Mise à l'herbe
La peur de lâcher

AG
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La mise à l'herbe est imminente dans le secteur de Pouilly-en-Auxois. La présence du loup trouble cet évènement qui, habituellement, est plutôt vécu comme un soulagement.

 

La peur de lâcher
Benoît Laprée et Pauline Barbier partagent leurs inquiétudes.

Le 10 avril, c'est mercredi prochain. Cette date est souvent retenue pour la mise à l'herbe, du côté de Pouilly-en-Auxois. « Les génisses seront les premières à sortir, il y aura aussi les veaux. Les moutons, eux, suivront très vite », présente Benoît Laprée, président du canton JA. Ce jeune éleveur n'est pas du tout dans le même état d'esprit que d'ordinaire. Et pour cause : le loup sévit dans son secteur depuis la fin d'année 2023 : « alors ça, on s'en serait bien passé. C'est incroyable quand on y pense : le loup est là, c'est une réalité. Oui, nous avons tous peur de lâcher nos animaux, c'est quand même dingue d'en arriver là. Comme s'il n'y avait pas assez de problèmes dans nos métiers, il fallait en rajouter ! D'habitude, la mise à l'herbe est plutôt vécue comme un soulagement, pour le bien-être de nos bêtes et aussi pour nous, éleveurs, pour notre travail et la gestion de nos stocks de fourrages... Là, les nuits s'annoncent très longues et le tour des prés, chaque matin, très stressant ».

Rien ne change

L'équipe JA de Pouilly-en-Auxois ne cesse de communiquer sur les ravages du loup, par divers moyens : « beaucoup de brebis ont déjà été tuées depuis décembre. Avec cette mise à l'herbe, il y aura davantage d'animaux dehors et donc beaucoup plus de risques... Comme nous le répétons depuis trois mois, le carnage est assuré dans quelques jours.. Au niveau syndical, le message de la profession est clair : la présence du loup n'est pas compatible avec l'élevage, cela est répété à la moindre occasion. De notre côté, nous avons écrit nos revendications sur une structure de paille à l'entrée de Pouilly. Malheureusement, rien ne change, rien n'évolue. Nous sommes au même stade qu'en décembre. Les équipes de l'OFB tournent dans le secteur, mais nous n'avons pas de retour ».

Sacrés pro-loups

C'est l'une des plus grandes énigmes du XXIème siècle : des personnes prônent la présence du loup dans nos campagnes, le développement de prédateur semble à leurs yeux bien plus important que tout le reste, au risque de mettre encore plus en danger la souveraineté alimentaire du pays. « En plus, le loup, ils ne le verront jamais, c'est quand même étonnant.... Sur internet, il faut voir les bêtises qui sont écrites. Après, il faut faire attention à ce que l'on dit sur le terrain, c'est un sujet qui fâche. Le but n'est pas de s'engueuler pour autant, cela ne fera pas avancer les choses non plus », confie Benoît Laprée. Les messages sur la structure de paille à la sortie de l’autoroute illustrent bien cette problématique : « si nous écrivons « non au loup », le message est susceptible de rester. En revanche, si vous écrivez « mort au loup », la bâche est déchiquetée dès le lendemain... ».

Pourquoi pas dans des parcs ?

S'il se « fait manger » un veau dans les prochains jours, Benoît Laprée assure montrer le cadavre au plus grand nombre de personnes : « c'est certain, je ne le garderai pas pour moi ! Je l'emmènerai dans un endroit fréquenté pour illustrer le devenir de nos animaux. Non, nous n'élevons pas nos bêtes pour nourrir les loups. Et où est le bien-être animal, tant prôné par certains ? Une brebis égorgée, qui agonise toute la nuit, doit souffrir énormément jusqu'à notre arrivée le lendemain. Les filets électriques ne sont pas la solution : en effet, un éleveur du coin s'est fait tuer trois brebis à 50 mètres de sa ferme, avec une installation pourtant électrifiée ». Benoît Laprée rappelle que « tous les animaux sont menacés » : « il n'y a pas que les moutons dans cette histoire. Les indemnisations ? Elles ne sont pas au niveau attendu, et de toute façon, elles ne régleront pas le problème de fond. Si les gens veulent des loups chez nous, pourquoi ne pas faire des parcs et les mettre à l'intérieur ?». Pauline Barbier, apprentie en BTS Acse à la Maison familiale Auxois sud Morvan, partage le sentiment de désarroi de son maître d'apprentissage et de tous ses amis éleveurs : « Les prochains jours n'annoncent rien de bon... Le monde de l'élevage se sent très seul et il y a de quoi... Les séquelles d'une attaque sont souvent sous-estimées, il y aussi des avortements par la suite. Le loup va se multiplier sur notre territoire et la situation va vite devenir ingérable si rien n'est fait ».