La moutarde pourrait être la culture la plus décevante en termes de rendements mais aussi la plus rémunératrice de l’année, pour un certain nombre d’agriculteurs.

L’assemblée des producteurs de moutarde de début juin parait déjà loin, très loin. En effet, les prévisions émises lors de ce rendez-vous ne sont plus du tout d’actualité. « Elles sont largement revues à la baisse. Lors de notre réunion, nous évoquions un rendement moyen de 15 q/ha. Cela ne paraît plus possible », confie Jérôme Gervais, conseiller à la Chambre d’agriculture, qui poursuit : « depuis notre assemblée, il a fait très chaud : cela a forcément impacté les cultures. Une quantité non négligeable de grains a également avorté : ça, nous n’avions pas vu le voir avant. Pour ne rien arranger, les grains sont tellement petits cette année qu’un certain nombre d’entre eux sont perdus à la récolte ». Il y a une quinzaine de jours, Jérôme Gervais revoyait ses prévisions à 12 q/ha. Recontacté une semaine plus tard, le technicien redoutait un rendement final de 11, voire 10 q/h chez l’ensemble des 614 producteurs de la région : « plus les jours passent et plus le potentiel semble diminuer… Cela remet forcément en question notre capacité à honorer la commande des industriels cette année ».
Illustration
Frédéric Le Grand, qui récoltait une partie de ses graines de moutarde le 6 juillet, a accepté une petite entrevue. Le cogérant du Gaec de la Sans Fonds à Noiron-sous-Gevrey avec Stéphanie Jacquot, Sébastien Guerpillon et Quentin Cuvillier, tablait sur un rendement final entre 12 et 15 q/ha. Visuellement, ses champs laissaient pourtant transparaître un potentiel de 20 q/ha un mois plus tôt : « Économiquement, cela restera très intéressant avec les prix que nous avons cette année. D’ailleurs, tous ceux qui dépasseront les 10 q/ha à l’issue de cette moisson devraient bénéficier d’une belle marge. Sur le plan intellectuel, cette récolte est beaucoup moins satisfaisante. Nous avons tout fait pour emmener la culture au bout, dans les meilleures conditions en maîtrisant notamment les insectes. Mais la météo nous a rattrapés encore une fois », confiait l’exploitant de 58 ans qui, au volant de sa moissonneuse, observait des écarts intraparcellaires significatifs sur son capteur instantané de rendements, selon la profondeur des terres. Frédéric le Grand rappelait également une « anomalie » de l’année : « il y a sans doute eu un problème à la floraison : celle-ci n’a duré que trois semaines, au lieu de quatre, voire plus, habituellement ».
Des débuts en 2017
Malgré cette « demi-déception », Frédéric Le Grand reste très satisfait et très attaché à la moutarde, qu’il cultive seulement pour la septième année consécutive. Cet éleveur de 350 truies en système naisseur-engraisseur-multiplicateur dédie la majorité de ses productions végétales à ses animaux et n’avait jamais eu l’occasion de se tester dans cette production : « je n’ai d’ailleurs jamais fait de colza. Ici, nous sommes dans des terres argileuses lourdes, il n’est pas toujours facile de réussir des semis en plein milieu de l’été. La moutarde, j’ai eu l’occasion d’en faire une première fois lors de la campagne 2016-2017. J’avais sollicité mon OS, mais il n’y avait pas de disponibilités avant. Si ma mémoire est bonne, l’année 2016 avait été décevante et plusieurs producteurs s’étaient un peu découragés : j’avais alors tenté ma chance, chose que je ne regrette pas à ce jour. La moutarde est une culture très technique. Sur le plan économique, elle tient la route, même si 2023 est vraiment exceptionnelle. Ma moyenne de rendement depuis 2017 ? Je dirais entre 15 et 16 q/ha. Cette campagne ne fait donc pas partie des meilleures ».
On repart
Actuel président du syndicat des irrigants de Côte-d’Or (et pour l’anecdote, ancien président du syndicat des betteraviers de 2001 à 2009), Frédéric Le Grand repartira avec le même enthousiasme et le même état d’esprit l’an prochain, malgré l’annonce d’une baisse de 500 euros pour la tonne de moutarde : « le tarif de 1 500 euros reste bien sûr intéressant. Comment vont réagir les producteurs ? Nous verrons bien, les engagements pour la prochaine campagne se décident en ce moment. Certains nouveaux producteurs seront peut-être déçus de leurs résultats, surtout s’ils avaient tablé sur un rendement de 15 q/ha ».