La moisson des présidents
Les colzas déçoivent

Christopher Levé
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Durant un mois, Terres de Bourgogne s'en va à la rencontre des présidents d'organismes agricoles de l'Yonne, pour parler des moissons. Rendements, qualité, prix... Tous les sujets sont abordés, avec le point de vue de l'agriculteur. Car au-delà de leurs diverses fonctions, ces présidents restent avant tout des agriculteurs. Pour ce deuxième volet, direction Sementron, pour aller rencontrer Arnaud Delestre, président de la Chambre d'agriculture de l'Yonne. 

Moissons
Les rendements des colzas est bien en dessous des espérances cette année.

C’est à Sementron, le mardi 4 juillet, que nous retrouvons Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne et agriculteur à Thury. Nous le rejoignions dans sa moissonneuse-batteuse, en pleine récolte du colza. « On (avec Loïc Guyard et François Coupechoux avec qui il fait la moisson en commun) a commencé de récolter les colzas le dimanche 2 juillet. On est un peu déçu en règle générale avec les colzas cette année. Je pense que le mois de mai qui a été très chaud en est la cause. Cela a stoppé le grossissement des grains, ce qui donne des rendements plutôt faibles alors que la récolte s’annonçait prometteuse dans le secteur », constate-t-il. « On espérait que les colzas dépassent les 30 q/ha voire les 35 q/ha. Force est de constater qu’on sera en dessous de 30 q/ha et même plus près de 20-25 q/ha ».
Quant à son regard sur la récolte des orges d’hiver ? « Je suis plutôt satisfait des rendements, ce qui semble être le cas de la majorité des agriculteurs du département. Il y a peut-être quelques problèmes sur la qualité, notamment sur le calibrage. Le coup de chaud de fin mai - début juin a fait que là aussi, les grains sont assez petits. Mais en quantité, en règle générale, c’est plutôt très bon, même si les prix on tendance à baisser en ce moment. Dans notre secteur, on est entre 60 et 70 q/ha, dans des terres argilocalcaires superficielles, ce qui est au-dessus de la moyenne des dernières années », indique Arnaud Delestre.

La pluie menace les blés

Au moment de notre rencontre, la récole des blés n’avait pas encore commencés dans le secteur. Et Arnaud Delestre pointait une inquiétude. « Le souci est l’alternance de passage pluvieux. On a des giboulées assez régulières qui stoppent la récolte pendant quelques heures. Cela pourrait devenir problématique et atteindre la qualité si jamais les blés sont à maturité. Chaque pluie peut faire baisser le PS, qui déjà de base pourrait ne pas être très élevé compte tenu du coup de sec de fin mai - début juin », explique l’agriculteur. « Je suis assez inquiet pour ceux qui sont dans des terres à cailloux où les potentiels sont déjà atteints, cela se voit à l’œil. Je pense que les blés devraient connaître de grosses hétérogénéités en fonction des dates de semis, des variétés et de la qualité des terres ».

L’effet ciseaux de la guerre en Ukraine

Dans le premier volet de « la moisson des présidents » (voir édition 1739 du vendredi 7 juillet, ndlr), nous demandions à Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne et agriculteur à Saint-Julien-du-Sault, si l’inquiétude pour l’économie des exploitations pour les années à venir, exprimée il y a un an, avec les prix des intrants qui avaient flambé, à la suite du conflit russo-ukrainien, était toujours d’actualité avec une moisson prometteuse annoncée cette année. À cette même question Arnaud Delestre estime que « l’effet ciseaux, j’ai tendance à penser qu’il faut le comparer sur plusieurs années, c’est mon côté optimiste. Il faut rappeler qu’en 2022, on a eu une très bonne récolte avec des engrais peu chers. En 2023, les engrais ont en effet été achetés à des prix très élevés. Mais la récolte sera peut-être meilleure en qualité que l’année précédente, même si les prix sont en baisse, au moins 100 €/t de moins sur chaque culture. L’avantage c’est qu’en même temps que le prix des céréales diminue, celui des intrants fait de même », analyse-t-il. « Les prix sont en train de se tasser. C’est pour cela que selon moi il faut regarder l’impact économique sur plusieurs années. Cette année, s’il y a la quantité, et en fonction de ce que donneront les blés, on pourrait à nouveau avoir une récolte plutôt correcte en moyenne dans le département. Toutefois, il est certain que cet effet ciseaux se ressentira dès cette année dans certains secteurs », conclut-il.