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Domaine Maître à Mont-Saint-Jean

Viticulteur par passion du patrimoine

Depuis 40 ans Alain Maître s’évertue à reconstituer le patrimoine viticole de Mont-Saint-Jean, bourg ancestrale de l’Auxois. Viticulteur par opportunité et pour sauver ce patrimoine délaissé, cet autodidacte de la vigne a une obsession : «le travail propre». Ces quelques arpents de chardonnay expriment ainsi le meilleur d’eux-mêmes. Un vin à nul autre pareil, rare, d’une qualité inattendue, qui chante au palais après avoir séduit l’œil.
Par Anne-Marie Klein
Viticulteur par passion du patrimoine
Alain Maître vend toute sa production à des amateurs qui apprécient la qualité de ces vins rares et généreux. Du pressoir à la cuverie et à la cave il n’y a qu’une largeur de rue.
C’est une « figure », aussi haute en couleur que ce terroir viticole oublié, perché à 450 mètres d’altitude sur les hauteurs de Mont-Saint-Jean, dans l’Auxois, à une portée d’aile du Morvan. Héritier d’un tradition familiale de préservation et de promotion du patrimoine local, Alain Maître a été pris il y a près de 40 ans par une «passion soudaine et dévorante» pour ce patrimoine viticole en déserrance, qui a contribué en son temps aux riches heures de Mont-Saint-Jean, au 13ème siècle. Arpent par arpent, il a mis des décennies à acquérir et à restaurer ces micro-parcelles, aujourd’hui plantées à 100% en chardonnay, qui constituent un domaine de 1,2 ha.
Quand on aime ne ne compte pas et là il ne vaut mieux pas compter les investissements consentis en argent et en temps. Ramené à la production, bon an mal an, d’une moyenne de 13 hectolitres (de 0 à 18 hecto) quand les éléments sont favorables, le compte n’y est pas, c’est certain. Et pourtant, ce viticulteur de circonstance persiste à obtenir le meilleur de ses vignes, en s’adaptant aux caprices de Dame Nature. La quantité s’en trouve limitée, mais la qualité est magnifiée. «Travailler propre» c’est le maître mot et c’est d’abord respecter la nature en laissant le temps au temps. Les vins se suivent ainsi comme les millésimes, mais ne se ressemblent pas. «C’est une remise en cause perpétuelle» et «une école de patience» pour «produire un vin très personnel, le plus proprement possible». Ce qui se traduit par «zéro sulfite, zéro levure, des décotions de prêle pour tout traitement», une «taille traditionnelle» mais sans trop de contraintes pour la vigne plantée «large». Les pieds sont espacés, «cela limite les rendements mais améliore la qualité des raisins». Le vignoble est conduit en lyre «ou presque», avec un petit air de liberté qui permet à la vigne de rester «ouverte» et à «la lumière de mieux pénétrer au coeur».

De petits rendements pour une toute petite production
Au final, les récoltes restent maigres, certaines années vraiment difficiles, rien ne sera mis en fût comme en 2012 et 2015. C’est la passion qui conduit l’action, pas le rapport financier au vu «des petits rendements pour une toute petite production» d’un millier de bouteilles environ, commercialisées en direct au domaine, à Mont-Saint-Jean. La passion est communicative et les bénévoles ne manquent pas pour permettre au miracle annuel de se reproduire. L’oenologue en fait partie, les vendangeurs aussi qui doivent tout récolter et mener au pressoir «en quatre heures de temps». Il faudra bien ensuite quatre heures de plus à table pour fêter l’événement.... Le premier jus aussitôt «tombé» de l’antique pressoir vertical, aussi vite mis en fût de chêne. Le vin y sera ensuite élevé sur lies pendant 18 mois. Une technique d’élevage utilisée traditionnellement pour les grands vins blancs de Bourgogne, qui assure de meilleures conditions d’évolution du vin, ralentit l’oxydation et apporte une meilleure stabilité dans le temps. «Aucune manipulation manuelle et aucun rebêchage». Ensuite, lors de l’assemblage, il s’agit de «marier les fûts» en recherchant toujours un vin qui ne ressemble à aucun autre, dont le caractère change en fonction des années et de l’inspiration du vigneron. Le millésime 2014 révèle ainsi un fond rond et fruité, très long en bouche, les arômes se livrant et s’amplifiant tout au long de la dégustation. «Un vin de garde» prévient le vigneron, servi à température ambiante.
Produire propre cela ne se traduit pas uniquement par des pratiques culturales adaptées, toute la chaîne de production, jusqu’à l’embouteillage est concernée. Les bouteilles sont recyclées après lavage («c’est plus écologique que le verre recyclé»), les étiquettes sont collées au lait et l’essentiel du matériel a déjà vécu plusieurs vies, comme l’antique encapsuleuse, une vraie pièce de collection ! Si la conviction idéologique pointe sous le discours, Alain Maître renvoie aussi au simple bon sens, car il est tout simplement «plus facile de ne rien faire, quand ensuite l’équilibre naturel est restauré, cela va tout seul»... Seule concession (de taille) à la modernité et à l’organisation du travail : la construction d’un hangar bien intégré dans le paysage. Une façon de préparer l’avenir et la reprise d’un patrimoine si chèrement reconstitué. Car ce vigneron hors norme attend maintenant que d’autres passionnés soient prêts à reprendre le flambeau.