La question du renouvellement des générations est de plus en plus présente dans les discussions autour de l’agriculture, mais cela ne veut pas dire qu’une relève n’est pas assurée. Pauline et Clément, tous deux étudiants au Legta de Challuy, près de Nevers, nous le démontrent.
Le renouvellement des générations est un sujet de plus en plus central dans les discussions des organismes professionnels agricoles. Pour rappel, un rapport de la Cour des comptes de 2023 fait le constat suivant : « De plus de 2,5 millions en 1955, la population des exploitants est passée à 764 000 en 2000 et à 496 000 en 2020 selon les résultats du dernier recensement agricole de 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d’exploitations agricoles diminue aussi fortement, pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020 » (1). Pourtant, la baisse du nombre d’exploitants ne signifie pas que la nouvelle génération boude totalement le milieu agricole. Stéphanie Moulin, enseignante en gestion et coordinatrice du BTS Analyse, conduite et stratégie de l’exploitation agricole (Acse) au Legta de Challuy, près de Nevers, détaille : « Certains jeunes ont une idée assez précise de ce qu’ils souhaitent pour leur avenir. Leur temps de formation peut servir à affiner leur projet ou à se rediriger vers d’autres horizons. Mais dans tous les cas, ils sont, pour le moment, déterminés à rester dans le milieu agricole ce qui est relativement rassurant face à la question du renouvellement des générations pour notre territoire ». Pour avoir un aperçu concret de cet état d’esprit, nous avons rencontré deux élèves du Legta de Challuy : Clément Joly et Pauline Serzins.
Clément Joly, 18 ans, en 1re année de BTS Acse :
« J’ai toujours aimé l’agriculture et l’élevage, notamment car mon père est exploitant. Cela était donc naturel pour moi de me diriger vers cette profession. Afin d’avoir un maximum de clés pour tenir une exploitation, j’ai opté pour un BTS Acse. En effet, via cette formation, ce sont des compétences globales qui nous sont demandées, en particulier, sur la comptabilité. Grâce à cette pluralité d’enseignements, de nombreuses portes peuvent s’ouvrir à moi si, pour une quelconque raison, je ne peux pas devenir chef d’exploitation ; il faut penser à tout même à notre âge ! ». Il explique plus en détail ses motivations : « j’ai envie de mettre l’agriculture en avant car nous ne travaillons pas mal ! Il faut le rappeler parce qu’aujourd’hui, j’ai un peu l’impression que les agriculteurs sont responsables de presque tous les maux. S’ajoute à cela que le métier au quotidien n’est pas forcément facile, donc il faut clairement être motivé pour vouloir le faire. Malgré tout cela, j’ai toujours cette flamme en moi, voir les animaux ou travailler avec mon père m’anime. Je ne me vois pas vraiment faire autre chose. Je trouve aussi que cette profession est très valorisante car, quand même, on nourrit la population ! J’apprécie le contact avec les clients via la vente directe : on a un retour direct et positif de leurs expériences avec nos produits. Cette proximité fait toujours chaud au cœur et nous rappelle les raisons fondamentales du choix de cette carrière. Lorsque je serais installé, je pense travailler un peu sur la communication autour de mes pratiques, car c’est actuellement le nerf de la guerre pour avoir un poids au niveau politique. Si nous montrons avec toute la transparence possible nos façons de faire, je suis persuadé que le grand public et les pouvoirs publics nous verront autrement et comprendront aussi l’importance de maintenir les productions agricoles françaises. Oui, j’ai un vaste programme pour mon avenir, mais ô combien intéressant ! »
Pauline Serzins, 18 ans, en 1re année de BTS Production animale (PA) :
« Mon oncle, David Caziot, est exploitant et je suis souvent allée le voir étant petite, ce que j’adorais ; j’en garde de très bons souvenirs. C’est sûrement de là que viennent mon amour des animaux et mon envie de travailler avec eux. Lors de mes vœux d’orientation, on m’avait conseillé de suivre des études de vétérinaire. Mais, cela ne m’attirait pas, d’une part, car cet enseignement n’était pas assez « pratique » à mon goût et, d’autre part, parce que j’ai pour objectif de m’installer en caprins ou en ovins. Je pense que pour une installation, comme pour moi en hors cadre familial, il est préférable de ne pas avoir d’investissements trop lourds, ce qui est le cas pour la majorité des exploitations ovines ou caprines. De plus, la filière ovine ou caprine est, à première vue, adaptée à mon gabarit. Je pense qu’il est nécessaire d’avoir conscience de ses capacités lorsque l’on s’oriente dans ce type de projet. Pour toutes ces raisons, j’ai donc laissé de côté la voie vétérinaire pour me diriger en BTS PA. Je ne regrette absolument pas mon choix car je fais enfin ce que j’aime, avec beaucoup de visites de terrain et de pratique puisqu’au Legta de Challuy nous avons la chance d’avoir une exploitation. Je suis persuadée que ce type d’enseignement nous prépare parfaitement au monde du travail en milieu agricole. De par mes discussions avec mon oncle, j’ai conscience depuis longtemps de toutes les contraintes qu’il peut y avoir avec cette profession. Mais, cela ne me décourage pas du tout car c’est, à mon sens, le plus beau métier du monde. En étant éleveur, nous apportons une aide vitale à la population en créant des denrées alimentaires, le tout en intégrant le bien-être animal dans nos pratiques et ce au quotidien. Pour ce choix de carrière, je ne suis malheureusement pas particulièrement soutenue par ma famille, car ils s’inquiètent de la viabilité de mon projet. Sur ce point, je pense que la communication est un pan indispensable à mettre en place par les agriculteurs eux-mêmes afin qu’ils établissent leur vérité. Quand je serais installée, je pense instaurer cela via les réseaux sociaux ou des portes ouvertes. En parallèle, j’aimerais beaucoup que des visites avec les élèves de lycée soient organisées dans mon exploitation afin d’expliquer mon parcours pour leur prouver que devenir éleveuse est possible ! Ce métier est exigeant dès les prémices de notre engagement, ce qui peut en décourager certains. Il faut détailler notre vécu pour les motiver : on a tous à apprendre des expériences des uns et des autres. Afin de mettre toutes les chances de mon côté pour atteindre mon objectif, je pense faire une licence Acse après mon BTS PA afin d’avoir un apprentissage de la gestion et ensuite, pourquoi pas, travailler comme ouvrière agricole afin de faire mes armes avant de me lancer dans le grand bain de l’installation ».
Note de bas de page : (1) : https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/20230412-Politique-installation-nouveaux-agriculteurs.pdf
Exergue 1 : Clément Joly : « Si nous montrons nos façons de faire, le grand public nous verra autrement »
Exergue 2 : Pauline Serzins : « Je fais enfin ce que j’aime, avec beaucoup de visites de terrain et de pratique »
