Une nouvelle campagne atypique
Beaucoup de grains (une moisson dans le top 3 depuis 15 ans) mais des prix très dégradés (il faut remonter dix ans en arrière pour trouver plus bas) : le président des Établissements Bresson décrypte la moisson.

Les moissons 2024 étaient atypiques mais cette nouvelle campagne l'est tout autant. « Il y a un an, ni la quantité, ni la qualité n'étaient au rendez-vous. Cette fois-ci, nous avons une très belle moisson, il y aurait de quoi être très satisfait si les prix ne s'étaient pas effondrés ! », indique Damien Racle. Le président des Établissements Bresson observe que la « marchandise dégradée de l'an passé valait plus cher que la belle production de l'été en cours » : « c'est très particulier… Heureusement que les bennes étaient nombreuses et bien pleines, que nous n'avons pas eu 10 ou 20 % de volumes en moins, cela aurait été encore pire en termes de rentabilité. L'état d'esprit actuel est très spécial : la collecte est très belle, en l'occurrence près des 90 000 tonnes pour notre entreprise, il y a beaucoup de qualité, nous allons avoir de très beaux blés à mettre en meunerie… Et malgré tout cela, commercialiser ces très beaux grains aux prix actuels nous fait mal ! ».
Plus en détail
Damien Racle effectue un rapide retour sur les différentes productions : « le blé, qui représente environ la moitié de notre collecte, a donné de bons résultats, à la hauteur de ce que nous pouvons espérer lors d'une belle année. Mais les orges, ce sont bien elles qui ont tiré le plus leur épingle du jeu : leur progression est impressionnante, de l'ordre de 20 à 30 % de mieux qu'une année normale avec, en plus, la qualité qui est bien là. Pour le colza aussi, les volumes sont en progression, mais les rendements n'étaient pas forcément supérieurs à ceux de 2024. La raison de cette tendance haussière vient des surfaces qui lui sont accordées : il y en a davantage, et cela pourrait continuer l'an prochain. En effet, le colza est actuellement l'une des rares cultures rentables. Entre un colza à 3,5 t/ha à 470 ou 480 euros/t et un blé à 8 t/ha pour 170 euros/t, le calcul est vite fait… ».
Une autre inquiétude
Le président s'interroge sur le devenir des orges : « leur performance aura peut-être un revers de médaille, malheureusement. Les usines ont une certaine capacité de transformation, ces outils ne peuvent pas forcément absorber 30 % de graines en plus, d'un coup. Une saturation est à redouter, il ne serait pas étonnant que des malteurs nous invitent à nous orienter sur d'autres marchés. Ces derniers pourraient être l'export, avec des frais logistiques bien plus élevés ou, pire encore, une rétrogradation sur l'alimentation du bétail ». Damien Racle fait part d'un autre fait marquant de la campagne 2025 : « la collecte bio est en très net recul, je n'ai pas les chiffres exacts mais je pense que nous sommes à -50 %… Plusieurs raisons expliquent cette forte diminution. Il y a des déconversions, c'est un fait. Des agriculteurs se sont aussi équipés pour collecter, avec l'idée de vendre leurs productions un plus tard, dans l'attente de jours meilleurs ».
Patienter pour vendre
Attendre est peut-être la meilleure des solutions : « des agriculteurs, à prix fermes, ont vendu il y a déjà presque un an et peuvent limiter la casse avec ces volumes déjà commercialisés. En revanche, quelqu'un qui n'a encore rien vendu aujourd'hui, je ne sais pas s'il peut oser vendre quelque chose à ce niveau de prix… ». Le président de la SAS Bresson espère, comme tout le monde, un sursaut des cours : « la géopolitique peut une nouvelle fois jouer un rôle, la moindre annonce de taxe ou de détaxe a ses conséquences. Je pense aussi à la consommation : malgré l'augmentation de la population, nous avons l'impression qu'elle se tasse… Si elle repartait enfin de l'avant, cela jouerait en notre faveur. Il serait bien, aussi, que les prix des intrants nous soient plus favorables, ce serait un moindre mal ». Le Côte-d'orien ajoute que l'agriculture française, « la plus durable au monde », est d'autant plus mal lotie dans ce genre de contexte : « nous avons les meilleurs produits mais aussi les prix les plus élevés à la production… Quand il s'agit de vendre à l'extérieur et de s'aligner sur le marché mondial, c'est encore plus compliqué ! Nous sommes en concurrence avec des produits qui ont certainement des qualités techniques similaires aux nôtres, mais qui n'ont rien à voir avec nos qualités environnementales, sanitaires, sociales… Ça, l’acheteur qui est en face de nous ne le regarde pas toujours… Ce qui l'intéresse, c'est bien de manger ».