Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne
L'interprofession mobilise autour de la réduction de l'empreinte carbone

Cédric Michelin
-

Lors de la dernière assemblée générale du BIVB à Beaune la profession s’est officiellement chargée d’une grande mais lourde « mission » : celle d’accompagner la filière afin d’atteindre la neutralité carbone en 2035. 103 actions ont été identifiées pour réduire l’empreinte carbone individuellement. Aux professionnels de s’en saisir.

L'interprofession mobilise autour de la réduction de l'empreinte carbone
Une table-ronde sur les actions à mener pour réduire l'empreinte carbone de la filière viti-vinicole aura occupé une grande partie de cette assemblée générale.

Nouveau directeur du BIVB, Sylvain Naulin s’est vu confier la mission d’amener la filière des vins de Bourgogne sur une pente de réduction de ses gaz à effet de serre, et compenser le reste. Une lourde charge, proche de 372 600 t de CO2e (équivalent CO2). L’objectif est de réduire l’empreinte de 60 % et de compenser les 40 % restants. Cet engagement était soumis au vote de l’assemblée générale de l’interprofession, le 27 juin à Beaune, qui l’a approuvé à l’unanimité. Le président du BIVB, François Labet, mettait cependant en garde sur la difficulté à atteindre cette « Objectif Climat » car le changement climatique va venir encore compliquer l’adaptation. D’ici 2035, il faudra « réinventer nos itinéraires de production pour les adapter au climat. Ce dernier devrait être équivalent à celui d’Orange », ville méridionale. C’est l’occasion ou jamais de remettre à plat ses pratiques, en interrogeant l’intelligence collective.

103 actions à mener

Pour tenter de convaincre plus largement les 3 600 domaines, 270 négoces et 16 caves coopératives composant la filière, le BIVB organisait une table ronde sur le sujet. Le directeur du Pôle Technique, Jean-Philippe Gervais, lançait les débats sur le meilleur moyen d’atteindre « la trajectoire idéale et être le vignoble modèle » en termes de neutralité carbone. Il sait que rien n’est simple à concilier : arrêter les herbicides pousse à augmenter le travail du sol, vendre en direct oblige à plus de déplacements… Les contradictions sont partout. Le BIVB a co-construit un catalogue de neuf thèmes, 41 axes et 103 actions. Par exemple, sur le thème de l’emballage, un axe est d’alléger les bouteilles et une action est d’inciter à les utiliser. « Ce plan d’actions va principalement parler de votre modèle économique », ne cachait-il pas. Ce sont « des propositions d’actions » car le BIVB est bien conscient qu’il n’a pas « de légitimité à décider pour les entreprises ». Toutefois, il a son rôle à jouer dans les négociations avec les verriers ou les opérateurs du fret, principaux postes d’émissions. Pour autant, il n’y a pas de petits gains d’émission et les leviers sont parfois faciles à enclencher, comme sur l’énergie en cuverie, ne « pesant que 5 % du bilan carbone » mais où il est rapide et facile d’économiser jusqu’à 50 % de ses émissions individuelles. Ce qui est moins le cas pour les traitements phytos, en raison de la pression des ravageurs et maladies cryptogamiques à gérer, analyse le BIVB.

Se fixer des objectifs

Du Domaine Malandes à Chablis, dans l’Yonne, Amandine Marchive témoignait en vidéo. Avec 30 ha pour 200 000 cols/an, la vigneronne a repris avec son frère le domaine familial en 2017 pour le convertir en AB en 2019. Son objectif était ensuite de passer de 85 % export à 50 % de ventes en France. « On fait un gros travail pour supprimer les intrants chimiques dans nos vignes, donc cela nous paraît aberrant d’exporter à l’autre bout du monde via des transports extrêmement polluants ». Elle a développé son réseau de grossistes et agents pour doubler ses ventes en France en 5 ans. Du Domaine Méo-Camuzet à Vosne-Romanée, en Côte-d’Or, Jean-Nicolas Méo a aussi commencé par un gros poste émetteur de CO2 : ses bouteilles. « J’utilise une bouteille de moins de 600 g et j’essaye une bouteille de moins de 500 g, en l’expliquant à mes clients. Cela semble plaire et sans casse. J’ai changé de cartons pour en rentrer plus sur des palettes Europe et densifier mes envois. Je suis passé à la voiture électrique et j’essaye de partir moins souvent et plus longtemps en représentation ».

Ne pas se dire que tout va bien

Si la cave des Vignerons des Terres Secrètes, en Saône-et-Loire, est depuis 2011 engagée dans une démarche Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la responsable technique, Émeline Favre l’admet : dans tout collectif, « il y a des coopérateurs plus en avance, d’autres plus en demande. Toute la difficulté est de savoir se structurer autour d’un vrai collectif et bien communiquer ». La prisséenne mettait les pieds dans le plat beaunois : « le vrai risque, c’est que comme la Bourgogne viticole va bien, elle se repose sur ses lauriers ». Le diable se cache dans les détails, du verrier proposant « 20 références de Bourgogne alors que 3-4 paraissent logiques » aux « étiquettes avec deux pigments naturels réduisant le visuel ». Tout est question de compromis à toutes les étapes de la chaîne de production. S’ensuit un travail d’explication aux clients. Elle l’avoue, le travail sur la gamme éco-conçue Cerço a eu pour plus grande vertu « d’ouvrir les yeux » des derniers récalcitrants, salariés et prestataires compris. Avec un catalogue de « 103 directions à prendre », Louis Poitout (Chablis) estime encore « très complexe pour un petit vigneron » comme lui de choisir parmi les actions proposées ce jour au BIVB. « Je ne sais pas faire et je perds du temps, donc je risque d’abandonner », admettait-il publiquement pour montrer les limites de l’exercice à ce stade. En réalité, il n’a pas attendu pour avancer sur le sujet avec des pompes à chaleur au chai, un tracteur de moindre puissance, et demain des toitures bâtiments repeintes en blanc pour repousser la chaleur. Son message à l’adresse du BIVB était simple : les vignerons ne doivent pas être laissés au milieu du gué et ont besoin d’être épaulés pour réussir leur transition technico-économique vers la neutralité carbone.

Rattraper le retard et le climat

Des animations et formations seront prochainement proposées. Il faudra aussi suivre les progrès des 4 000 initiatives individuelles. « On l’a vu, reconnaissait Christian Vannier, directeur sortant du BIVB, sur la diminution des phytos, c’est compliqué de recueillir, ne serait-ce que les informations. Encore moins sur 103 actions possibles ». Le BIVB a donc resserré l’éventail des actions à une « cinquantaine ». « Les esprits sont prêts. Le problème est qu’on a pris du retard et on doit maintenant aller vite », encourage Jean-Nicolas Méo. « On ne communiquera que sur des faits, donc pas tout de suite », conclut le BIVB qui craint de voir son Objectif Climat réduit à du « greenwashing ». Le mot de la fin revenait au président Labet redonnant de la hauteur sur ce défi générationnel : « Notre responsabilité et nos engagements sont attendus par nos clients et nous le devons aux générations futures. L’ampleur des adaptations à venir est considérable et il ne suffira pas de réduire notre empreinte carbone », préfigurant déjà des suites, certainement autour de l’eau, l’air, la biodiversité…