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Zone herbagère

Un système naisseur-engraisseur multiperformant

Trois années d’expérimentation sur la station Ferm’inov de Jalogny (Saône-et-Loire) permettent de dresser un premier bilan technique et économique solide d’un système naisseur charolais conduit en double période de vêlage, avec engraissement des femelles. 

Par Cédric Michelin
Un système naisseur-engraisseur multiperformant
Ferm'Inov
Le système d’élevage de Ferm’inov repose presque exclusivement sur l’herbe. Grâce à une valorisation optimisée des prairies, la quantité de concentrés distribuée n’est que de 370 kg/UGB/an en moyenne dont 30 % dédiés à l’engraissement des femelles.

En juillet, Jérémy Douhay, chargé d’études à l’Institut de l’élevage (Idele), est venu à Jalogny, en Saône-et-Loire, pour confirmer la viabilité et la pertinence d’un système fourrager fortement herbager, faiblement consommateur de concentrés, valorisant les prairies naturelles. Il repose sur un troupeau de 172 UGB, avec 100 vêlages par an répartis sur l'automne (septembre-octobre) et l'hiver (janvier à mars). Cette organisation permet de répartir les ventes sur l’année : broutards nés en hiver vendus à l’automne, broutards d’automne commercialisés à contre-saison (juin), et génisses ou vaches de réforme engraissées et sorties à 30-33 mois. Les performances techniques sont bien maîtrisées. En 2024, les taux de réussite au vêlage atteignaient 93 à 98 % selon la période, avec des taux de mortalité pré-sevrage autour de 5-6 %, en ligne avec les seuils du réseau d’élevage Charolais Inosys. Le recours à l’intelligence artificielle (IA) avec synchronisation des chaleurs est pratiqué sur les vêlages d’automne, tandis que les vêlages d’hiver reposent sur la monte naturelle. Un levier important est expérimenté : l’abaissement de l’âge au premier vêlage à 30 mois, amorcé fin 2024 sur des génisses de 21 mois à 570 kg vifs. Les premiers vêlages sont attendus pour ce mois d'août ou septembre.

Valoriser l'herbe

Le système repose presque exclusivement sur l’herbe. La SAU de 202 ha est composée à 90 % de prairies naturelles. Les surfaces cultivables sont limitées (10 à 15 ha), et le chargement oscille entre 0,9 et 1 UGB/ha de Surface fourragère principale (SFP). Les récoltes d’enrubannage et de foin fournissent 2,8 à 3 t MS/UGB/an, avec une stratégie de constitution de stocks de sécurité (15 %) pour faire face aux aléas climatiques. Une segmentation qualitative de l’enrubannage permet d’optimiser les rations selon les besoins zootechniques. Les fourrages de haute valeur nutritive (12 % du stock) sont destinés aux jeunes génisses et aux femelles à l’engraissement. Ceux de qualité intermédiaire ou basse (69 %) sont réservés aux animaux moins exigeants (vaches gestantes, génisses de renouvellement). La quantité de concentrés est fortement réduite : 370 kg/UGB/an sur 2024, dont 30 % dédiés à l’engraissement des femelles. Ces concentrés sont des céréales (orge) et du tourteau de colza. En parallèle, Ferm’Inov est intégré au programme de recherche Proscor pour le suivi de l’efficience protéique. Le ratio d’efficience protéique nette atteint 1,43, ce qui signifie que 96 % des protéines consommées ne sont pas en concurrence avec l’alimentation humaine. La part de viande produite à partir de ressources totalement autonomes (sans concentrés) atteint 88 %, contre 79 % en moyenne dans le réseau Charolais.

Une voie femelle optimisée

Sur la voie femelle, plusieurs conduites d’engraissement sont testées. L’itinéraire basé sur un enrubannage précoce (récolté à 800 degrés jour) permet de supprimer totalement l’apport de tourteau de colza. Avec 10 kg MS/j d’enrubannage de qualité + 5 à 6 kg d’orge aplatie, les performances sont au rendez-vous : croissances journalières de 1 200 à 1 300 g/j, carcasses lourdes (420 à 450 kg pour les génisses, 500 kg pour les vaches), conformations et états d’engraissement optimaux (note 3). En conjoncture actuelle, ce mode d’engraissement permet d’économiser environ 300 kg de concentré et de réduire les charges alimentaires de 50 €/vache finie par rapport à une ration classique « foin + concentrés », au prix d’un surcroît de récolte d’herbe (200 kg MS).

+ 40 euros par broutard

Sur la voie mâle, l’expérimentation porte sur les broutards nés à l’automne, vendus à huit-neuf mois autour de 400-420 kg vifs. L’objectif est d’atteindre 1 300-1 400 g de GMQ sous la mère en limitant la complémentation. Un pâturage tournant à cinq parcelles permet d’optimiser les croissances tout en réduisant de 70 à 100 kg le volume de concentré distribué par veau. Les marges s’en ressentent : + 30 à 40 € par broutard non complémenté au pâturage. En 2024, le système a commercialisé 58 tonnes de viande vive (101 animaux), pour un poids moyen de 583 kg vifs, à 3,38 €/kg. La production brute atteint 370 kg/UGB, le taux de finition 31,7 %, et la marge bovine s’établit à 777 €/UGB (+ 164 € par rapport à 2022-2023). Les charges restent contenues : paille (137 €/UGB), concentrés (126 €/UGB), frais vétérinaires (77 €/UGB). Enfin, sur le plan environnemental, l’empreinte carbone est maîtrisée à 10,3 kg éq. CO2/kg vif, en baisse par rapport aux précédentes études conduites sur le site (11,6 à 11,8 kg éq. CO2/kg). Ce bon résultat s’explique par la forte valorisation des prairies, la réduction des intrants, l’efficacité globale du système, le stockage de carbone par les prairies permanentes et les 24 km de haies de la station, permettant de compenser jusqu’à 50 % des émissions. Ces premiers résultats confirment qu’un système naisseur-engraisseur charolais, organisé autour de l’herbe, peut répondre aux enjeux de performance technico-économique, d’autonomie, de durabilité et aux attentes sociétales.