Accord mets et vins
Sublimer le terroir bourguignon par la vinostronomie
Jean-Bruno Gosse est chef de cuisine depuis 2017. Après un parcours brillant et trois années étoilées au restaurant Loiseau des Ducs à Dijon (Bourgogne), ce dernier a pris place à la Table des Climats, situé à Dijon, au cœur de la Cité internationale de la gastronomie et du vin. Un restaurant « vinostronomique », qui allie la fine fleur de la gastronomie bourguignonne à celle des différents climats de Bourgogne.
Vous êtes chef à la Table des Climats depuis juillet. Quelle est la promesse du restaurant ?
Jean-Bruno Gosse : « Ce restaurant est une table à vocation gastronomique, avec un axe “vinostronomique”. Cela signifie que nous prenons appui sur un climat de Bourgogne : une parcelle, un terroir, un sol, une vigne, qui sera célébré et sublimé dans l’assiette. Si l’on prend comme exemple le climat de Gevrey-Chambertin (Côte-d’Or), je vais proposer dans l’assiette un œuf en meurette sélectionné dans le secteur de Gevrey-Chambertin, servi avec une sauce au vin rouge Gevrey-Chambertin. Le tout évidemment servi avec un verre de vin Gevrey-Chambertin, qui viendra compléter ce climat et ainsi donner du sens au nom du restaurant. Finalement, c’est un écosystème complet que l’on essaie d’intégrer dans une assiette, nous construisons un plat sur les arômes du vin. Ma promesse, en tant que chef, c’est une démonstration d’élégance du terroir dans l’assiette. J’aime le terroir, j’aime les choses franches. Malgré cela, avec mon 1,90 m et mes cent kilos, j’aime les assiettes équilibrées, fines et élégantes ».
Cela fait déjà plusieurs années que vous œuvrez au cœur du terroir bourguignon : pourquoi cette région en particulier ?
J.-B. G. : « J’ai croisé le chemin de plusieurs restaurants étoilés Michelin lorsque j’étais jeune, au cours de saisons du côté d’Avignon (Vaucluse), de Courchevel (Savoie), de Nice (Alpes-Maritimes), de la Côte d’Azur… Lorsque j’ai découvert la Bourgogne-Franche-Comté, en 2014, j’ai été scotché par l’envergure de sa densité épicurienne et de son offre de restauration. C’est du haut niveau. Tout a commencé à l'Hostellerie de Levernois (Côte-d’Or). Pour moi qui viens du nord de la France, découvrir des lieux, des régions vraiment épicuriennes a été une parfaite révélation. Il s’agit, bien souvent, de régions viticoles. J’ai découvert d’autres régions tout à fait incroyables, mais la Bourgogne a été mon premier coup de cœur, alors je l’ai choisie. Et comme je le dis souvent, je ne suis pas tombé amoureux que de la Bourgogne, mais également d’une Bourguignonne ! Cela a tout naturellement aidé ».
De quoi est née cette passion pour la gastronomie et celle du vin ?
J.-B. G. : « Je ne suis pas né dans une famille de cuisiniers. J’ai étrangement construit cette passion et cet amour pour la gastronomie tout seul, très jeune, avec des livres de cuisine, des recettes, des émissions de télévision comme La cuisine des mousquetaires présentée par Maïté, ou celles de Joël Robuchon. Je ne loupais pas un seul épisode de Bon appétit bien sûr ! La moindre casserole qui passait à la télé, la moindre recette, je ne loupais rien. Plus tard, j’ai eu une passion pour l’art, j’ai d’ailleurs fait des études d’art et je trouve que la gastronomie en fait partie. C’est un genre de spectacle en plusieurs dimensions. D’autre part, j’ai toujours aimé le vin, le déguster avec des amis… et puis je suis en Bourgogne, c’est un incontournable du patrimoine de la région. Je n’ai pas fait d’études vinicoles, mais je pense que si tant est que l’on aime le vin, avec des années de dégustation, il est possible d’en acquérir une belle connaissance pour le comprendre ».
Pouvez-vous nous donner un exemple de repas que vous avez plaisir à déguster et qui représente ce que vous aimez dans l'assiette ?
J.-B. G. : « Ce n’est pas très original, mais pour l’entrée je choisirais l’œuf en meurette, accompagné d’un un verre de pinot noir, de Gevrey-Chambertin ou de hautes-côtes-de-nuits, quelque chose d'assez doux, légèrement boisé, avec des arômes de fruits croquants. Pour le plat, j’opterais pour un poulet-frites, en écho à mes origines du nord de la France et parce que c’est quelque chose que j’adore. Je ferais honneur à ma région natale en l’accompagnant d’une bière en pression, sans doute blonde ! Pour le dessert je me laisserais tenter par un riz au lait. Je ne craindrais pas de l’accompagner d’un effervescent, qu’il s’agisse d’un crémant de Bourgogne ou d’un champagne ».
Quels sont vos projets culinaires pour la suite ?
J.-B. G. : « Mon objectif premier est de continuer à travailler dans un restaurant dans lequel je me sens bien, pour poursuivre ma passion de manière à la fois créative et proactive. Mais si je devais avoir un fantasme culinaire secret… ce serait d'avoir une table qui pratique les plats à la façon des années 1980-1990, qui sont toujours ancrées en moi, dans la culture culinaire de ma jeunesse. C’est ce que l’on appelle aujourd'hui la cuisine « kitsch » : une poule cuite au bouillon, accompagnée de petits légumes alignés, en pièce montée, le tout servi dans un grand plat en argent. Cela paraît peut-être désuet, mais c’est une envie qui est au fond de moi. Et je ne doute pas que je la réaliserai un jour ».
L’œuf en meurette, son plat signature
Jean-Bruno Gosse a découvert en Bourgogne ce qui deviendra plus tard son plat signature : l’œuf en meurette. « Lorsque j’ai goûté pour la première fois un œuf en meurette, j’ai été subjugué. Notamment lorsque j’ai découvert que l’on pouvait faire de la sauce sans crème », se souvient-il. « Peut-être que les choses changent, mais dans le Nord, il y a vingt ans, les seules sauces que vous trouviez dans les restaurants étaient des sauces béarnaises, à la normande, des sauces curry… toujours avec de la crème. Lorsque j’ai entamé mes études de cuisine, c’est la première chose que j’ai dite à mes professeurs : je souhaitais comprendre comment faire une sauce sans crème. » Un élément aujourd’hui essentiel dans sa cuisine, faisant partie intégrante de son art culinaire. C’est donc l’œuf en meurette qui marqua un tournant dans l’expérience gastronomique de Jean Bruno Gosse. Et pour cause : plus tard, il revisite cet œuf emblématique dans un style avant-gardiste. Le jaune est cuit à basse température pendant vingt-quatre heures et le blanc est présenté sous forme de nuage. Une originalité qui lui vaudra le prix de la créativité lors du championnat du monde de l’œuf en meurette, en octobre 2022.