nous passera sous le nez. Les politiques nationales futures en la matière auront aussi leur importance, car nous devons à la fois rester attractifs sur le marché, tout en ayant un coût de production couvert ; un problème que les USA ne connaissent pas puisqu’ils font de l’anti dumping interdisant l’importation d’énergie étrangère sur leur sol, ils ont donc le marché local d’assuré. Nous devons être fiers de nos productions, et fiers de leurs utilisations qu’elles soient pour l’alimentation ou l’énergie, car dans les deux cas nous valorisons nos productions. À nous de remettre l’acte de production au centre du débat et de créer les outils nous permettant d’écouler notre marchandise ». Il conclut : « Nous ne pouvons pas modifier le carburant de nos matériels sans changer nos pratiques. L’un ne va pas sans l’autre. Il n’y a pas une seule solution miracle mais un amoncellement de solution avec une attention particulière sur le fait de rester acteurs de nos filières ».

Le matériel

Après cette présentation, Julien Saint Laurent poursuivit les échanges avec un focus sur les positionnements pris par John Deere. Il commence par rappeler qu’outre le matériel agricole, l’enseigne a aussi développé un pan dédié à la construction et aux travaux : « Nous cherchons des solutions pour tous ces engins, et tous ne présentent pas les mêmes enjeux techniques. De ce fait, nous ne nous focalisons pas uniquement sur les moteurs mais nous avons une vision globale de notre transition écologique ». Pour celle-ci il évoque notamment la volonté de réduire les émissions de CO2 de nos usines, et des moteurs de notre parc. Pour ce dernier, nous visons une réduction de 30 % des émissions CO2 d’ici 2030, avec une diminution de 15 % de l’impact de CO2 lors des opérations agricoles. En somme, nous cherchons des solutions à la fois pour le matériel et pour les pratiques ». Afin d’arriver à ces objectifs, Julien Saint Laurent évoque certaines contraintes dirigeant les choix de l’entreprise vers telle ou telle technologie : « parmi elles, notons notamment la densité différente des énergies. Pour l’exemple, en prenant le diesel comme référence de base pour les moteurs, il faut compter une augmentation de 166 % de la place allouée à un système à éthanol, 192 % pour un utilisant du méthanol, 1 400 % pour un procédé à batterie Lithium et 2 300 % pour un système à hydrogène (200 bars)… L’architecture du matériel en est donc impactée. S’ajoute à cela des dimensions à respecter et des utilisations qui changent en fonction du matériel. Pour l’agricole, il y a aura une utilisation intense pendant de longues heures à certains moments de l’année alors qu’en bâtiment les appareils seront sollicités sur de courtes durées toute l’année. Actuellement, des moteurs électriques peuvent donc être pertinents en construction mais pas forcément viable pour l’agricole. À tout cela s’additionnent les ressources nécessaires dans les pays en question. En effet, on ne va pas proposer un matériel avec une technologie particulière si la production de l’énergie en question est sporadique. Pour toutes ces raisons, John Deere s’intéresse particulièrement à l’introduction d’électrique dans l’optimisation du matériel agricole – hors carburation – avec des moteurs au carburant liquide comme les solutions très raffinées de biodiesels soit des HVO (ou Hydrotreated Vegetable Oil = huile végétale hydrotraitée) car nos moteurs sont déjà compatibles. Dans tous les cas, il faut tout repenser de A à Z : du matériel aux pratiques. Enfin nous étudions aussi la question de la démocratisation du matériel autonome – nous réalisons des tests aux USA en ce moment. Au final, pour l’avenir, il faut réfléchir autrement pour avancer. Mais, clairement, notre positionnement final dépendra des décisions politiques prises dans chaque localité ».