FDSEA de Côte-d'Or
AG FDSEA 21

Berty Robert
-

La crise sanitaire aura servi de premier révélateur et la guerre en Ukraine enfonce le clou : nous avons besoin d’une agriculture qui produit et nourrit. La dernière assemblée générale de la FDSEA 21 aura servi de chambre d’écho à ce constat. Mais raviver cette évidence réclame un engagement constant face à une société tellement prompte à passer à autre chose…

AG FDSEA 21
A la tribune de l'assemblée générale du 29 avril, Fabrice Genin, président de la FDSEA 21, a insisté pour que l'on profite du contexte actuel afin de repositionner l'agriculture au centre de l'économie française.

Il faut s’y faire : nos sociétés excellent dans leur façon de surréagir émotionnellement aux chocs auxquels elles sont confrontées. Cela donne parfois des résultats intéressants, tels que la prise de conscience, au déclenchement de la crise sanitaire en 2020, de l’importance de pouvoir se ravitailler auprès de producteurs locaux. Le soufflé, pourtant, est vite retombé. En sera-t-il de même avec les conséquences de la guerre en Ukraine ? Cette tragédie met en évidence la dépendance délétère de nombreux pays confrontés à un dérèglement brutal des marchés agricoles. Elle fait comprendre à chacun l’importance de nos propres productions agricoles. Mais cette compréhension ira-t-elle jusqu’à débattre de la redistribution des cartes à l’œuvre ? Remettra-t-elle en question des conceptions trop « citadines » de l’agriculture ? Les semaines qui viennent nous le diront mais, dès le 29 avril, la FDSEA de Côte-d’Or mettait le sujet sur la table, à l’occasion de son assemblée générale.

Besoin d’une vision politique

A Saint-Julien, près de Dijon, participants et invités n’ont pas éludé le sujet, et ce d’autant plus que de nombreux élus avaient fait le déplacement (les députés Fadila Khattabi, Didier Martin et Didier Paris, les sénateurs Anne-Catherine Loisier et François Patriat et le conseiller départemental Marc Frot) auxquels s’ajoutait Nadine Muckensturm, directrice adjointe de la Direction départementale des territoires (DDT). « Ce qui éclate aujourd’hui, rappelait l’invité d’honneur de cette assemblée, Hervé Lapie, agriculteur dans la Marne et secrétaire général adjoint de la FNSEA, nous, nous l’expliquons depuis 15 ans ! Il faut faire confiance aux agriculteurs mais ces derniers ont besoin d’une vision politique à moyen et long terme… » L’exact inverse de ce qui se passe actuellement, où nous subissons les évènements au lieu de les anticiper. « On va traverser une époque où les choses vont se transformer fondamentalement, ajoutait Fabrice Genin, le président de la FDSEA 21. Mais je ne suis pas sûr que tout le monde en soit conscient. Voilà 60 ans qu’en France, on ne sait plus ce que c’est que d’être confronté à de vraies difficultés d’approvisionnement ! » Dans ce tourbillon où se mêlent craintes de difficultés alimentaires et incertitudes sur nos capacités à disposer de semences et de fertilisants pour les récoltes à venir, ce n’est pas seulement l’avenir de l’agriculture française qui est en question, mais celui de tout l’écosystème rural, tellement malmené depuis plusieurs années. Les résultats des dernières élections présidentielles traduisent, au mieux, les attentes qui sont les siennes et, au pire, la « cassure » sociétale qu’il représente.

Une légitimité pour la ruralité

« Nous représentons un réseau qui a énormément de liens avec les communes et les territoires ruraux, poursuivait Fabrice Genin. Nous y sommes légitimes ». Le fragiliser, c’est mettre en péril tout un pan de la société française. Dans un tel contexte, ce qui insupporte le plus les agriculteurs présents, c’est le climat de peur régulièrement entretenu face à la chose agricole (voir encadré). « Si l’agriculture redevient aujourd’hui un enjeu central, soulignait le président de la FDSEA 21, on parle beaucoup, mais, concrètement, les choses ne changent pas. Nous avons détricoté notre capacité à produire, revenir en arrière est urgent ! » Pour cela, il faudra dans le prochain gouvernement un ministre de l’Agriculture à la hauteur des enjeux. Indéniablement, l’actuel détenteur du poste a « fait le boulot » mais l’horizon qui s’ouvre aujourd’hui réclame un responsable politique capable de dire concrètement vers quoi l’agriculture française doit aller. Par ailleurs, comme la campagne des législatives est déjà lancée, Hervé Lapie n’a pas hésité à inciter les adhérents à rappeler aux différents candidats les 30 propositions que la FNSEA avait présentées avant la présidentielle. Les messages restent d’actualité ! « C’est important pour souligner que les agriculteurs ne doivent pas être la variable d’ajustement du pouvoir d’achat des consommateurs et pour alerter sur le fait que de plus en plus de projets agricoles sont confrontés à des contestations systématiques et pas toujours justifiées ». L’époque que nous vivons impose de toute façon la nécessité de revoir les cadres traditionnels : « C’est ce que le gouvernement est en train de faire sur le nucléaire ! » remarquait Fabrice Genin, et c’est sans doute ce qui caractérise une vision stratégique qui doit s’appliquer à l’agriculture, comme le soulignait le thème choisi pour cette assemblée générale. S’adressant aux élus présents, le président du syndicat côte-d’orien concluait ainsi son propos : « Il va falloir aller vite, sur la Loi de modernisation de l’économie (verrou à réformer pour rendre Égalim 2 réellement efficace), sur la gestion de l’eau… Sinon, nous subirons des choix uniquement conditionnés aux questions de pouvoir d’achat ». Et on le sait : dans ce cas de figure, les agriculteurs ne sont jamais gagnants…

Verbatim

Sur les chartes riverains liées aux Zones de non-traitement (ZNT) : « Il faut être clair, affirmait Fabrice Genin, soit les produits phyto sont dangereux et il faut les interdire, soit on explique clairement ce qu’il en est, mais arrêtons de jouer sur les peurs des uns et des autres ! »

Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la FNSEA : « Nous sommes à la manœuvre pour alléger le Green deal et la stratégie « Farm to fork ». il ne faudra pas non plus geler des surfaces productives avec des jachères. Il est surtout important de ne pas oublier les corps intermédiaires, dont nous sommes l’un des représentants, afin de ne pas laisser la place aux groupuscules et aux ONG… »