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Agriculture biologique

Une exploitation engagée en bio depuis 15 ans

Organisée conjointement par la Chambre d’agriculture de l’Yonne, le Sedarb, la Cocebi et d’autres partenaires, une visite de la ferme de la Bilouterie à Dollot, a permis de présenter les pratiques de l’exploitation engagée en bio depuis une quinzaine d’années.
Par Dominique Bernerd
Une exploitation engagée en bio depuis 15 ans
Démonstration de herse étrille.
C’est en 1999, que Jean-Bertrand Brunet a commencé la conversion de l’exploitation familiale en bio. Un processus qui a duré 4 ans : «nous étions passés au non labour en 1996, mais très rapidement sont apparus des problèmes d’enherbement et les terres étaient très sales, ce qui nous a obligé à racheter une charrue en cours de conversion». Profitant de son installation, pour créer un atelier de volailles de chair avec vente directe, ainsi qu’une fabrique d’aliments à la ferme. Aujourd’hui, la SAU de l’exploitation est entièrement en bio et totalise 110 ha, se partageant en : 35 ha de blé, 15 ha de colza, 15 ha de maïs, 15 ha de luzerne en déshydratation et autant en féveroles et triticale. Un assolement orienté pour apporter un maximum d’autonomie à l’élevage et avoir le moins possible recours à une alimentation extérieure, en auto-consommant au mieux les céréales produites sur l’exploitation. D’autres cultures aussi, comme l’avoine, le sarrasin ou le tournesol, pour des rotations les plus longues possibles : «mais le système a ses limites car chacune nécessite des matériels, des réglages et des stockages spécifiques et on en a réduit le nombre».

70 % des céréales autoconsommées
La rotation sur l’exploitation : de la luzerne pendant deux ans, suivie de blé et derrière, un colza : «avec l’avantage d’être assez tôt dans la rotation pour bénéficier de l’effet anti-salissement des luzernes et de récupérer une partie du reliquat azoté». Viennent ensuite maïs et féveroles : «tout le maïs est gardé et séché et contribue à la formulation volaille, avec des rendements s’échelonnant de 40 à 85 q/ha». Aucun engrais organique extérieur, uniquement du fumier de cheval collecté dans le voisinage et du fumier de volailles. Depuis la réintroduction du colza il y a 6 ans, les rendements vont de 15 à 20 q/ha : «on sème à 50 en monograine, avec du binage derrière. Tout est vendu directement en huile après avoir fini de le sécher, car en bio, pas de protections fongicides. Pour une maturité de commercialisation à 7% d’humidité, on le ramasse entre 9 et 11%, ramené à 6,5% d’humidité après 2 à 3 jours de séchoir et on le trie». Moyenne des rendements en blé : 45 q/ha. Quant au triticale : «on mélange presque systématiquement du pois avec car on en a la valorisation sur l’élevage» Des céréales ont été réintroduites en mélange avec les féveroles : «l’intérêt est que ça fait une couverture pour la gestion des adventices, surtout quand la féverole commence à perdre ses feuilles, ça refait vite de l’herbe et sert aussi de tuteur». Près de 70% des céréales sont autoconsommées selon les années, le reste étant valorisé directement auprès de meuneries et huileries.

Deux outils indispensables
La herse étrille est l’outil de désherbage mécanique le plus utilisé par les agriculteurs bio, avec une plage d’utilisation très large, allant du faux semis au sursemis de prairie temporaire. D’un coût intermédiaire entre les herses étrilles et les bineuses à guidage numérique, la houe rotative est pour sa part, un outil efficace et polyvalent. Elle détruit les adventices encore jeunes, en les sélectionnant au stade filament et en les déchaussant. L’effet de recouvrement lié à la projection de la terre complétant le travail : «la houe, je l’emprunte à un collègue. En maïs, en général, on fait deux binages, le problème étant d’avoir des levées assez homogènes pour pouvoir passer l’outil au bon moment. En terme de désherbage, on fait souvent deux passages de herse étrille sur les céréales, le plus tôt possible, cette année, au 15 novembre. Mais faut pas rêver, dans les limons un peu battants, on ne fera jamais de miracle». Attention aux fenêtres d’intervention, prévient Olivier Bouilloux, du Sedarb, que ce soit avec la herse ou la houe : «en moyenne sur l’année, on totalise une quinzaine de jours d’intervention possible, car il faut compter sur les jours d’ensoleillement avant, pour essuyer et des jours après, pour finir de sécher et d’arracher». La houe rotative peut être aussi utilisée pour casser la croûte de battance pouvant se former en fin d’hiver, sur sols limoneux : «à condition toutefois qu’elle ne soit pas trop épaisse et toujours avec une vitesse d’avancement d’au moins 20 km/h pour bien la faire pénétrer et qu’elle explose tout».

Une fabrique de granulés de luzerne sur la ferme
Une unité de déshydratation de la luzerne et de granulation a été installée sur l’exploitation en 2008. Un séchage entièrement naturel, au principe simple, même s’il exige de la rigueur et une parfaite planification. Le bâtiment fait 700 m2 avec une toiture en fibrociment pour éviter la condensation et peinte en noir, pour capter la chaleur, avec en dessous, une couche isolante, l’air passant entre les deux.
Capté sur le pignon nord, l’air circule sur les 55 mètres de longueur du bâtiment, avant d’être récupéré sur le pignon sud par un ventilateur extérieur et soufflé ensuite sous les caillebotis sur la base d’un volume de 25 000 m3/heure. Avec une différence de température entre l’entrée et la sortie d’air, de l’ordre de 3°. Une fois passée dans un épierreur, la luzerne est conduite dans un broyeur à marteau, entraîné par un moteur de 220 cv, avec à la sortie, des fibres de 7 à 8 mm, avant d’être redirigée dans une mélangeuse. Pour un débit de 3 tonnes de luzerne à l’heure. La valorisation plus importante en bio, permettant de vendre des granulés à un prix supérieur de plus de 30% par rapport à de la luzerne conventionnelle, soit de l’ordre de 250€/tonne, pour un coût de fabrication global estimé à 110 €. Avec pour particularité, de n’y rajouter aucun additif.