Journée régionale porcine
Journée régionale porcine BFC

Alexandre Coronel
-

L’explosion du prix de l’électricité, qui vient s’ajouter à celle de l’aliment, met les producteurs de porcs charcutiers au pied du mur : comment continuer à produire sans pouvoir répercuter les coûts de production sur les prix de vente ?

Journée régionale porcine BFC
La crise énergétique est une préoccupation fondamentale pour les élevages porcins.

La dernière journée régionale porcine a réuni de nombreux éleveurs et acteurs de la filière à Saône, près de Besançon. Sur fond de crise énergétique, alors que les débats se focalisent sur l’hypothèse des « délestages » de cet hiver, c’est la facture d’électricité qui alarme les éleveurs de porcs. En cause, la crise sanitaire et la reprise chaotique de l’activité économique après les confinements, puis la mise à l’arrêt d’une partie des centrales nucléaires pour maintenance, et le boycott du gaz russe par suite du conflit avec l’Ukraine… Et ce alors que la libéralisation du marché de l’énergie, qui promettait, en vertu de la concurrence accrue, innovations, efficience, baisses de prix, débouche finalement sur des bulles spéculatives et un prix de l’électricité multiplié par 10 ! « Comment en est-on arrivé là ? », s’insurge Laurent Schouwey, éleveur à Vaudrey, dans le Jura, et gérant de la maternité collective La Porcelaine, regrettant le manque de clairvoyance et de stratégie énergétique à long terme des pouvoirs publics. L’intervention de la conseillère de Lucia énergie, par le truchement de la visioconférence, semblait surréaliste, quand elle a proposé aux producteurs de porcs acculés par la flambée des cours de l’électricité de différer la production… ou d’utiliser leurs groupes électrogènes !

Une augmentation pas absorbable

Les participants à la table-ronde ont aussi pointé l’insuffisance et les failles du plan d’aide énergie proposé par la France (bouclier tarifaire réservé aux contrats inférieurs à 36 kWh), alors que les principaux pays producteurs de viande de porc et de charcuteries en Europe ont mis en place des plafonnements du coût de l’énergie bien plus efficaces. « Si votre contrat est inférieur à 36 kW : il faut retourner sans tarder aux tarifs réglementés (15 % de hausse maximum). Pour les sites au-delà de 36 kWA, prendre un contrat à court terme, et auprès des fournisseurs historiques. Il peut être judicieux d’étudier la consommation pour vérifier la pertinence des tarifs heures pleines-heures creuses. Enfin il faudra concentrer au maximum les consommations sur les heures creuses lorsque c’est possible… » De fait, la consommation électrique moyenne des naisseurs-engraisseurs est de l’ordre de 983 kWh/truie présente/an. La multiplication du prix de l’énergie par un facteur de 4, 6, voire 10 n’est pas absorbable par de simples optimisations ou mesures d’économies. « 15-20 %, on peut gérer, mais là, on est devant un mur ! » s’exclame Yannick Pourchet, éleveur à Liévremont, dans le Doubs, pour qui l’explosion du coût de l’énergie compromet l’installation d’un associé. « 9 € de surcoût par porc charcutier, je ne sais plus faire ! » Comme l’a souligné Claire Le Grand, directrice d’Interporc, l’augmentation du prix de l’énergie impacte tous les maillons de la filière.

Des pistes d’amélioration

Isabelle Forgue, conseillère énergie à la Chambre d’agriculture du Doubs-Territoire de Belfort a détaillé plusieurs pistes d’investissements susceptibles d’améliorer l’efficience énergétique des élevages. « L’isolation des plafonds et le changement de fenêtres revient à 9 000 € pour une salle de 180 porcs (195 m²), qui permet de produire 480 porcs/an. La meilleure maîtrise de la température dans le bâtiment permet de gagner un à deux points d’indice de consommation. Le temps de retour sur investissement, pour un point d’IC gagné, est de cinq ans ». Autre piste, l’éclairage : « le remplacement des 15 tubes fluorescents et du câblage d’une salle de 180 porcs charcutiers de 195 m² revient à 2000 €. Cela permet de diminuer la consommation électrique par quatre. Dans le cas d’une utilisation d’une heure par jour on a un temps de retour sur investissement long (14 ans dans l’hypothèse d’une multiplication du prix du kWh par trois), mais c’est bien plus rapide si la lumière est utilisée huit heures par jour (1,8 an). » Cette table ronde a permis d’aborder d’autres investissements, tels que la pompe à chaleur associée à un puits canadien ou la fosse à lisier (lisiothermie), ou la récupération du méthane sur la fosse à lisier (système nénuphar) pour chauffer les porcelets. À partir du mois de janvier prochain, l’interprofession porcine régionale publiera mensuellement un indicateur du coût de production. Reste à savoir si les consommateurs, dont le pouvoir d’achat est sévèrement entamé par l’inflation, pourront suivre…