Témoignages
Leur vie a basculé après une piqûre de tique

Pierre Garcia
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Ils sont cinq et toutes et tous ont en commun d’avoir un jour été piqués par une tique qui leur a transmis la maladie de Lyme. Ils témoignent pour rappeler à quel point une chose aussi anodine qu’une tique peut changer une vie.

Leur vie a basculé après une piqûre de tique
Annie Okrezki

Pour Annie Okrsezki, tout a commencé en 2000 lors d’une partie de golf. N’ayant jamais entendu parler de la maladie de Lyme, âgée 44 ans à l’époque, elle ne découvre la tique qu’une fois sous la douche. Elle l’arrache, ignorant que cette action conduit l’insecte à régurgiter ce qu’elle a ingéré, avec son lot de bactéries si elle est infectée. De la maladie de Lyme, Annie découvre vite les souffrances. « Au niveau physique, cela se caractérise par des douleurs articulaires et musculaires, une sensation de brûlure permanente. C’est bien simple, je ne pouvais plus marcher ni m’habiller seule. La maladie s’est aussi manifestée par des symptômes neurologiques comme des pertes de mémoire, des absences, des sautes d’humeur », raconte-t-elle.

« Un no man’s land scientifique »

Contrainte de mettre son métier de professeure d’anglais entre parenthèses, elle se heurte à des médecins qui ne parviennent pas à poser de diagnostic et doutent même de sa santé mentale. Une situation qui fait écho à celle de Mélanie (1), une Iséroise de 34 ans piquée par une tique il y a onze ans lors d’une balade. « J’ai été confrontée à de la violence médicale avec des médecins qui vous disent que c’est dans votre tête. La vérité, c’est qu’en France on fait aujourd’hui face à un no man’s land scientifique », regrette-t-elle. Confrontée à cette problématique, Florinda Catalino, 58 ans et malade depuis 2017, n’a jamais vu la tique responsable de sa maladie. Il faut dire que certaines piqûres sont très dures à observer et une infection peut se développer sans qu’apparaisse cette tache appelée érythème migrant, autour de la piqûre ou ailleurs sur le corps. Florinda fait partie de ces malades piqués des années auparavant et pour qui la maladie de Lyme se déclare après un choc émotionnel important. Son salut, elle le doit à une clinique en Allemagne, un pays en pointe sur le sujet, qui lui a détecté une maladie de Lyme de stade 4 et de multiples co-infections souvent transmises en même temps par la tique. Le début d’un traitement antibiotique lourd mais qui a produit ses effets et lui a permis au bout de quatre mois de reprendre tant que bien que mal son poste de femme de ménage. Le début surtout d’une renaissance pour Florinda, dont la maladie de Lyme l’a menée en psychiatrie et à plusieurs tentatives de suicide, une issue malheureusement courante parmi les malades.

Le quotidien change brusquement

Florinda raconte avoir mis deux ans à accepter sa maladie tant elle a bouleversé son quotidien, comme celui de la plupart des malades. « J’étais quelqu’un de très sportif et aujourd’hui, je me lève avec de grosses courbatures le matin et je suis essoufflé dès que je monte un escalier », confirme Guillaume Salba, 29 ans, piqué dans son enfance par une tique. « J’ai eu jusqu’à plus de cent symptômes à la fois, tous inexpliqués pendant des années, ce qui a généré beaucoup d’incompréhensions autour de moi. J’ai perdu des amis et j’ai aussi failli perdre mon travail », ajoute-t-il. Il y a peu, c’est sa compagne qui a été diagnostiquée positive à la maladie de Lyme, sans doute par voie sexuelle, l’une des nombreuses incertitudes scientifiques qui demeurent sur la maladie et qui remet aujourd’hui en question la volonté du couple d’avoir un enfant car des études tendent aussi à prouver la transmission in utero de la maladie de Lyme.

Volonté de s’engager

« J’étais quelqu’un de très actif, j’adorais voyager, j’avais des projets professionnels qui ont été mis entre parenthèses… Ma vie a été brisée par cette maladie », raconte aussi Mélanie. Le traumatisme passé, la jeune femme a décidé de puiser dans son combat quotidien la source de son engagement pour mieux faire connaître la maladie de Lyme. Elle a lancé un site, www.kodebout.fr, grâce auquel elle raconte son quotidien avec lucidité. Ce site lui sert aussi à récolter des dons qui lui permettent de se soigner car les multiples symptômes de la maladie la rendent très chère à soigner. Touchée par la maladie il y a cinq ans, Séverine Carret, aujourd’hui à la retraite, a de son côté choisi d’adhérer à l’association France Lyme, très active sur le sujet. « Je fais des interventions dans des écoles, c’est important de connaître les dangers de cette maladie dès le plus jeune âge », explique-t-elle. « J’essaye de leur faire comprendre que si on ne fait pas attention, cette toute petite bête peut avoir des conséquences tout au long de sa vie ».

 

(1) Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée.