Attaque de loup
Une très mauvaise habitude
Une nouvelle attaque de loup est à déplorer en Côte-d’Or depuis le 26 janvier. L’éleveur sinistré est dépité et rappelle l’incompatibilité de l’élevage ovin avec ce grand canidé.

Ses parents et lui-même ne dormaient plus très bien depuis le 10 janvier. Ce jour-là, un loup a été photographié sur leur commune de Francheville en pleine journée, lors d’une partie de chasse au sanglier. «Nous avions beaucoup de moutons dehors, cela a été la panique», raconte Éloi Mony, «mon père n’a pas mis longtemps à rentrer les siens. Pour ma part, j’ai ramené mes agnelles près de sa ferme. Mon exploitation est bien distincte de la sienne, je pratique la vaine pâture et je n’ai pas de bâtiment». Les jours passent et l’herbe à disposition des ovins commence à manquer. «Le loup n’avait pas fait reparler de lui depuis. J’ai décidé de ramener mes moutons dans le pré où ils étaient initialement, à 2 km de la ferme. L’herbe y était relativement en abondance. Nous avions installé des filets et un poste anti-loup, ce dispositif développe une surcharge d’électricité censée dissuader cet animal de rentrer. En plus de cette installation, nous avions décidé, mon père et moi, d’assurer une surveillance très régulière du troupeau».
La puce à l’oreille
Mardi 26 janvier, le jeune éleveur de 23 ans «descend» comme chaque début de soirée en direction de sa parcelle. Il est 19 h 30. Une harde de sangliers traverse soudainement la route devant lui, à proximité du lieu d’arrivée. «Il y avait deux mères et une quinzaine de petits, ils étaient affolés et couraient très vite. Il n’y avait pas eu de chasse ce jour-là. J’ai trouvé cela très bizarre, d’autant que tout semblait très calme aux alentours». Arrivé à destination, Éloi Mony constate un comportement anormal chez ses agnelles : «elles n’étaient pas couchées, elles en avaient pourtant l’habitude à cette heure-là. Elles tournaient en rond et étaient agitées. Mes doutes et mes craintes ne se sont pas estompés… Oui, j’ai pensé au loup. Je suis resté sur place le temps que tout rentre dans l’ordre, soit environ trente minutes. Elles se sont apaisées puis couchées à l’endroit habituel. Je n’étais pas très rassuré, malgré tout… J’ai appelé mon père pour l’avertir. Nous avions prévu d’accroître la surveillance durant toute la nuit». Éloi Mony rentre à son domicile sans la moindre sérénité. À 21 h 45, son téléphone sonne, c’est un ami. Celui-ci vient de passer près de sa pâture, il l’invite à s’y rendre sans plus attendre.
Un carnage
L’éleveur saute dans la voiture et arrive très rapidement sur place : «c’était un carnage, les agnelles étaient dispersées sur un kilomètre de diamètre. Certaines étaient dans les bois, au milieu des biches. Les filets de protection étaient tombés, tous les animaux étaient sortis. On comprend très vite ce qu’il vient de se passer… Nous avons mis une heure pour rassembler les 80 ovins, enfin un peu moins, car quatre d’entre eux étaient morts, deux autres souffraient terriblement et n’ont pu être euthanasiés que le lendemain par le vétérinaire, trois autres étaient blessés. Nous le saurons peu de temps après, mais un autre manquait à l’appel et n’est toujours pas retrouvé. Les agnelles se frottaient à nous, tellement elles avaient peur. Elles étaient contentes de nous voir. Avec mes parents, nous avons décidé de rentrer à pied, avec elles, à Francheville. Sur le trajet, les moutons ne faisaient pas un bruit. L’un d’eux, blessé, semblait recevoir le soutien de ses congénères. Ces derniers se retournaient régulièrement vers lui, comme s’ils voulaient s’assurer qu’il avançait bien avec eux… C’était très émouvant. Un clair de lune nous guidait, tout comme le peu de neige qu’il restait sur les accotements. Nous avons mis plus d’une heure pour arriver à la ferme, vers minuit et demi».
Réflexions
La famille Mony est forcément très choquée. Et c’est avec les larmes aux yeux que chacun de ses membres raconte ce sinistre. «Le loup, cela fait des années qu’on nous dit qu’il va arriver. On s’y préparait mais honnêtement, il faut vivre cette expérience pour avoir une idée du niveau de stress qui est généré. C’est très difficile», confie Hubert Mony. L’éleveur de 51 ans avait envisagé l’acquisition d’un Patou dès 2017, avant de se raviser : «la piste de ce chien de protection a été très vite oubliée, pour plusieurs raisons : des collègues éleveurs m’ont informé qu’il fallait souvent trois ou quatre chiens avant d’en trouver un bon… Aussi et surtout, nous avons une ferme pédagogique qui accueille beaucoup d’enfants, hors période covid : il était hors de question pour nous de prendre le moindre risque. Aussi, avec Éloi, nous avons jusqu’à six lots de moutons dans nos prairies : pour bien faire, il nous faudrait une douzaine de Patous… Nous sommes des éleveurs d’ovins, pas des éleveurs de Patous !» La protection du troupeau est tout simplement «impossible» en présence du loup, assurent les Côte-d’oriens : «nous réclamons, comme la FNO le fait depuis une quinzaine d’années, la possibilité de prélever le loup. La loi l’interdit actuellement, l’amende est de 150 000 euros, il y a aussi deux ans d’emprisonnement…»
Plus d’une vingtaine de millions d’euros seraient dépensés chaque année en France pour le loup : «nous sommes scandalisés par ce montant, celui-ci pourrait être utilisé plus intelligemment, surtout en ce moment. Nous sommes gouvernés par des gens qui ne connaissent pas notre métier. L’élevage ovin n’a pas besoin de ça, ce contexte difficile ne va pas favoriser les installations. Nous n’avons rien contre le loup, mais il n’a pas sa place en France en 2021. Et comment allons-nous faire dans quelques semaines, quand les animaux retourneront dehors ? Qu’en pensent celles et ceux qui donnent des leçons dans le domaine du bien-être animal ? Nos brebis ont énormément souffert et les séquelles pourraient être nombreuses ces prochaines semaines. Nous risquons, entre autres, des avortements. Quelle est la solution ? Mettre tous nos animaux en bâtiment, toute l’année, et faire des moutons de batterie ? Non merci».
Bis repetita
Rencontrée le 28 janvier, la famille Mony a eu le malheur de perdre deux nouveaux animaux la nuit suivante, suite à une nouvelle attaque du loup.
La puce à l’oreille
Mardi 26 janvier, le jeune éleveur de 23 ans «descend» comme chaque début de soirée en direction de sa parcelle. Il est 19 h 30. Une harde de sangliers traverse soudainement la route devant lui, à proximité du lieu d’arrivée. «Il y avait deux mères et une quinzaine de petits, ils étaient affolés et couraient très vite. Il n’y avait pas eu de chasse ce jour-là. J’ai trouvé cela très bizarre, d’autant que tout semblait très calme aux alentours». Arrivé à destination, Éloi Mony constate un comportement anormal chez ses agnelles : «elles n’étaient pas couchées, elles en avaient pourtant l’habitude à cette heure-là. Elles tournaient en rond et étaient agitées. Mes doutes et mes craintes ne se sont pas estompés… Oui, j’ai pensé au loup. Je suis resté sur place le temps que tout rentre dans l’ordre, soit environ trente minutes. Elles se sont apaisées puis couchées à l’endroit habituel. Je n’étais pas très rassuré, malgré tout… J’ai appelé mon père pour l’avertir. Nous avions prévu d’accroître la surveillance durant toute la nuit». Éloi Mony rentre à son domicile sans la moindre sérénité. À 21 h 45, son téléphone sonne, c’est un ami. Celui-ci vient de passer près de sa pâture, il l’invite à s’y rendre sans plus attendre.
Un carnage
L’éleveur saute dans la voiture et arrive très rapidement sur place : «c’était un carnage, les agnelles étaient dispersées sur un kilomètre de diamètre. Certaines étaient dans les bois, au milieu des biches. Les filets de protection étaient tombés, tous les animaux étaient sortis. On comprend très vite ce qu’il vient de se passer… Nous avons mis une heure pour rassembler les 80 ovins, enfin un peu moins, car quatre d’entre eux étaient morts, deux autres souffraient terriblement et n’ont pu être euthanasiés que le lendemain par le vétérinaire, trois autres étaient blessés. Nous le saurons peu de temps après, mais un autre manquait à l’appel et n’est toujours pas retrouvé. Les agnelles se frottaient à nous, tellement elles avaient peur. Elles étaient contentes de nous voir. Avec mes parents, nous avons décidé de rentrer à pied, avec elles, à Francheville. Sur le trajet, les moutons ne faisaient pas un bruit. L’un d’eux, blessé, semblait recevoir le soutien de ses congénères. Ces derniers se retournaient régulièrement vers lui, comme s’ils voulaient s’assurer qu’il avançait bien avec eux… C’était très émouvant. Un clair de lune nous guidait, tout comme le peu de neige qu’il restait sur les accotements. Nous avons mis plus d’une heure pour arriver à la ferme, vers minuit et demi».
Réflexions
La famille Mony est forcément très choquée. Et c’est avec les larmes aux yeux que chacun de ses membres raconte ce sinistre. «Le loup, cela fait des années qu’on nous dit qu’il va arriver. On s’y préparait mais honnêtement, il faut vivre cette expérience pour avoir une idée du niveau de stress qui est généré. C’est très difficile», confie Hubert Mony. L’éleveur de 51 ans avait envisagé l’acquisition d’un Patou dès 2017, avant de se raviser : «la piste de ce chien de protection a été très vite oubliée, pour plusieurs raisons : des collègues éleveurs m’ont informé qu’il fallait souvent trois ou quatre chiens avant d’en trouver un bon… Aussi et surtout, nous avons une ferme pédagogique qui accueille beaucoup d’enfants, hors période covid : il était hors de question pour nous de prendre le moindre risque. Aussi, avec Éloi, nous avons jusqu’à six lots de moutons dans nos prairies : pour bien faire, il nous faudrait une douzaine de Patous… Nous sommes des éleveurs d’ovins, pas des éleveurs de Patous !» La protection du troupeau est tout simplement «impossible» en présence du loup, assurent les Côte-d’oriens : «nous réclamons, comme la FNO le fait depuis une quinzaine d’années, la possibilité de prélever le loup. La loi l’interdit actuellement, l’amende est de 150 000 euros, il y a aussi deux ans d’emprisonnement…»
Plus d’une vingtaine de millions d’euros seraient dépensés chaque année en France pour le loup : «nous sommes scandalisés par ce montant, celui-ci pourrait être utilisé plus intelligemment, surtout en ce moment. Nous sommes gouvernés par des gens qui ne connaissent pas notre métier. L’élevage ovin n’a pas besoin de ça, ce contexte difficile ne va pas favoriser les installations. Nous n’avons rien contre le loup, mais il n’a pas sa place en France en 2021. Et comment allons-nous faire dans quelques semaines, quand les animaux retourneront dehors ? Qu’en pensent celles et ceux qui donnent des leçons dans le domaine du bien-être animal ? Nos brebis ont énormément souffert et les séquelles pourraient être nombreuses ces prochaines semaines. Nous risquons, entre autres, des avortements. Quelle est la solution ? Mettre tous nos animaux en bâtiment, toute l’année, et faire des moutons de batterie ? Non merci».
Bis repetita
Rencontrée le 28 janvier, la famille Mony a eu le malheur de perdre deux nouveaux animaux la nuit suivante, suite à une nouvelle attaque du loup.
Quand rien ne va…
Les problématiques s’enchaînent sur l’exploitation de Francheville. La ferme pédagogique, gérée par Lys Mony, n’accueille plus le moindre scolaire depuis le début de la crise sanitaire. Les récoltes sont en berne depuis 2016 et Hubert Mony a été contraint d’acheter son tout premier camion de foin depuis son installation en 1995. Depuis une dizaine d’années, le nombre d’hectares de grandes cultures a été divisé par trois, par manque de rentabilité. «Nous sommes ici sur des terres à faibles potentiels. Il y a aussi la problématique récurrente du colza, qui était pourtant la culture qui s’en sortait le mieux. Nous pensions avoir trouvé la solution à nos problèmes avec les moutons, nous avons même doublé les effectifs ces dernières années, mais la présence du loup remet vraiment tout en question», s’inquiète Hubert Mony. Un autre événement contrarie fortement ce père de famille depuis plusieurs jours : «nous pensions avoir trouvé une belle diversification avec le photovoltaïque au sol. Nous étions en contact avancé avec la société TSE qui recherchait des terres pour y installer des panneaux. La location de 20 hectares de notre SAU nous aurait rapporté 20 000 euros/an sur 40 ans. Ce projet était d’autant plus intéressant qu’Éloi aurait entretenu le site avec ses moutons, sa prestation de service lui était rémunérée 500 euros/ha/an par la même société. Un grillage de deux mètres de hauteur devait être installé, le loup n’aurait pas été une contrainte et Éloi aurait conforté son installation… Ce projet était également bénéfique à l’environnement, avec l’arrêt des traitements sur des terres ne donnant qu’entre 30 et 40 q/ha en blé ces dernières années». Tout ne s’est malheureusement pas passé comme prévu, poursuit Hubert Mony : «on nous a malheureusement mis des bâtons dans les roues… Ce mois de décembre, une commission départementale notamment composée de la DDT, a exigé un critère qui a dissuadé TSE de poursuivre dans ce projet. Cette commission savait pourtant ce que nous projetions de faire. La couverture des panneaux doit représenter 30 % de la surface agricole considérée, selon la commission. Dans notre cas, elle était de 48 %. Le projet n’est pas viable à 30 %, selon TSE. Nous sommes bien sûr désabusés». Hubert Mony souhaiterait poser la question suivante à la DDT : «le loup remet en cause nos systèmes de production. Supposons que demain, nous vendions nos 650 brebis. Je ne garde qu’un tracteur et un broyeur pour entretenir la surface herbagère une à deux fois par an, sur nos 220 ha cumulés. Aurons-nous encore droit aux primes Pac ? Sachant que dans ce cas, ce n’est pas 30 % de 20 hectares qui ne seront plus productifs, mais bien 220 ha».