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Moisson 2025

Une récolte de blé pas rentable et difficilement exportable

33,4 Mt de blé ont été engrangées cet été. À Rouen, les cours de la céréale sont inférieurs de 30 €/t aux coûts de production. À l’export, la France peinera à vendre plus de 8 Mt de blé à des pays tiers. La concurrence internationale est très forte avec des stocks report record.

Par Actuagri
 Une récolte de blé pas rentable et difficilement exportable
iStock/Scharfsinn86
Le rendement moyen du blé atteint cette année les 74,4 quintaux par hectare (q/ha). Il est supérieur de près de 10% à la moyenne 2017-2023.

Cette année, le rendement moyen du blé moissonné est de 7,44 tonnes par hectare (t/ha) selon Argus Média France. Il est supérieur à la moyenne olympique 2017-2023 de 7,2 t/ha et surtout à celui de l’an passé (6,1 t/ha). Cette performance technico-économique conforme au potentiel de production de la ferme France ne suffit pas pour autant à rendre les céréaliers français optimistes. En ayant récolté 33,4 millions de tonnes (Mt) de blé sur les 4,49 millions d’hectares cultivés, la nouvelle récolte de blé est juste satisfaisante. La sole emblavée la campagne passée est inférieure de 400 000 à 500 000 hectares à la moyenne des années 2010. Aussi, près de 3 Mt n’ont pas pu être produites. Mais l’automne dernier, les conditions de cultures étaient mauvaises dans certaines petites régions et les céréaliers ont préféré cultiver du colza plus rentable, a expliqué Alexandre Willekens, analyste chez Argus Média France (ex-Agritel).

Cours pénalisés

Par ailleurs, la commercialisation de la nouvelle récolte nationale s’annonce compliquée. « Le marché mondial des céréales renoue avec la lourdeur des années 2016-2019. Seuls un sursaut de la demande, une rétention prolongée des producteurs mondiaux, une montée des tensions géopolitiques, des mouvements de devises, ou encore la météo de 2026 pourraient raviver la volatilité », a déclaré Gautier Le Molgat, directeur général d’Argus Média France, fin août. Le premier indicateur de cette lourdeur est le prix de vente de la tonne de blé sortie ferme, inférieur d’au moins 30 € au coût moyen de production estimé à 200 €/t par Argus Média France. Actuellement, les cours du blé sur le marché de Rouen sont fortement pénalisés par la parité de l’Euro. À 1,17 € le dollar, la tonne de céréale vaut 30 € de moins qu’avec un dollar à 1,04 €, sa valeur au début de l’année. De plus, les échanges commerciaux de blé devraient croître d’à peine 10 Mt dans le monde sans retrouver leur niveau de 2023-2024. Aussi, la France n’exportera que 8 Mt de blé vers des pays tiers dont 2,5 Mt au Maroc, 2,4 Mt en Afrique subsaharienne, 0,9 Mt en Égypte et près de 2 Mt vers d’autres pays tiers, selon Maxence Devillers, analyste sénior des marchés pour Argus Média. Mais en ce début de campagne de nouvelles opportunités à l’export ne sont pas exclues.

L’offre mondiale explose

Toutefois, la France ne peut plus compter sur la Chine et ni sur l’Algérie pour commercer. En ayant restreint ses importations de blé, l’Empire du milieu ne compensera plus la perte du marché algérien inhérente aux différends diplomatiques qui opposent la France et l’Algérie. Pour autant, cette dernière importe toujours du blé d’Union européenne (UE) bien qu’elle ait largement ouvert son marché à la Russie. Par ailleurs, la production de blé en UE (152 Mt ; + 21 Mt sur un an) et ses 33 Mt exportables est concurrencée sur les marchés par les 70 Mt elles aussi disponibles à l’export en Bulgarie, en Roumanie, en Ukraine et en Russie, cette dernière étant finalement parvenue à engranger 86,5 Mt de grains selon Argus Média France. Enfin, des stocks report de blé, attendus à des niveaux record en fin de campagne en France (4Mt ; + 1,5 Mt), en UE (19,4 Mt ; + 1,9 Mt) et dans l’ensemble des pays exportateurs majeurs de la planète (69 Mt ; + 5 Mt), devraient durablement plomber les prix. De plus, l’UE ne peut pas miser sur sa faible récolte de maïs (57 Mt) pour compenser l’abondance de blé sur son marché intérieur puisque l’offre mondiale (des États Unis en particulier), explose : 1 300 Mt soit + 45 Mt sur un an. Au contraire, l’UE renouera même avec des importations en hausse (23 Mt ; + 2-3 Mt), selon Argus Média France. Toutefois, les céréaliers français misent sur une légère reprise du marché national (14,2 Mt) et sur une bonne tenue des exportations intra-européennes (6,8 Mt) pour écouler leurs récoltes.