Le vendredi 3 juin, la FDSEA de l'Yonne organisait son assemblée générale, à Looze. Avec une thématique bien particulière cette année : l'impact du conflit en Ukraine sur l'agriculture icaunaise, traitée sous forme de table ronde. 

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L'AG de la FDSEA de l'Yonne s'est tenue le vendredi 3 juin, à Looze.

Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas. Pourtant, les agriculteurs se demandent bien quand est-ce qu’ils auront un moment d’accalmie, où aucun phénomène, qu’importe sa nature, n’aura d’effet sur leurs productions. « Après l’année 2021 marquée par événements climatiques sans précédents qui ont affecté particulièrement la viticulture et l’arboriculture, c’est la géopolitique qui s’invite cette année, en rappelant au passage que la paix n’est jamais un acquis durable », introduit Franck Pouillot, secrétaire général de la FDSEA de l’Yonne, lors de l’AG du syndicat, le vendredi 3 juin, à Looze. « Cette invasion brutale, barbare, ayant pour but de contrôler les matières premières, notamment alimentaires, provoque des soubresauts dans toute l’économie : gaz, acier, aluminium, carburant, engrais… ont connu et connaissent des envolées de prix et même des pénuries ». « L’inflation est de 30 % sur l’alimentation animale, au moins 50 % sur l’électricité, plus de 100 % sur le GNR, 400 % sur le gaz… Forcément cela a un impact sur les engrais, notamment l’engrais azoté avec plus de 150 % de hausse. Toutes les filières sont touchées », précise Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne.
Car si l’engrais est aujourd’hui aussi cher, c’est parce que « pour produire de l’engrais, il faut de l’énergie. Soit du gaz, soit du fioul. Avec les augmentations de l’énergie, l’engrais augmente par conséquent », assure Antonio Pereira, conseiller technique à la Chambre d’agriculture de Haute-Marne, qui participait à la table ronde.
Sans parler des prix, les délais pour obtenir du matériel sont là aussi étirés. « Un an, 18 mois, deux ans… Telle est la situation actuelle », reprend Franck Pouillot. « Les fertilisants ont des disponibilités au compte goûte en période creuse, quand sera-t-il au printemps ? », s’interroge-t-il.

Des solutions locales à économie circulaire

Du côté des productions, les prix, là aussi, augmentent par la force des choses. « Certaines filières ont pu compenser cette hausse vertigineuse des coûts de production par une augmentation des prix de vente, mais pas toutes. La filière porcine, très consommatrice de céréales (dont les prix ont explosé), en est l’illustration. De nombreux élevages sont dans le rouge et même menacés », s’inquiète Franck Pouillot.
Face à ce constat, les agriculteurs cherchent des solutions. L’autonomie en protéine et en fertilisant en est une. « Dans l’Yonne, nous avons une filière volaille en plein boom et la demande du consommateur est là. Une économie circulaire qui consomme des céréales locales, apporte des fertilisants riches et décarbonés à proximité », détaille le secrétaire général de la FDSEA de l’Yonne. En matière d’énergie, l’énergie végétale est une alternative. « À ce jour, en France, plus de 250 projets de méthaniseurs sont en attentes. L’envolée des coûts de construction ralentie les réalisations. Une réactualisation des conditions d’achat de gaz, ainsi qu’un allègement des procédures de construction peut nous permettre de nous passer rapidement du gaz russe ».

Des aides appréciées mais jugées insuffisantes

Afin d’aider les agriculteurs à surmonter cette nouvelle crise, l’État a mis en place une aide d’urgence à la trésorerie, « avec un plan de résilience pour accompagner les exploitations face à ces hausses de charges et de coûts de production », développe Damien Brayotel. « Une remise de 15 cts/l à la pompe de la part du distributeur du 1er avril au 31 juillet, le remboursement anticipé de la TICPE 2021 au 1er avril 2022, un acompte de 25 % de la TICPE 2022 au 1er avril, un deuxième acompte en septembre en fonction de la situation, aides face aux hausses des factures de gaz et d’électricité (selon certains critères l’éligibilité), ont aussi été mis en place par l’État », ajoute Thierry Coué, vice-président de la FNSEA.
« Concernant l’Europe, qui aurait imaginé qu’elle autoriserait la remise en culture des jachères pour produire davantage. Même si l’impact chez nous va être très faible, c’est une bonne surprise et cela montre peut-être une prise de conscience », pointe Damien Brayotel. « Si seulement l’Europe, dans un sursaut de réalisme, pouvait se rappeler le projet initial de la PAC : la souveraineté alimentaire dans un objectif de stabilité et de paix. Il aura donc fallu une crise sanitaire et maintenant une guerre, avec la peur des rayons vides dans les grandes surfaces, pour que l’acte de produire de l’alimentation en quantité, en qualité suffisante, retrouve un peu de considération, en France et en Europe, dans les orientations politiques », regrette néanmoins le président de la FDSEA de l’Yonne. « Mais les mesures prises restent insuffisantes et surtout temporaires (elles se concentrent sur 2022). Nous avons besoin d’engagements à plus long terme pour le développement de l’agriculture ».
La FNSEA a d’ailleurs bâti un projet agricole autour de 30 propositions présenté au niveau national lors des élections présidentielles, qu’elle souhaite désormais partager avec les candidats aux élections législatives. Avec en tête de liste une vision claire de la souveraineté alimentaire : « l’agriculture française des prochaines années doit être productive et durable, compétitive et rémunératrice, protégée et combative face à concurrence déloyale, qu’elle soit européenne ou internationale », conclut Damien Brayotel.

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Une table ronde autour de la thématique de l'impact du conflit en Ukraine sur l'agriculture icaunaise.