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Marché au cadran de Moulins-Engilbert

Un rendez-vous incontournable

Le marché au cadran de Moulins-Engilbert met en vente, chaque année, près de 50 000 bovins et plus de 20 000 ovins. Chaque mardi matin les éleveurs sont sur le pied de guerre dès 5h. Un seul objectif : vendre leurs bêtes au meilleur prix.
Par Céline Clément
Un rendez-vous incontournable
La salle des ventes historique, construite en 1983, accueille des acheteurs français et étrangers, qui font grimper les enchères depuis leur pupitre.
Ce mardi matin, 8h, la chaleur n’a pas encore entamé la belle énergie des quelque 200 éleveurs arrivés depuis trois heures déjà. Sur le marché au cadran de Moulins-Engilbert, comme chaque semaine, l’effervescence est au rendez-vous. Ici, pas de temps mort. Dès 5h, les éleveurs s’empressent d’inscrire leurs animaux, munis de leur passeport sanitaire. C’est un peu la douane des bovins. «Ce contrôle des animaux est obligatoire», précise Philippe Martin, président de la Sicafome. «Le passeport indique le numéro de l’animal, son sexe, sa race, sa date de naissance, le numéro de cheptel et le statut sanitaire de l’animal. C’est ce petit bout de papier qui permet à l’animal de circuler». Toutes ces informations sont enregistrées et seront ensuite diffusées sur le tableau des ventes en gage de traçabilité. De leur côté, les acheteurs viennent récupérer leur numéro de pupitre. Là encore, ils doivent être munis d’un précieux sésame, obligatoire pour la vente : la garantie bancaire. «C’est la base du marché cette garantie», souligne Philippe Martin. «Et on paye comptant. Les vendeurs sont payés le jour même par virement bancaire et la Sicafome reçoit la somme sous 14 jours». Une garantie de paiement qui vaut au marché sa bonne réputation. «Autrefois les éleveurs repartaient avec un chèque mais cela comportait un risque. Par le passé on a connu des acheteurs qui ont fait faillite et qui ont laissé des bêtes impayées. Or, on ne peut se permettre aucun faux pas».

Pas le moindre faux pas
Le marché, en effet, draine un public considérable. Entre les éleveurs, les acheteurs qui viennent pour certains d’autres pays Européens, Italie et Allemagne en tête, mais aussi de simples spectateurs, venus savourer un moment d’échange et de convivialité. C’est le cas de Guy Verrier, un éleveur à la retraite qui ne perd pas une miette du spectacle. Dans la deuxième salle des ventes, ouverte en 2008 afin de répondre au joli succès rencontré par le marché, il échange avec Michel Lebel. Venu avec cinq vaches, celui-ci est un habitué présent chaque mardi. «Ici on discute entre hommes, on a pas les femmes sur le dos», plaisantent les deux compères. Au centre de leur discussion : le travail, les cours, la chasse... et bien sûr, la crise. Celle-ci est bel et bien sur toutes les lèvres, on ne peut y échapper. «Aujourd’hui les cours ont baissé par rapport à la semaine dernière», constate cet éleveur venu de l’Allier. Je suis venu avec 12 broutards mais je vais repartir avec un lot de 7 invendu. Depuis trois ans c’est difficile. Les cours ne suivent pas. Ce sont les débouchés qui font la concurrence et ceux-ci se réduisent en peau de chagrin». Un constat sans appel que partage Philippe Martin. «Depuis 2, 3 ans les cours baissent inexorablement. Avec l’embargo russe, c’est la catastrophe. Et la FCO qui a fermé la Turquie, c’est plus de débouchés pour nous». Restent, quelques gros acheteurs italiens comme Indal. L’importateur, présent sur tous les marchés, achète parfois jusqu’à 400 bêtes qu’il stocke à Plancher.

«C’est la saison creuse»
Dans la salle des ventes historique ouverte en 1983, Martial Tardivon, chef des ventes, dresse quant à lui une analyse plus nuancé. La crise est là, certes, mais aussi la saison. En été le marché si prospère faiblit quelque peu. C’est la saison creuse. En véritable chef d’orchestre des ventes, Martial Tardivon imprime le tempo. Mais ce matin, en dépit de tous ses efforts, il fait triste mine. «Ça patine aujourd’hui car la marchandise est de qualité médiocre et ne correspond pas aux besoins des acheteurs. C’est la saison de fin des taurillons et de début des broutards. On attend les broutards de nouvelle saison et jusqu’au 15 août, ce sera comme ça. On a quelques très bons lots et quelques fins de lots âgés, pas assez lourds, qui se négocient difficilement». De plus, le marché vers l’Italie est ralenti en raison des grosses chaleurs. Résultat : «les cours sont chaotiques, c’est difficile de mettre de l’ambiance et d’animer la vente». Et pourtant 769 bovins seront vendus sur les 914 bêtes mises aux enchères. Un chiffre dans la moyenne du marché, qui compte entre 8 et 10% d’invendus à l’année.

Michel Lebel, Gaec du Doué (Donmartin) : «On passe 100% de nos vaches»

«Je viens sur le marché depuis 25 ans. Avant, on vendait en ferme et aujourd’hui on passe 100% de nos vaches. Ça prend du temps, il faut les amener, les préparer. On leur donne un coup de tondeuse pour leur donner un petit cachet. Le matin on se lève à 2 h car on emmène les bêtes en plusieurs fois et on préfère qu’elles passent au début. Le marché permet de voir les cours. Celui qui vend en ferme peut être isolé du marché et certains peuvent en profiter. Ici on discute, on échange, on parle agriculture et chasse.  C’est important pour le monde paysan. Depuis que je fréquente le marché, les prix n’ont pas changé alors que les charges ne font qu’augmenter. C’est de pire en pire pour les agriculteurs. Ce n’est pas tout rose même si on est une bonne équipe dans le Morvan».