Une petite interview pour Terres de Bourgogne, sous un pont d’autoroute ? Christophe Lechenault et Thomas Fagotet n’auraient jamais cru recevoir ce type de proposition il y a encore quelques jours… Les deux éleveurs reviennent sur leur participation au blocage de l’A6, au niveau de Pouilly-en-Auxois.
Christophe Lechenault et Thomas Fagotet, deux éleveurs charolais de Thoisy-le-Désert et Saint-Thibault, ont accepté de répondre à notre requête la semaine dernière, dans un esprit très convivial. La convivialité, justement, résumait parfaitement l’atmosphère qui régnait sur ce blocage de l’A6, au niveau de Pouilly-en-Auxois. « En participant à cette grande manifestation nationale, nous espérons tous des avancées, car le ras-le-bol est général. Ceci étant dit, ces longs moments d’attente sont très riches sur le plan humain, il faut le reconnaître. Il y a une bonne ambiance et nous en profitons en joignant l’utile à l’agréable ! », confient les deux hommes qui ne se connaissaient pas avant cette action syndicale.
Jusqu’à 50 personnes
À la date du 30 janvier, Thomas Fagotet avait déjà passé trois journées entières et autant de demi-nuits sur le site. Christophe Lechenault, lui, comptabilisait trois journées et une nuit : « nous sommes entre cinq et 20 agriculteurs ici, en permanence. Le canton de Pouilly est bien représenté, c’est logique, mais il y a aussi des collègues de Vitteaux, Semur, Venarey et Sombernon. Un planning a été réalisé pour assurer un roulement. En début de soirée, nous pouvons monter jusqu’à 50 personnes, au moment de l’apéritif et du dernier repas de la journée ». Les deux Côte-d’oriens font part d’un « extraordinaire mouvement de générosité » : « des gens nous amènent à manger ! Une boulangerie, un food-truck et un supermarché nous ont ravitaillés gratuitement, cela fait chaud au cœur. Ce matin, une boulangerie nous a amené des croissants et des baguettes de pain. Une entreprise nous a offert un fût de bière. Un gîte s’est proposé de mettre à disposition un ou plusieurs logements si des personnes étaient fatiguées… C’est extrêmement gentil ! ».
« Toujours éveillé »
La nuit, il faut être « bien habillé », comme l’assure Christophe Lechenault : « cela va de soi, nous sommes tout de même en janvier ! Certains arrivent à dormir sur la paille. Personnellement, l’autre jour, je suis resté éveillé car je n’étais pas trop rassuré. En effet, une voiture est passée à au moins 150 km/h sur la voie juste à côté de la nôtre. Apparemment, elle avait réussi à passer à Auxerre et elle a été arrêtée près de Beaune… ». La musique, elle, tourne en permanence en soirée. « Il ne manque plus que la télé ! », fait remarquer Thomas Fagotet, ravi de parler de « tout et de rien » avec de nombreux collègues : « nous abordons un tas de sujets, on rigole bien. Des gens viennent à notre rencontre. Et bien sûr, nous suivons l’actualité sur nos téléphones ». Les manifestants tiennent à conserver ce site très propre, comme le souligne Christophe Lechenault : « nous sommes sur un domaine privé et aucune trace de notre passage ne sera laissée après notre départ. C’est une priorité ».
Les routiers ont aimé Arnay !
Des kilomètres et des kilomètres de camions ont été bloqués à Arnay-le-Duc ! L’opération a été plus que réussie, et sur plusieurs points. Les relations avec les routiers ont été jugées excellente malgré cet énorme blocage : les agriculteurs ont notamment assuré des navettes en tracteurs et bétaillères, pour permettre à ces professionnels de la route de se laver et d’aller aux toilettes. Encore mieux : des repas leur étaient même préparés par les agriculteurs… Les manifestants avaient déjà « assuré » à la fin de l' « acte I », en nettoyant les traces de leur passage. Des cadeaux offerts aux riverains (côtes de bœufs et bonbons aux enfants) leur ont permis de donner une très bonne image du monde agricole. Un présent pour le moins original (un cercueil, avec des revendications pro agricoles) leur a été offert en contrepartie, par un ébéniste du département du Doubs. « L’équipe a été très motivée et soudée, tout le monde a assuré, y compris les gendarmes locaux qui ont réalisé un très bon boulot », informe Sylvain Fleury, du canton de Saulieu-Liernais, « le sous-préfet de Beaune nous a rendu une petite visite inopinée pour s’assurer de la sécurité. Un temps d’échanges sur une exploitation sera programmé prochainement, nous exposerons alors l’ensemble de nos doléances. La DDPP s’est également déplacée à notre demande, pour venir contrôler de la viande polonaise que nous avons trouvée dans un camion ». Pour l’anecdote, le blocage arnétois a fait l’objet de plusieurs reportages à la télévision, notamment sur TF1 et BFM TV.