Tradition
Un train pour l’histoire
L’association Flotescale vient de réussir son pari de conduire un train de bois depuis Clamecy, jusqu’aux bords de Seine. Renouant avec une tradition morvandelle qui a alimenté Paris en bois de chauffage pendant plus de trois siècles.
«Il n’y a point de génie sans un grain de folie» Nul doute qu’Aristote aurait apprécié à sa juste valeur le pari fou que vient de vivre la bande de passionnés réunis au sein de l’association nivernaise Flotescale. Née en 2011, elle s’est donnée pour objectif de contribuer au développement touristique du pays des flotteurs, en organisant des manifestations valorisant le passé patrimonial de Clamecy et sa région. Dernière en date et sans doute la plus spectaculaire : remonter les eaux de l’Yonne puis de la Seine, à bord d’un train de bois long de 72 mètres, réplique de ceux qui ont alimenté la capitale en bois de chauffage de 1550 jusqu’au milieu du 19e siècle. Une reconstitution historique, entamée le 6 juin à Clamecy et qui s’est achevée le 5 juillet dernier, avec la traversée de Paris par le train de bois jusqu’au port de Boulogne. Du jamais vu depuis 1877, année du dernier convoi à quitter la Cité des flotteurs pour la capitale.
C’est le 20 avril 1547, qu’a accosté le premier train de bois en provenance de Châtel-Censoir. Réservées à la chasse, les forêts royales étaient alors inexploitables et le «bois de chauffe», seul combustible connu, manquait cruellement aux Parisiens. Les forêts morvandelles constituaient une réserve sans pareil, avec l’avantage d’être reliées à la capitale par deux rivières, l’Yonne et la Seine, et leur réseau d’affluents. Le début d’une aventure qui a duré plus de trois siècles et a connu son apogée au début du 19e siècle, lorsque plus de 700 000 stères de bois arrivaient annuellement jusqu’à Paris.
Des trains de 150 tonnes guidés par 2 hommes seulement
Le voyage était loin de ressembler à un long fleuve tranquille… Coupés à l’hiver, les bois étaient revendus à la Toussaint suivante, où on les martelait de la marque de leur propriétaire. Des bûches de 3 pieds 6 pouces (1,14 m), acheminées jusqu’à Clamecy via les ruisseaux du Morvan et la rivière Yonne ou jusqu’à Vermenton, par la Cure. Conduites et surveillées par les «poules d’eau», surnom donné aux hommes qui, armés de leur picot, empêchaient les bouchons de se former. Dûment triées et empilées, elles étaient entreposées à Clamecy où étaient construits les trains de bois. Des radeaux longs dans un premier temps de 36 m, accouplés bout à bout aux environs d’Auxerre, pour constituer au final un train de 72 m, avec 200 stères de bois, qu’il allait falloir acheminer à bon port sur plus de 250 km. Un périple accompli en moyenne en 11 jours. Avec à la manœuvre, 2 hommes seulement, équipés de simples perches, pour 150 tonnes transportées ! Le flottage de bois de chauffage était spécifique à la région, raconte Bernard Claire, de l’association Flotescale : « tous les autres étaient des bois d’œuvre, à l’image des bois d’épicéas, que l’on conduisait à partir de la Loue, jusqu’à Toulon, pour y faire des mâts de bateau… » Le dernier train quittera Clamecy en 1877 et le flottage de bûches perdues cessera en 1923 : «l’arrivée du chemin de fer et le canal du Nivernais, inauguré en 1841, ont concurrencé l’activité, mais c’est surtout l’arrivée de nouveaux combustibles pour chauffer les foyers et les fours, comme le charbon, qui ont signé son arrêt de mort…»
De Paris à Clamecy à pied, en 4 jours
L’équipe de Flotescale, aidée par six jeunes dans le cadre du service civique, a renoué avec l’aventure, trois semaines durant. Un périple rythmé par une quinzaine d’escales, où à chaque ville étape, étaient organisées expositions et animations. Le risque en moins, la sécurité en plus : «pas moins de sept demandes d’autorisation en préfecture ont été déposées…» Avec parfois des exigences surprenantes : «comme lorsqu’on nous a demandé de rajouter une échelle de corde pour remonter à bord en cas de chute ! A moins de la lester, difficile à installer !» Quant à l’arrivée sur Paris, très réglementée elle aussi : «nous avons réussi à obtenir un créneau exceptionnel de 8 h à 10 h, juste avant la mise en route des bateaux-mouches…» Une traversée de la capitale qui ponctue une aventure humaine et un travail de mémoire de près de cinq ans. La réalisation d’un rêve pour cette bande de passionnés qui ont su porter haut et fort les couleurs du Morvan Nivernais. Seul accro à l’histoire, le retour des compères à leur point de départ : «à l’époque, les flotteurs redescendaient à pied à Clamecy en quatre jours, en faisant étape à Saint-Mammès, Joigny et Auxerre, à raison de 50 km par jour…» Les mauvaises langues racontent même que chemin faisant, au gré des estaminets et tavernes rencontrés, leur paie fondait comme bûche dans la cheminée… Une bûche du Morvan bien sûr !
C’est le 20 avril 1547, qu’a accosté le premier train de bois en provenance de Châtel-Censoir. Réservées à la chasse, les forêts royales étaient alors inexploitables et le «bois de chauffe», seul combustible connu, manquait cruellement aux Parisiens. Les forêts morvandelles constituaient une réserve sans pareil, avec l’avantage d’être reliées à la capitale par deux rivières, l’Yonne et la Seine, et leur réseau d’affluents. Le début d’une aventure qui a duré plus de trois siècles et a connu son apogée au début du 19e siècle, lorsque plus de 700 000 stères de bois arrivaient annuellement jusqu’à Paris.
Des trains de 150 tonnes guidés par 2 hommes seulement
Le voyage était loin de ressembler à un long fleuve tranquille… Coupés à l’hiver, les bois étaient revendus à la Toussaint suivante, où on les martelait de la marque de leur propriétaire. Des bûches de 3 pieds 6 pouces (1,14 m), acheminées jusqu’à Clamecy via les ruisseaux du Morvan et la rivière Yonne ou jusqu’à Vermenton, par la Cure. Conduites et surveillées par les «poules d’eau», surnom donné aux hommes qui, armés de leur picot, empêchaient les bouchons de se former. Dûment triées et empilées, elles étaient entreposées à Clamecy où étaient construits les trains de bois. Des radeaux longs dans un premier temps de 36 m, accouplés bout à bout aux environs d’Auxerre, pour constituer au final un train de 72 m, avec 200 stères de bois, qu’il allait falloir acheminer à bon port sur plus de 250 km. Un périple accompli en moyenne en 11 jours. Avec à la manœuvre, 2 hommes seulement, équipés de simples perches, pour 150 tonnes transportées ! Le flottage de bois de chauffage était spécifique à la région, raconte Bernard Claire, de l’association Flotescale : « tous les autres étaient des bois d’œuvre, à l’image des bois d’épicéas, que l’on conduisait à partir de la Loue, jusqu’à Toulon, pour y faire des mâts de bateau… » Le dernier train quittera Clamecy en 1877 et le flottage de bûches perdues cessera en 1923 : «l’arrivée du chemin de fer et le canal du Nivernais, inauguré en 1841, ont concurrencé l’activité, mais c’est surtout l’arrivée de nouveaux combustibles pour chauffer les foyers et les fours, comme le charbon, qui ont signé son arrêt de mort…»
De Paris à Clamecy à pied, en 4 jours
L’équipe de Flotescale, aidée par six jeunes dans le cadre du service civique, a renoué avec l’aventure, trois semaines durant. Un périple rythmé par une quinzaine d’escales, où à chaque ville étape, étaient organisées expositions et animations. Le risque en moins, la sécurité en plus : «pas moins de sept demandes d’autorisation en préfecture ont été déposées…» Avec parfois des exigences surprenantes : «comme lorsqu’on nous a demandé de rajouter une échelle de corde pour remonter à bord en cas de chute ! A moins de la lester, difficile à installer !» Quant à l’arrivée sur Paris, très réglementée elle aussi : «nous avons réussi à obtenir un créneau exceptionnel de 8 h à 10 h, juste avant la mise en route des bateaux-mouches…» Une traversée de la capitale qui ponctue une aventure humaine et un travail de mémoire de près de cinq ans. La réalisation d’un rêve pour cette bande de passionnés qui ont su porter haut et fort les couleurs du Morvan Nivernais. Seul accro à l’histoire, le retour des compères à leur point de départ : «à l’époque, les flotteurs redescendaient à pied à Clamecy en quatre jours, en faisant étape à Saint-Mammès, Joigny et Auxerre, à raison de 50 km par jour…» Les mauvaises langues racontent même que chemin faisant, au gré des estaminets et tavernes rencontrés, leur paie fondait comme bûche dans la cheminée… Une bûche du Morvan bien sûr !