Salon de l'agriculture
« C'est l'œil qui prime »

Chloé Monget
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Rosanne Lemaitre, installé en 2019 après avoir repris l'exploitation familiale, est sélectionnée pour la première fois en son nom pour participer au Salon de l'agriculture à Paris. 

« C'est l'œil qui prime »
Raymond et Rosanne Lemaitre accompagnés par Redoutable.

C’est avec Redoutable (né en mars 2020 acheté en juillet 2020) que Rosanne Lemaitre, 38 ans, installée à Montaron depuis 2019, ira porter les couleurs de son élevage durant le Salon de l’agriculture à Paris. Elle précise : « C’est le premier taureau acheté avec mon conjoint, Loïc Pipponiau, et je crois qu’on ne s’est pas planté ! »

Fierté filiale

Ayant pris la suite de son père, Raymond, Rosanne stipule : « Je suis ravie d’être sélectionnée, car j’offre une belle continuité à l’exploitation de mon papa. Pour rappel, il a été sélectionné une première fois pour le Salon en 1997 mais n’a pu s’y rendre car il était seul sur l’exploitation. Puis, en 2018, il a été de nouveau sélectionné pour Paris – et cette fois nous y sommes rendus ensemble. C’était un bel honneur avant qu’il ne prenne sa retraite en 2019. Par son travail assidu, il mérite donc autant que moi de participer, c’est pour ça qu’il va venir passer trois jours au salon ! En effet, au-delà de la transmission de l’exploitation c’est sa manière de travailler qu’il m’a offert et qu’il m’offre encore. Cette continuité remonte à loin puisque nous nous transmettons ce savoir-faire depuis mon arrière-grand-père. Pour toutes ces raisons et par amour du métier, il était impensable de laisser le cheptel partir aux quatre vents et passer dans d’autres mains, c’est pour cela que je me suis installé, entre autres ».

Tous uniques

Cet attachement, Rosanne l’explique : « on est passionné ou on ne l’est pas, et dans ce dernier cas on ne peut pas faire ce métier. Mes animaux ont une grande valeur pour moi. Celle-ci ne s’arrête pas à des considérations pécuniaires puisque certaines vaches ne partent jamais comme Rosette – que mon père à garder – et il y aura probablement Naveline, car j’ai une grande affinité avec elle. Tous les bovins ont leurs caractères, ils sont, à l’image des humains, tous différents. Même si nous les envoyons à l’abattoir, tout le travail d’élevage est intéressant, et gratifiant. En effet, toute la période de vêlage est fantastique : on fait quand même naître des êtres ! De plus, les années ne se ressemblent pas, on ne peut donc jamais se reposer sur nos lauriers nous forçant sans cesse à innover. C’est parfois difficile d’expliquer pourquoi l’on continue, mais je pense qu’il est nécessaire de le détailler au grand public pour qu’il y ait une infime perception de nos contraintes et de notre attachement ; Paris sera un excellent exercice pour ça ! ».

Un peu pareil

« Je crois que les citadins qui viennent nous voir au Salon ont envie de s’intéresser, et c’est déjà un bon point. Ensuite, c’est à nous de balayer les clichés qu’ils peuvent avoir en tête, car leur présence manifeste une envie de comprendre : autant leur donner les bonnes clefs ! Je suis convaincue qu’en expliquant notre travail ils repartiront grandis. Ils ne savent pas tout, comme nous quand on prend le métro ! Je regrette simplement que le Salon soit presque le seul concours médiatisé à ce point alors qu’il y en a d’autres en automne qui mériteraient d’avoir une belle couverture ».

Choix et complexité

Pour sa participation, Rosanne revient sur sa sélection : « la génétique est très complexe. Et, même si elle peut servir, pour moi, il faut se concentrer sur son cheptel et tenter de voir si tel ou tel croisement peut correspondre à ses animaux et sa conduite. Chez nous, nous nous fixons principalement sur la morphologie, c’est donc l’œil qui prime. Ensuite, je m’attarde sur les ascendants et seulement après je regarde un peu les index ». Même si elle n’utilise pas forcément ces derniers, elle comprend leur intérêt pour certains et donc : « je fais toujours attention à les avoir avant de vendre un reproducteur, car certains éleveurs y tiennent de plus en plus, ce que je peux comprendre ». Outre l’indexation, Rosanne évoque un autre point d’évolution chez les acheteurs : « il y a une demande de plus en plus présente pour le vêlage facile, afin d’éviter les interventions. Cela permet de rendre la période des vêlages plus confortable, et donc d’adoucir la dureté de cette profession ; même si pour moi il s’agit de la plus belle. Tous ces éléments montrent, encore une fois, que les éleveurs s’adaptent – volontairement ou non – à la demande, et ce rapidement. Par les temps qui courent c’est sûrement notre plus grande force ; dommage que cela ne soit pas toujours reconnu ».

L'exploitation de Rosanne Lemaitre

Rosanne est à la tête de 150 ha en prairies naturelles, 90 vêlages. Pour la suite, elle souhaiterait une nouvelle organisation en mutualisant ses forces avec l’exploitation de son conjoint, Loïc Pipponiau, située en Saône-et-Loire afin de « simplifier et fluidifier un peu l’alliance entre vie professionnelle et vie de famille ».