Moissonneuse.fr
Rencontre avec un participant
Comme abordé dans une précédente édition, Laurent Lebouille, exploitant dans la Nièvre, s'est inscrit sur moissonneuse.fr, afin d'accueillir des visiteurs durant les moissons. Voici un retour sur la rencontre avec l'un d'entre eux.
Dans le cadre de l'initiative moissonneuse.fr d'Intercéréales, Laurent Lebouille (Cosne-Cours-sur-Loire) a accueilli Jérémy Thuillier, 32 ans, et Sarah Thavone, 31 ans, ayant pris rendez-vous sur le site… Ainsi, durant deux heures environ, les échanges se sont faits à « bâton rompu » stipule Laurent.
Pour lui cette expérience fut : « agréable et enrichissante. J'ai essayé de présenter au mieux les divers pans qui régissent ma profession et ce pour toutes les périodes de l'année. Je les ai également fait participer aux travaux, le tout en passant un moment sympathique ». Du côté de Jérémy, il explique : « je connais le principe de moissonneuse.fr depuis le début en 2019, grâce au Youtuber David Forge. À cause de la crise sanitaire, l'opération était en pause, et quand j'ai vu que cette année cela repartait, j'ai proposé à ma compagne, Sarah, de découvrir les moissons. Ayant grandi proche de Paris, elle ne connaît pas le milieu agricole. Pour ma part, c'est un peu différent. Quand j'étais adolescent, je donnais un coup de main durant cette période particulière ». Originaire de l'Oise, il raconte que dès 16 ans, il obtient ses premiers emplois chez des voisins ou amis exploitants. « Mes parents ne sont absolument pas de ce secteur d'activité, mais cela m'a toujours passionné. Mon rêve serait de devenir exploitant céréalier ». Pour accomplir ce désir, il tente depuis deux ans de se reconvertir.
Parcours du combattant
« Je suis titulaire d'un Master RH et suis aujourd'hui chargé de projet en Systèmes d'information pour les ressources humaines (SIRH). Un métier qui, de mon point de vue, manque de sens… J'aimerais me reconvertir mais en conservant mon poste à mi-temps durant cette période de formation afin d'être autonome et de ne pas profiter du système d'allocations. Je pensais pouvoir suivre un BTS production végétal à distance et réaliser mes stages tout en continuant à travailler. Mais force est de constater que cela n'est pas possible ». Il développe : « Il y a une politique de promotion de la reconversion, mais cela n'est qu'une chimère, et je dis cela en connaissance de cause. Pour réaliser ce BTS à distance, je suis passé par le système de transition professionnelle (1). J'avais trouvé une école… mais on m'a débouté car mon dossier était administrativement trop compliqué à gérer ou encore que vu mon niveau d'études je serais trop cher en maintien de salaire… des réflexions hallucinantes ». Pour lui, cette expérience dénote un problème plus large : « La sonnette d'alarme du renouvellement des générations est depuis longtemps sonnée par le milieu agricole, toutes productions confondues. Mais les conditions d'installation ne sont pas propices à attirer de nouveaux jeunes, et ceux qui le sont, sont dégoûtés au fur et à mesure des démarches. La complexité et le peu de soutien, que ce soit des pouvoirs publics ou des banques, pour les installations sont impressionnantes. En parallèle, je trouve cela dramatique de constater le peu de rémunération que les exploitants ont, même si j'en avais conscience dès le début. Là encore, c'est peu attrayant pour des jeunes. On fait ce métier par passion, car personne n'accepterait de faire 80 heures par semaine à moins de 1 000 euros par mois ».
Avenir à définir
Pour la suite, Jérémy pointe deux options : « soit je persiste pour me reconvertir, soit j'abandonne… Je me laisse deux ans pour réfléchir et mûrir mon projet, afin de peser le pour et le contre, car je dois également penser à ma compagne. Je ne veux pas m'installer si c'est pour être dépendant de son salaire pour la survie de la ferme… Dans l'idéal, je souhaiterais trouver une exploitation au nord de la Loire… nous verrons bien si cela se fait. En attendant, je continuerais à aller voir les exploitants afin d'échanger avec eux pour avoir toutes les informations nécessaires pour prendre une décision ». Jérémy conclut : « moissonneuse.fr est un bon moyen pour des personnes dans ma situation d'avoir un premier contact avec des professionnels. Et, pour le grand public, de découvrir davantage ceux qui les nourrissent tous les jours… Peut-être que pour l'avenir un petit portrait de chaque exploitant participant à l'initiative de moissonneuse.fr pourrait permettre d'avoir plus d'information avant de prendre rendez-vous, et de rendre la plateforme un peu plus humaine. L'agriculture est faite par des gens engagés et passionnés, il faut que cela se sache ».