Histoire 2/ 3
La transformation en héritage

Michel Petit (Mis en forme par Chloé Monget)
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Après le premier volet dédié à l'arrivée de Claude Mathieu comme fermier général au Domaine d'Anlezy (voir TDB N° 1746), Michel Petit s'attache à présenter les points indispensables pour faire de la Nièvre une terre d'élevage ; qu'elle est encore aujourd'hui. 

La transformation en héritage
Le Domaine d'Anzely s'est transformé pour accueillir les Charolais.

Si la réussite de l'implantation du Charolais dans la Nièvre n'est plus à prouver aujourd'hui, au 18e siècle cela n'était pas forcément gagné. En effet, Michel Petit met en avant des transformations incontournables afin d'adapter le Domaine d'Anlezy à l'arrivée de l'élevage. Des modifications qui façonneront l'avenir et la renommée d'un des descendants, Antoine. 


Transformation totale 

En effet, il semble que la réussite de l'introduction du charolais au Domaine d'Anlezy ait tenu aux transformations apportées à ce dernier. Clément-Edmond Révérend Du Mesnil ( historien et généalogiste ; 1832-1895) stipule : « C’est vers 1773 que se fit en Nivernais la première importation de bœufs charolais. À cette époque M. Mathieu agriculteur intelligent et actif du Brionnais prenait à ferme la terre d’Anlezy d’un très faible rapport, entourée alors de chemins impraticables. L’usage si répandu déjà en Charolais d’engraisser des bœufs dans les prairies était inconnu en Nivernais ». D’autre part « M. Mathieu eut le bonheur de trouver dans ce sol presque inculte une fraîcheur et une fertilité qu’on n’y soupçonnait pas ». Si l'apport des connaissances de Claude Mathieu semble indéniable, le poids des Damas n'est pas négligeable dans l'utilisation de méthodes et de plantes nouvelles : « prairies artificielles avec luzerne, sainfoin trèfle, et même essai de chaulage avec M. Ducret, agriculteur fort habile dans le beau domaine d’Anlezy. M. de Damas, propriétaire à Crux introduisait dans ses domaines la culture de la pomme de terre pour la nourriture du porc et du gros bétail » (toujours selon Clément-Edmond Révérend Du Mesnil). De plus, avant la venue de Claude Mathieu, le domaine dispose de quatre petits étangs et d'un plus grand de 32.8 ht pouvant produire quelques 6000 carpes par an. Pour rappel, la pisciculture occupait au 18e siècle une place importante dans l’économie locale et constituait une ressource non négligeable à l’exemple des chartreux d’Apponay ainsi que pour les grands domaines comme celui des Damas. Ceci dit, le levé de Cassini, 1756(1), fait état de l’aménagement d’un affluent de l’Andarge à proximité du château d’Anlezy – témoin du drainage nécessaire pour accueillir des bovins sur ces terres. 

Pour preuve 

L'engouement pour le Charolais dans la Nièvre est indéniable comme le dépeint précisément Jacques Chamard ( début 19e) : « A la place de terres de culture dispendieuses ne laissant aux détenteurs qu’un bénéfice illusoire on vit s’étendre d’immenses prairies couvertes de bêtes blanches dont l’exploitation dans sa plus grande simplicité n’occupait que quelques domestiques ». Ange Hyacinthe Maxence de Damas de Cormaillon, baron de Damas (1785 – 1862) pointe de son côté des prix qui s'affolent que ce soit pour les animaux ou pour les terrains : « Ne voit on pas vers 1800, un veau mâle de 2 mois s’enlever à 1 000 francs, somme considérable à cette époque » et dans la région de Châtillon-en-Bazois : « …où telles portions de terres qu’on aurait achetées il y a quelques années 50 ou 60 francs les 15 ares, qui aujourd’hui convertis en prés valent 1000 francs »

Héritage 

L’œuvre de Claude Mathieu au Domaine d'Anlezy profitera à ses sept enfants, certains se fixeront d'ailleurs à faible distance. Parmi ses descendants certains ont laissé une empreinte, comme Antoine (1776 – 1841). En effet, Onésime Delafond (vétérinaire ; 1805-1861) fait son éloge en 1849 : « par les soins de M. Mathieu, autrefois fermier à Aulnay la très grande partie des terres du beau domaine de Saint-Pierre du Mont fut convertie en prairies naturelles très ingénieusement irriguées par l’eau de sa fontaine et par les eaux pluviales. Aujourd’hui toute cette majestueuse montagne est couverte d’un nombreux bétail d’engrais ». Sous la plume d'Henri Carimantran ce portrait positif se poursuit : « Antoine Mathieu se distingua particulièrement par la création de prairies et par l’art avec lequel il employa et distribua les eaux d’irrigation… Il convertit en excellentes prairies, dans les terres d’Aulnay, d’immenses étendues de terres restées jusqu’alors presque entièrement improductives. Lorsqu’il avait affermé les terres d’Aulnay on y engraissait 16 bœufs ; quand il quitta cette ferme, les prés fournissaient chaque année plus de 300 bœufs à la consommation de Paris ». Les résultats du travail d'Antoine furent remarqués par ses pairs et c’est ainsi que d'autres grands noms virent dans la Nièvre : M. Lathon (Cercy-la-tour), M. Mossus (Limanton et aux environs de Montigny), M. Ducret (succéda à Anlezy à Camille et Antoine Mathieu, tous deux fils de Mathieu d’Oyé). Loin de s'arrêter en si bon chemin, la passion de l'élevage et de la race se transmet à travers les âges... la suite dans un prochain numéro de Terres de Bourgogne. 

1. https://gallica.bnf.fr/essentiels/repere/carte-cassini-1756

Pour en savoir plus

  • M. de Bouillé, 1979 « historique de la race charolaise Annales des pays nivernais N°23 »
  • H. Carimantran « Un domaine d’élevage et d’engraissement à Suresnes », thèse Ecole vétérinaire Maisons-Alfort
  • Damas (de) Maxence 1907 « En Nivernais, étude de la production animale dans le canton de Saint-Benin d’Azy », thèse agricole, Ecole supérieure d’Angers. Brochure format 36 x 16, 129 pages en vente chez Mazeron, Nevers
  • Delafond O, 1849 « Progrès agricoles et amélioration du gros bétail dans la Nièvre » Paris, Labbé ed 240 pages (accessible bibliothèque Muséum Paris)
  • De Gaulejac B. 1988 « Introduction de la race charolaise en Nièvre », Bulletin Société Nivernaise Lettres Sciences et Arts, Archives départementales Nièvre Nevers. 

Encadré réalisé par Michel Petit.