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Essais

Variétés anciennes : une idée à creuser

Pour présenter les essais de blé et méteil engagés par la Chambre d'agriculture de la Nièvre ainsi que le GIEE Bio Logic 58, chez Emmanuel Brossard (Raveau), une visite était organisée le 24 juin. 

Par Chloé Monget
Variétés anciennes : une idée à creuser
Emmanuel Brossard (à gauche) a accueilli les essais de la Chambre d'agriculture de la Nièvre dans son exploitation à Raveau.

Dans une optique de partage d'expériences et d'optimisation, une visite des essais de variétés de blés tendres d'hiver Bio rustiques et méteil menés chez Emmanuel Brossard, membre du GIEE Bio Logic 58, était proposée le 24 juin à Raveau. 

Pour l'essai sur le méteil, il s'agissait d'étudier l'intérêt d'associer une légumineuse (féverole) au blé afin d'étudier l'effet sur le rendement et la protéine du blé, sur ce point Emmanuel Brossard complète : « nous avons un gros défi sur l'assimilation de l'azote, car nous ne savons pas vraiment comme cela se passe. Partant du principe que le sol est un estomac et qu'il est nécessaire de lui donner des aliments sains à manger pour qu'il se porte bien, je suis toujours en recherche de techniques pour améliorer ce point ». Du côté des variétés de blé, l'essai présentait des modernes : Tillsano, Adamus, Wital, RGT Capexo, Energo, KWS Constellum. François Bonal, conseiller productions végétales et référent Bio à la Chambre d'agriculture de la Nièvre, détaille : « Les variétés Wital, Adamus, Tillsano, ont des profils se rapprochant de Renan et Christoph avec de la protéine et une certaine rusticité. Pour RGT Capexo, son profil est axé sur le rendement à l'image de Rubisko ou Absalon, enfin KWS Constellum a un profil améliorant type Izalco ». Puis, il rappelle les variétés anciennes choisies pour l'essai : Rouge d'Alsace, Blanc du Morvan, Blé de la Saône, Rouge de Champagne. Comme la majorité des exploitants présents connaissaient les variétés modernes, leur intérêt s'est focalisé sur les autres. Ainsi, François Bonal, rappelle, avant de détailler les observations, que les variétés ont été ciblées sur un principe : « l'adaptation au contexte local, le tout en ayant à cœur de trouver un équilibre entre : productivité, qualité, résistance et rusticité »

En résumé 

Pour le Rouge d'Alsace, François Bonal pointe : « en 2023, nous avons réalisé, sur l'essai, 30 quintaux avec 13 de protéines, ce qui est assez bon, par contre 2024 n'était pas au diapason ; les conditions climatiques n'étant pas au rendez-vous. Cette variété peut être intéressante, car sa montaison est précoce et son épiaison tardive. Cette caractéristique peut-être valorisée par les éleveurs dans les méteils immatures enrubannés ». Pour le Blanc du Morvan, il développe :  « la montaison, l'épiaison et la maturité sont tardives, et la variété est sensible à la maladie de fin cycle », avant d'ajouter : « elle est adaptée aux terres superficielles mais il ne faut pas s'attendre à avoir beaucoup de rendement ». Il poursuit avec le Blé de la Saône : « qui présente une très bonne tolérance dans les zones hydromorphes ». Emmanuel Brossard rappelle aux participants qu'il y a deux ans, cette variété s'était « adossée » après un orage puis s'était relevée quelques heures plus tard : « prouvant qu'elle n'est pas sensible à la verse », indique-t-il. Enfin, ce fut au Rouge de Champagne d'être décortiqué par François Bonal : « elle présente un couvert hétérogène cette année avec une hauteur d'épi plutôt haute (102 cm) et l'effet « sol » semble avoir un véritable impact sur la densité en sortie d'hiver ». Il conclut sur cette partie : « Pour toutes les variétés en test, nous verrons bien si les protéines sont au rendez-vous après la récolte. Cela étant dit, les variétés anciennes étant majoritairement hautes, elles présentent un intérêt pour la production de paille et la concurrence face aux adventices »

Un accès à travailler 

Enfin, les échanges sur les variétés anciennes se sont dirigés vers l'accès aux semences. Pour l'essai, les graines ont été fournies par l'Inrae et Graines de Noé avec respectivement 100 graines et 5 kg par variétés. De leur côté, les semenciers « classiques » ne proposent pas cette offre. Cela étant, François Bonal pointe qu'une variété « méteil hétérogène biologique » a été déposée en 2024 au Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS). Un des participants réagit : « Les essais donnent envie d'en implanter dans nos terres. Mais c'est vraiment dommage de ne pas pouvoir en avoir en grandes quantités, car, là, nous restons un peu sur notre faim ». Sur cette question, Emmanuel Brossard rappelle son travail de multiplication en cours pour d'autres variétés (graines fournies par l'Inrae et Graines de Noé): Poulette du Tonnerrois, Amidonnier noir, Blanc d'Arnay-le-Duc, Petit Rouge du Morvan, Poulard d'Auvergne, Gros bleu. Il développe : « La multiplication dure environ 4 à 5 ans pour pouvoir semer environ 2 à 3 ha ; il faut être patient...». Puisqu'ils ont accordé aux variétés anciennes mises en lumière « des caractéristiques intéressantes en Bio », les exploitants semblent, manifestement, vouloir en tester. Mais sans accès aux semences à plus grande échelle, l'implantation leur semble compromise. Peut-être que la poursuite d'essais permettra de démocratiser ces variétés dites anciennes, mais seul l'avenir pourra confirmer cette supposition. 

Le méteil en test

Pour le méteil, l'essai était mené selon quatre modalités  : blé uniquement sans apport engrais, blé avec un apport d'engrais organique (60 uN ), blé en association avec la féverole avec apport d'engrais organique (même apport) et enfin blé en association avec la féverole sans apport. L'implantation a été réalisée, au 15 novembre sans irrigation, avec une densité de 400 gr/m2 pour le blé pur et pour l'association : 250 gr / m2 de blé et 25 gr/m2 féverole. L'essai montre que les couverts à base de féverole n'ont pas d'effets significatifs sur la hauteur, et que la densité de blé est plus élevée sur les modalités sans féverole, et la densité de féverole est assez hétérogène. Emmanuel Brossard précise : « peut-être qu'il y a eu un problème pour la féverole, mais savoir lequel reste une énigme. Je suppute que cela peut venir de la parcelle qui a un sol très superficiel ».

Apport de compost

Pour rappel, afin d'assurer la fertilité de ses sols, Emmanuel Brossard apporte un compost de déchets verts broyés acquis à la déchetterie communale. Il stipule : « Nous sommes trois agriculteurs locaux à profiter de ce service. Nous nous partageons le gisement qui représente un total de 1 500 t. de compost ». François Bonal ajoute : « cet apport assure une fertilisation en P et K ainsi qu'en oligo-éléments, mais l'effet n'est pas significatif pour l'azote ».