Protéines
Une complémentarité entre origine animale et végétale
Avec les demandes sociétales plus fortes concernant l’alimentation, la place des protéines animales comme végétales est devenue centrale. Le dernier débat du think tank Agridées a fait le point sur les enjeux au niveau environnemental, économique, et nutritionnel.
Entre montée du véganisme, tendance à la naturalité et préoccupation sociétales fortes en matière de bien-être animal, la place des protéines et de leur origine est un enjeu majeur. Aujourd’hui, «les protéines d’origine animale représentent 70 % des apports protéiques en France», a rappelé Gérard Matheron, secrétaire général du think tank Agridées en introduction du débat organisé sur les protéines par l’organisation, le 13 novembre. Chez l’homme adulte, les besoins en protéines sont de 40 à 60 grammes par jour, précise le professeur Patrick Tournian, chef du service Nutrition pédiatrique à l’hôpital Trousseau. Des protéines qui sont présentes en plus grosse quantité dans les produits laitiers et les produits carnés. Et s’il est possible de remplacer les protéines d’origine animale par des protéines d’origine végétale, un certain nombre de limites demeurent : en effet, pour ensuite être assimilées correctement, les protéines doivent être associées à huit acides aminés essentiels. Ces derniers sont tous présents dans les protéines animales, mais certains manquent dans les protéines végétales qui doivent être associées en elles pour combler les besoins, ce que l’on observe de façon traditionnelle dans l’ensemble des zones du monde : au Maghreb, le couscous associe le blé et les pois chiche, en Asie le riz est très souvent associé aux légumineuses. En France, il y a très peu de carences en protéines liées à l’absence de consommation de produits carnés. Le véganisme pose néanmoins des problèmes de carences importantes en fer, car le fer d’origine végétal est très mal absorbé par l’organisme, précise Patrick Tournian.
Des cultures longtemps délaissées
Si la société ne demande pas l’abolition de l’élevage, les consommateurs sont cependant en attente de viande issue d’animaux nourris de façon plus saine, plus durable, ce qui inclue la question des protéines et de leur production nationale à destination de l’alimentation animale. Or, «le continent sur lequel il y a un déficit notoire de légumineuses, c’est l’Europe», rappelle David Gouache, directeur adjoint de Terres Inovia. Pourtant, cette association céréales/légumineuses est indispensable à l’agriculture, puisqu’elle répond notamment aux problématiques d’azote. Il faut donc développer ces cultures, pour satisfaire les besoins intérieurs et réduire la dépendance aux protéines importées, souvent OGM. «En soja, 250 000 ha permettraient de répondre à la demande de non OGM», rappelle David Gouache. Le problème, c’est que ces cultures, délaissées, n’ont donc pas bénéficié d’investissements en matière d’amélioration des plantes, d’où un manque de compétitivité technique pour l’agriculteur qui veut aujourd’hui mettre en œuvre ces espèces, alors que la culture des céréales est devenue bien plus simple, explique encore David Gouache.
Les contraintes de l’élevage
Sans compter que produire l’alimentation destinée à ses animaux n’est pas toujours possible et dépend du type d’élevage. Comme l’explique Paul Auffray, éleveur de porcs dans les Côtes d’Armor et président de la Fédération nationale porcine, «un élevage de porcs français consomme 1000 à 1500 tonnes d’aliments par an, sur des structures agricoles de 50 ha en moyenne alors que pour parvenir à l’autonomie alimentaire, il nous faudrait 200-300 ha de céréales et de protéines». Pour cette filière qui peut subir des variations brutales des coûts de l’aliment, la priorité reste l’équilibre économique.
Ce qui n’est d’ailleurs pas contradictoire avec des objectifs environnementaux : «en travaillant sur l’efficacité alimentaire, on a amélioré l’indice de consommation tout en réduisant les apports d’azote de 20 % et les apports de phosphore de 20 %», ce qui a aussi amélioré la rentabilité des exploitations, poursuit l’éleveur. Avec l’agrandissement des exploitations, la culture de céréales pour l’alimentation des animaux se développe dans les élevages porcins. En revanche, «sur des petites surfaces, c’est difficile de mettre en place un modèle de rotation des cultures cohérent», explique Paul Auffray. «J’ai voulu faire du pois protéagineux, de la féverole, etc., c’était la cata ! J’avais des pois superbes, mais il suffit d’un épisode de pluie pour laisser la moitié des pois dans les champs», témoigne-t-il. L’autonomie n’est donc pas un objectif atteignable dans les prochaines années, d’autant plus que certains composants restent indispensables, comme le soja pour les truies et porcelets. En élevage laitier, la problématique est plus simple mais des contraintes subsistent. Si le marché est en demande de lait issu de vaches alimentées à l’herbe, et que les surfaces sont davantage disponibles que pour l’élevage porcin, «être producteur d’herbe est bien plus compliqué qu’être producteur de maïs», souligne Pascal Ferey, éleveur laitier et président de la Chambre d’agriculture de la Manche. La culture est en effet très sujette aux aléas climatiques. Sans compter que le parcellaire ne se prête pas toujours au pâturage des animaux. «Pour autant, est-ce que l’on va autoriser le réaménagement foncier pour le favoriser ?», demande Pascal Ferey, incertain. Enfin, les exigences sociétales ne doivent pas éclipser l’importance de bonnes conditions de travail pour l’agriculteur : quand les vaches sont au pâturage, il faut aller les chercher à 5 h00 du matin, «parfois sous une pluie battante», rappelle Pascal Ferey. De même, l’absence de recherche et d’investissement pour favoriser la culture des légumineuses rend l’exercice plus difficile pour les agriculteurs. «Les agriculteurs ont le droit eux aussi d’avoir une vie sociale, une vie de famille, les citadins doivent le comprendre», estime David Gouache. On ne peut donc qu’espérer que le futur Plan Protéines sera plus efficace en la matière que ses nombreux prédécesseurs. Car «il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de soutien de partenariats public-privé pour installer durablement ces espèces dans le paysage», rappelle le directeur adjoint de Terres Inovia.
Des cultures longtemps délaissées
Si la société ne demande pas l’abolition de l’élevage, les consommateurs sont cependant en attente de viande issue d’animaux nourris de façon plus saine, plus durable, ce qui inclue la question des protéines et de leur production nationale à destination de l’alimentation animale. Or, «le continent sur lequel il y a un déficit notoire de légumineuses, c’est l’Europe», rappelle David Gouache, directeur adjoint de Terres Inovia. Pourtant, cette association céréales/légumineuses est indispensable à l’agriculture, puisqu’elle répond notamment aux problématiques d’azote. Il faut donc développer ces cultures, pour satisfaire les besoins intérieurs et réduire la dépendance aux protéines importées, souvent OGM. «En soja, 250 000 ha permettraient de répondre à la demande de non OGM», rappelle David Gouache. Le problème, c’est que ces cultures, délaissées, n’ont donc pas bénéficié d’investissements en matière d’amélioration des plantes, d’où un manque de compétitivité technique pour l’agriculteur qui veut aujourd’hui mettre en œuvre ces espèces, alors que la culture des céréales est devenue bien plus simple, explique encore David Gouache.
Les contraintes de l’élevage
Sans compter que produire l’alimentation destinée à ses animaux n’est pas toujours possible et dépend du type d’élevage. Comme l’explique Paul Auffray, éleveur de porcs dans les Côtes d’Armor et président de la Fédération nationale porcine, «un élevage de porcs français consomme 1000 à 1500 tonnes d’aliments par an, sur des structures agricoles de 50 ha en moyenne alors que pour parvenir à l’autonomie alimentaire, il nous faudrait 200-300 ha de céréales et de protéines». Pour cette filière qui peut subir des variations brutales des coûts de l’aliment, la priorité reste l’équilibre économique.
Ce qui n’est d’ailleurs pas contradictoire avec des objectifs environnementaux : «en travaillant sur l’efficacité alimentaire, on a amélioré l’indice de consommation tout en réduisant les apports d’azote de 20 % et les apports de phosphore de 20 %», ce qui a aussi amélioré la rentabilité des exploitations, poursuit l’éleveur. Avec l’agrandissement des exploitations, la culture de céréales pour l’alimentation des animaux se développe dans les élevages porcins. En revanche, «sur des petites surfaces, c’est difficile de mettre en place un modèle de rotation des cultures cohérent», explique Paul Auffray. «J’ai voulu faire du pois protéagineux, de la féverole, etc., c’était la cata ! J’avais des pois superbes, mais il suffit d’un épisode de pluie pour laisser la moitié des pois dans les champs», témoigne-t-il. L’autonomie n’est donc pas un objectif atteignable dans les prochaines années, d’autant plus que certains composants restent indispensables, comme le soja pour les truies et porcelets. En élevage laitier, la problématique est plus simple mais des contraintes subsistent. Si le marché est en demande de lait issu de vaches alimentées à l’herbe, et que les surfaces sont davantage disponibles que pour l’élevage porcin, «être producteur d’herbe est bien plus compliqué qu’être producteur de maïs», souligne Pascal Ferey, éleveur laitier et président de la Chambre d’agriculture de la Manche. La culture est en effet très sujette aux aléas climatiques. Sans compter que le parcellaire ne se prête pas toujours au pâturage des animaux. «Pour autant, est-ce que l’on va autoriser le réaménagement foncier pour le favoriser ?», demande Pascal Ferey, incertain. Enfin, les exigences sociétales ne doivent pas éclipser l’importance de bonnes conditions de travail pour l’agriculteur : quand les vaches sont au pâturage, il faut aller les chercher à 5 h00 du matin, «parfois sous une pluie battante», rappelle Pascal Ferey. De même, l’absence de recherche et d’investissement pour favoriser la culture des légumineuses rend l’exercice plus difficile pour les agriculteurs. «Les agriculteurs ont le droit eux aussi d’avoir une vie sociale, une vie de famille, les citadins doivent le comprendre», estime David Gouache. On ne peut donc qu’espérer que le futur Plan Protéines sera plus efficace en la matière que ses nombreux prédécesseurs. Car «il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de soutien de partenariats public-privé pour installer durablement ces espèces dans le paysage», rappelle le directeur adjoint de Terres Inovia.