Élevage bovin allaitant
Zoom sur l’expérience de Thomas, installé à Anost
Avec ses 60 vaches allaitantes et ses 100 ha (70 ha de prairies permanentes, 20 ha de prairies temporaires et 10 hectares de maïs ensilage/céréales), Thomas produit des broutards d’environ 10 mois en filière traditionnelle.

Il pratiquait habituellement un pâturage continu : le troupeau était divisé en lots de 10 à 20 vaches (+ leurs veaux) et chaque lot avait accès à de grandes surfaces (une dizaine d’ha par lot) pour passer l’ensemble de la saison de pâturage, s’étalant d’avril à novembre. Chaque lot passait alors plusieurs semaines par parc, avec un chargement instantané faible. La pousse quasi continue de l’herbe tout au long de la saison permettait de couvrir les besoins forts des vaches du printemps à l’hiver. En cas de ralentissement de la pousse de l’herbe en été, la stratégie était de faire pâturer les repousses de fauche ou de déplacer les animaux vers des zones plus humides.
Ce sont les sécheresses et les canicules des années passées qui ont poussé Thomas à s’intéresser à de nouvelles pratiques. En 2018, l’arrêt de la pousse de l’herbe sur la plupart des parcelles, pendant plusieurs mois (de juillet à octobre), l’a obligé à affourager au pré avec du foin et de la paille : « J’avais à peine fini les foins que j’étais déjà en train de le distribuer. À ce stade ça ne me coûtait plus grand-chose d’essayer de nouvelles techniques pour avoir de l’herbe ». Cette évolution des saisons climatiques l’a donc amené à chercher des solutions adaptées à son système (besoins des animaux, dates de sevrage, parcelles et végétations présentes…) et répondant à un objectif bien défini : améliorer l’utilisation de l’herbe et créer une ressource pâturable en cas d’été sec.
Au départ et pour ne pas prendre trop de risques, il a décidé de tester un changement de pratique à l’échelle d’un seul lot de 12 vaches avec leurs veaux et sur un seul îlot de parcelles. Il s’agit d’un îlot de 8,5 ha traversé dans la longueur par un cours d’eau (voir photo aérienne). Cet îlot comporte des zones en coteau, plutôt séchantes, avec une faible profondeur de sol, et des zones au sol profond plus ou moins humide. La végétation varie beaucoup entre ces différentes zones.
Thomas a modifié sa pratique sur cet îlot de parcelles, en tenant compte des saisons de pousse de l’herbe et des différents types de végétation.
Le printemps
Thomas a tout d’abord augmenté le chargement instantané et mis en place un pâturage tournant au printemps sur l’ensemble. Il a créé des enclos de 30-40 ares sur lesquels les animaux passaient 4-5 jours maximum. Il a ainsi permis une meilleure utilisation de la ressource car, dans ces conditions de chargement instantané élevé, les animaux trient moins et finissent mieux les parcs. Par ailleurs, du point de vue de la végétation, cela permet un meilleur renouvellement, puisque les plantes ont davantage le temps, entre deux passages du troupeau, pour repousser et reconstituer leurs réserves énergétiques. Cela lui a permis de gagner des jours de pâturage. Il a effectué deux passages sur la plupart des parcs.
La fin du printemps
Avec cette conduite en chargement instantané élevé au printemps, le temps de retour sur un enclos est assez long, ce qui implique qu’en période de pleine pousse de l’herbe, la prairie a le temps de devenir assez haute entre deux passages. Ainsi, au moment du deuxième passage dans les derniers parcs du tour, la végétation pouvait alors être assez haute. Cela n’a pas posé de problème à Thomas qui a accepté de faire pâturer ses animaux dans une hauteur d’herbe plus importante. Les vaches ont su valoriser cette ressource, grâce au chargement instantané fort qui limite le tri et grâce à de bonnes capacités d’ingestion et de digestion. De plus, la diversité des plantes présentes stimule l’appétit des vaches et les motive à ingérer plus. Elles ont donc appris à valoriser des végétations plus mûres et sont ainsi parvenues à couvrir leurs besoins à la fin du printemps. Ce point a été important pour la suite, car l’éleveur s’est rassuré vis-à-vis de la capacité de ses vaches à valoriser une herbe mûre. Ceci a ouvert de nouvelles possibilités pour la conduite du pâturage, notamment en été.
L’été
Thomas a réservé deux enclos sur lesquels il a souhaité créer une ressource en stock sur pied pour une utilisation estivale. Il a sélectionné des parcs très humides, en sachant que la végétation y a une croissance plus lente, plus tardive et qu’elle se conservera mieux, même l’été. Il a identifié des plantes à bon report sur pied, comme les joncs, les scirpes des bois, les cirses des marais, les lotiers… Il a donc décidé de ne pas effectuer de deuxième passage au printemps sur ces deux enclos pour permettre à la végétation présente de continuer sa croissance et donc gagner en productivité, et pour garder cette ressource en stock sur pied pour l’été. Il s’est fixé comme objectif de n’y entrer qu’à la fin du mois de juillet, bien que la sécheresse ait commencé à sévir en juin.
Le premier passage effectué début mai lors du pâturage tournant printanier sur ces deux enclos a eu un rôle important pour améliorer la qualité de la ressource en stock sur pied. Cela a permis de retarder la pousse des plantes les plus tardives (joncs, scirpes des bois, lotiers…) par un déprimage et de bloquer l’épiaison suivie de l’entrée en sénescence des graminées précoces (houlques laineuses, ray-grass, dactyles…) grâce à un étêtage. Ces dernières sont donc restées à l’état végétatif, gardant ainsi des feuilles vertes plus longtemps. À l’entrée des animaux à la fin du mois de juillet, le couvert était dense et productif. Cette productivité n’aurait pas pu être obtenue si toute l’herbe avait été mangée au printemps. La ressource était également très diversifiée : plantes à feuilles larges, à feuilles fines, légumineuses, mélange de plantes sénescentes et plantes vertes… Cette diversité a permis de stimuler l’appétit et donc l’ingestion des vaches, sans compter qu’elles avaient été habituées à des végétations déjà assez hautes à la fin du pâturage tournant de printemps. Ces deux enclos regroupaient un peu moins d’un hectare et ont permis de tenir 15 jours de pâturage supplémentaire par rapport à l’année précédente. Thomas a commencé à affourager ce lot à la mi-août.
Comme il en témoigne, le bilan de fin de saison est donc plutôt positif : « J’ai changé ma façon de réfléchir l’alimentation des vaches et sûrement gagné en sérénité. Finalement, en gérant mieux le pâturage on a besoin de moins de stocks, moins d’intrants… C’est ça qui est intéressant avec Pâtur’Ajuste, c’est de travailler avec la nature plutôt qu’avec les intrants ».
En conclusion, cette expérience a permis à Thomas :
- de se créer ses propres références : surfaces nécessaires pour passer le printemps, surfaces nécessaires pour passer l’été, chargement instantané et nombre de jours par parc, taille des parcs…
- de s’habituer à observer la croissance des végétations, à faire les choix d’entrée et de sortie dans les parcs en fonction du stade des plantes et surtout des implications que cela aura pour la prochaine utilisation
- de prendre confiance en la capacité de ses animaux à consommer et valoriser des végétations plus hautes et plus matures et à couvrir leurs besoins avec un autre type de ressource que de l’herbe en croissance ou du foin.
- de programmer sa conduite de pâturage pour 2020 : « L’année prochaine, j’ai prévu de faire du report du pied sur 20 ha pour être sûr de mieux passer l’été s’il fait sec. J’ai sélectionné les parcelles qui sont les plus adaptées. Je vais aussi faire du pâturage tournant pour tous les lots, ça fera du bien aux parcelles où il n’y a plus beaucoup d’herbe, elles auront plus de temps pour pousser ».
Tout cela constitue bien sûr des pratiques propres à cette ferme et à ses caractéristiques, étroitement liées aux objectifs de Thomas et à ses priorités pour gérer son exploitation. Elles sont le fruit de recherches menées par l’éleveur et de réflexions et d’observations menées avec l’accompagnement du Parc. Ces pratiques sont en constante évolution.
Ce sont les sécheresses et les canicules des années passées qui ont poussé Thomas à s’intéresser à de nouvelles pratiques. En 2018, l’arrêt de la pousse de l’herbe sur la plupart des parcelles, pendant plusieurs mois (de juillet à octobre), l’a obligé à affourager au pré avec du foin et de la paille : « J’avais à peine fini les foins que j’étais déjà en train de le distribuer. À ce stade ça ne me coûtait plus grand-chose d’essayer de nouvelles techniques pour avoir de l’herbe ». Cette évolution des saisons climatiques l’a donc amené à chercher des solutions adaptées à son système (besoins des animaux, dates de sevrage, parcelles et végétations présentes…) et répondant à un objectif bien défini : améliorer l’utilisation de l’herbe et créer une ressource pâturable en cas d’été sec.
Au départ et pour ne pas prendre trop de risques, il a décidé de tester un changement de pratique à l’échelle d’un seul lot de 12 vaches avec leurs veaux et sur un seul îlot de parcelles. Il s’agit d’un îlot de 8,5 ha traversé dans la longueur par un cours d’eau (voir photo aérienne). Cet îlot comporte des zones en coteau, plutôt séchantes, avec une faible profondeur de sol, et des zones au sol profond plus ou moins humide. La végétation varie beaucoup entre ces différentes zones.
Thomas a modifié sa pratique sur cet îlot de parcelles, en tenant compte des saisons de pousse de l’herbe et des différents types de végétation.
Le printemps
Thomas a tout d’abord augmenté le chargement instantané et mis en place un pâturage tournant au printemps sur l’ensemble. Il a créé des enclos de 30-40 ares sur lesquels les animaux passaient 4-5 jours maximum. Il a ainsi permis une meilleure utilisation de la ressource car, dans ces conditions de chargement instantané élevé, les animaux trient moins et finissent mieux les parcs. Par ailleurs, du point de vue de la végétation, cela permet un meilleur renouvellement, puisque les plantes ont davantage le temps, entre deux passages du troupeau, pour repousser et reconstituer leurs réserves énergétiques. Cela lui a permis de gagner des jours de pâturage. Il a effectué deux passages sur la plupart des parcs.
La fin du printemps
Avec cette conduite en chargement instantané élevé au printemps, le temps de retour sur un enclos est assez long, ce qui implique qu’en période de pleine pousse de l’herbe, la prairie a le temps de devenir assez haute entre deux passages. Ainsi, au moment du deuxième passage dans les derniers parcs du tour, la végétation pouvait alors être assez haute. Cela n’a pas posé de problème à Thomas qui a accepté de faire pâturer ses animaux dans une hauteur d’herbe plus importante. Les vaches ont su valoriser cette ressource, grâce au chargement instantané fort qui limite le tri et grâce à de bonnes capacités d’ingestion et de digestion. De plus, la diversité des plantes présentes stimule l’appétit des vaches et les motive à ingérer plus. Elles ont donc appris à valoriser des végétations plus mûres et sont ainsi parvenues à couvrir leurs besoins à la fin du printemps. Ce point a été important pour la suite, car l’éleveur s’est rassuré vis-à-vis de la capacité de ses vaches à valoriser une herbe mûre. Ceci a ouvert de nouvelles possibilités pour la conduite du pâturage, notamment en été.
L’été
Thomas a réservé deux enclos sur lesquels il a souhaité créer une ressource en stock sur pied pour une utilisation estivale. Il a sélectionné des parcs très humides, en sachant que la végétation y a une croissance plus lente, plus tardive et qu’elle se conservera mieux, même l’été. Il a identifié des plantes à bon report sur pied, comme les joncs, les scirpes des bois, les cirses des marais, les lotiers… Il a donc décidé de ne pas effectuer de deuxième passage au printemps sur ces deux enclos pour permettre à la végétation présente de continuer sa croissance et donc gagner en productivité, et pour garder cette ressource en stock sur pied pour l’été. Il s’est fixé comme objectif de n’y entrer qu’à la fin du mois de juillet, bien que la sécheresse ait commencé à sévir en juin.
Le premier passage effectué début mai lors du pâturage tournant printanier sur ces deux enclos a eu un rôle important pour améliorer la qualité de la ressource en stock sur pied. Cela a permis de retarder la pousse des plantes les plus tardives (joncs, scirpes des bois, lotiers…) par un déprimage et de bloquer l’épiaison suivie de l’entrée en sénescence des graminées précoces (houlques laineuses, ray-grass, dactyles…) grâce à un étêtage. Ces dernières sont donc restées à l’état végétatif, gardant ainsi des feuilles vertes plus longtemps. À l’entrée des animaux à la fin du mois de juillet, le couvert était dense et productif. Cette productivité n’aurait pas pu être obtenue si toute l’herbe avait été mangée au printemps. La ressource était également très diversifiée : plantes à feuilles larges, à feuilles fines, légumineuses, mélange de plantes sénescentes et plantes vertes… Cette diversité a permis de stimuler l’appétit et donc l’ingestion des vaches, sans compter qu’elles avaient été habituées à des végétations déjà assez hautes à la fin du pâturage tournant de printemps. Ces deux enclos regroupaient un peu moins d’un hectare et ont permis de tenir 15 jours de pâturage supplémentaire par rapport à l’année précédente. Thomas a commencé à affourager ce lot à la mi-août.
Comme il en témoigne, le bilan de fin de saison est donc plutôt positif : « J’ai changé ma façon de réfléchir l’alimentation des vaches et sûrement gagné en sérénité. Finalement, en gérant mieux le pâturage on a besoin de moins de stocks, moins d’intrants… C’est ça qui est intéressant avec Pâtur’Ajuste, c’est de travailler avec la nature plutôt qu’avec les intrants ».
En conclusion, cette expérience a permis à Thomas :
- de se créer ses propres références : surfaces nécessaires pour passer le printemps, surfaces nécessaires pour passer l’été, chargement instantané et nombre de jours par parc, taille des parcs…
- de s’habituer à observer la croissance des végétations, à faire les choix d’entrée et de sortie dans les parcs en fonction du stade des plantes et surtout des implications que cela aura pour la prochaine utilisation
- de prendre confiance en la capacité de ses animaux à consommer et valoriser des végétations plus hautes et plus matures et à couvrir leurs besoins avec un autre type de ressource que de l’herbe en croissance ou du foin.
- de programmer sa conduite de pâturage pour 2020 : « L’année prochaine, j’ai prévu de faire du report du pied sur 20 ha pour être sûr de mieux passer l’été s’il fait sec. J’ai sélectionné les parcelles qui sont les plus adaptées. Je vais aussi faire du pâturage tournant pour tous les lots, ça fera du bien aux parcelles où il n’y a plus beaucoup d’herbe, elles auront plus de temps pour pousser ».
Tout cela constitue bien sûr des pratiques propres à cette ferme et à ses caractéristiques, étroitement liées aux objectifs de Thomas et à ses priorités pour gérer son exploitation. Elles sont le fruit de recherches menées par l’éleveur et de réflexions et d’observations menées avec l’accompagnement du Parc. Ces pratiques sont en constante évolution.