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Chambre d’agriculture

Une crise accentuée par les aléas climatiques

Loin de s’améliorer, la situation des différentes filières s’est encore dégradée depuis la dernière session et le tableau dressé est sombre, accentué par les multiples épisodes de gel et de grêle qui ont touché le département.
Par Dominique Bernerd
Une crise accentuée par les aléas climatiques
De gauche à droite : Nadine Darlot, vice-présidente Chambre agri 89, Didier Roussel directeur DDT 89, Etienne Henriot, Président Chambre agri 89, Sophie Fonquernie, vice-présidente du Conseil régional BFC, Michèle Crouzet, présidente Commission agricultur
Dans son discours introductif à la session du 26 mai dernier, le président de la Chambre d’agriculture, Etienne Henriot est revenu longuement sur les difficultés à la fois techniques et économiques constatées dans les différents secteurs de l’économie agricole départementale. Un constat chiffré dont personne ne soupçonnait alors, qu’il allait s’alourdir dès le lendemain, après l’orage de grêle cataclysmique et les fortes pluies ayant touché toute une partie du département.
Concernant les grandes cultures, si l’hiver doux laissait présager deux semaines d’avance dans le cycle végétatif, la fraîcheur qui a accompagné ce début de printemps a remis les pendules à l’heure. Les températures élevées enregistrées ces quatre derniers mois ont permis aux pucerons de se développer après avoir résisté à l’hiver. Avec pour conséquence notamment, de sérieux problèmes en colza, particulièrement en zone plateau, où suite à la présence d’altistes et de charançons, certaines parcelles ont du être retournées. Le cours du blé pour sa part, continue de se replier avec désormais un différentiel entre blé panifiable et fourrager n’excédant pas 10 /tonne, conséquence de deux récoltes mondiales exceptionnelles et de stocks au plus haut : 6,4 millions de tonnes pour la seule ferme France, le triple d’il y a deux ans, dont 2,6 millions restées dans les exploitations. Et le pire est peut-être à venir, s’alarme Etienne Henriot : «en blé 1, base juillet, on évoque déjà un prix à 130 € , inférieur au coût de production…»
 
Des parcelles dévastées à 100 %
Autre sujet hélas sous les feux de l’actualité : la viticulture. «Nous nous satisfaisions de ce qui se passait depuis deux ans. On avait renoué avec un niveau de récolte qui était correct et permettait de reconstituer aussi bien les trésoreries que les VCI, pour ceux qui étaient concernés». Mais les différents épisodes de gel et de grêle ont depuis rebattu les cartes et la situation est désormais critique pour certaines exploitations. C’est tout le vignoble de l’Yonne qui est impacté, avec un épicentre sur le Chablisien et l’Auxerrois. Et pour les vins rouges, pas de possibilité d’effectuer des VCI. Un premier bilan estimait à près de 1 000 ha, les parcelles touchées par la gelée noire en Chablisien. En zone Auxerrois, c’est près du tiers du vignoble qui a été touché par le gel, avec une intensité de perte variant pour certains de 70 à 100 % et une récolte réduite à néant. Et les effets ne sont pas forcément immédiats rappelle le président de la Chambre : «la problématique de la grêle, c’est qu’à l’inquiétude pour la récolte en cours, se rajoute l’inquiétude pour la récolte à venir, selon l’importance dont la vigne est abimée». La situation économique d’un grand nombre de viticulteurs est à prendre en compte avec attention et la Chambre d’agriculture prévoit de déployer un dispositif d’accompagnement spécifique, consistant à conseiller techniquement et collectivement par des réunions «bout de vigne», les viticulteurs concernés. Multipliant par ailleurs l’information diffusée sur le mode de conduite des parcelles sinistrées.
Déjà sinistrée par le gel, menacée par l’interdiction à venir de certains traitements, l’arboriculture icaunaise est aujourd’hui totalement dévastée, depuis l’orage de grêle qui a touché tout le sud Auxerrois le 27 mai dernier. Certains s’interrogent même sur le devenir de la filière et se disent prêts à tout arrêter, suite aux multiples aléas climatiques qui se sont succédés ces dernières années.

Des cours qui ne cessent de chuter
«Concernant le secteur de la viande, par rapport à la dernière session, ça ne s’est pas arrangé, loin de là ! En terme de cours notamment, tous les secteurs sont touchés». Des prix en baisse sans perspective d’amélioration, notamment pour ce qui est des jeunes bovins, dont la baisse des cours est accentuée par la demande morose des marchés italiens et grecs et l’abondance de vaches laitières sur le territoire national. Voyants au rouge également, pour les femelles, avec là aussi, un marché français encombré par des effectifs pléthoriques et des ventes qui ne décollent pas, en lien avec les températures qui ne favorisent guère la consommation de barbecues. On note par ailleurs sur la viande maigre, une forte pression des engraisseurs italiens pour faire baisser les prix.
En secteur lait, le prix moyen mensuel dans l’Yonne est passé sous la barre des 300 €/1 000 l en mars dernier et depuis, ne cesse de chuter. Avec parfois des écarts de prix pouvant atteindre 50 €, en fonction des marchés des laiteries, rappelle la vice-présidente de la Chambre d’agriculture, Nadine Darlot : « cela fait trois ans que je tire la sonnette d’alarme, mais là, on arrive au bout. D’autant plus que se rajoute le problème du stock de maïs après deux années difficiles. Plus du tiers des exploitations dans l’Yonne seront en rupture de stock cet été. On espérait pouvoir ensemencer de bonne heure, mais avec la météo, mauvaise pioche ! Et cela ramène de l’inquiétude supplémentaire».

Des permis de construire ou à exploiter invalidés
La campagne de télédéclaration Pac se termine, avec au 22 mai, un taux de 82 % de dossiers signés. Si globalement la campagne 2016 n’a pas présenté de difficultés majeures, certains dossiers ont nécessité un temps de mobilisation important, d’où cette remarque d’Etienne Henriot : «certains sont restés toute la journée sur leur dossier et ce n’est pas normal. En arriver là aujourd’hui, comme si on était des débutants, ce n’est pas sérieux !» Dénonçant au passage l’impossibilité d’utiliser cette année l’outil Mes P@rcelles, suite au refus du ministère d’autoriser le transfert des données de Télépac sur cet outil.
Autre anomalie soulevée par le président de la Chambre d’agriculture : la remise en cause de droits à construire ou à exploiter, par des associations contestant certains projets agricoles en cours. A l’image de cette exploitation de l’Avallonnais qui s’est lancée depuis plusieurs années dans un important projet de méthanisation après avoir obtenu permis de construire et autorisation d’exploiter, et qui s’est vue signifiée l’invalidité du permis de construire, l’obligeant à arrêter son activité : «ces initiatives individuelles de contestation de projets agricoles en cours se multiplient. C’est l’exercice normal de la démocratie, mais un exercice qui a tout de même ses limites. Une démocratie qui fonctionne, c’est une démocratie où chacun est capable de s’entendre, de s’écouter et de se respecter. Ce n’est pas de mon point de vue le cas et le risque de dérive est grand. Peut-on admettre à partir du moment où il a au départ respecté les procédures en vigueur, qu’un porteur de projet ait à se questionner chaque jour sur le fait qu’il puisse être autorisé à continuer d’exploiter en l’état son investissement, de façon à vivre de son travail et à rembourser les emprunts qu’il a contractés pour le réaliser ?»

(D’après éléments de conjoncture fournis par la Chambre agri 89)