Accès au contenu
Tuberculose bovine

Un nouveau palier encourageant est atteint

Pascal Martens, président du Groupement de défense sanitaire de Côte-d’Or, évoque le dossier de la tuberculose bovine et la lutte menée au quotidien contre cette maladie.
Par Propos recueillis par Aurélien Genest
Un nouveau palier encourageant est atteint
Le président du GDS rappelle le travail conjointement mené avec la Chambre d’agriculture, la FDSEA, les JA, la DDPP, le GTV et le Laboratoire départemental.
- Dans quelle situation se trouve actuellement la Côte-d’Or ?
«Le nombre d’élevages bovins nouvellement infectés est en nette diminution au cours des six dernières années. Nous sommes passés de 45 à 5 foyers. Cette année, cinq foyers seulement ont été déclarés, tous dans la zone historique, alors que 85% des bovins ont été dépistés. Ce nombre ne devrait plus beaucoup bouger, c’est donc un résultat encourageant. Les foyers côte-d’oriens représentent aujourd’hui 14% des foyers français contre 38% en 2010. Ces bons résultats ont permis de réduire la zone dans laquelle les cheptels bovins sont soumis à un contrôle annuel en passant de 347à 285 communes. Cette évolution favorable a donc été pleinement prise en compte par les gestionnaires de ce plan de lutte avec une diminution de la pression du dépistage annuel. Cela nous a aussi permis d’assouplir les règles de gestion des élevages en suspicion, permettant de réduire le nombre d’abattages sanitaires de plus de 900 bovins en 2013 à moins de 500 aujourd’hui. Cependant, le fait que des cheptels se contaminent plusieurs fois au cours du temps continue de nous préoccuper. Les recontaminations sont de véritables catastrophes pour les éleveurs. Nous en avons trois cette année».

- Comment faire pour ne plus avoir de recontaminations ?
«La thématique retenue lors de notre dernière assemblée tournait autour de cette question. Que voulons-nous faire aujourd’hui : rester à plus ou moins cinq foyers ou réellement en finir avec la tuberculose bovine ? Les mesures actuellement prises au niveau de la faune sauvage et de l’environnement ne nous permettent pas de retomber à zéro. Pour y arriver, nous demandons, dans l’attente de l’aboutissement des travaux de recherche en cours pour le développement de vaccins pour les espèces sauvages, à ce que les terriers de blaireaux positifs soient enfin détruits, et que les terriers dépeuplés soient a minima traités avec des répulsifs afin d’éviter leur recolonisation. Il nous faut aussi un arrêté sur la circulation du gibier et une refonte de la gestion des parcs de sangliers. A cet égard, la déclinaison locale de l’arrêté ministériel du 7 décembre 2016 sur la surveillance et la lutte contre la tuberculose   dans la faune sauvage doit permettre de passer sur un dispositif mieux structuré et mieux coordonné avec les acteurs cynégétiques. La profession demande aussi à être écoutée sur les méthodes de maîtrise du risque lié aux zones humides au moyen d’aménagements appropriés. En parallèle, la profession travaille sur le parcellaire, mais il serait tout de même beaucoup plus facile d’attaquer le mal par sa racine... Les solutions que nous proposons pourraient nous permettre de parvenir à une maîtrise totale et durable de cette maladie. Cela fait l’objet de discussions permanentes avec la Chambre d’agriculture, la FDSEA et les JA avec qui nous travaillons conjointement pour faire avancer le dossier. Je rappelle au passage deux motions prises lors de notre assemblée : nous voudrions préserver l’antériorité des droits à prime pour un élevage passant à l’abattage sélectif, avec la possibilité de se reporter à l’année n-1. Aussi, nous voulons que les prés évalués à risque, concernés par des recontaminations, reçoivent des bêtes destinées à la boucherie, et que celles-ci soient indemnisées pour compenser d’éventuels manques à gagner résultant de la réorganisation du mode d’élevage».

- Un sujet de discorde tend à vous opposer à d’autres courants politiques. Qu’en est-il ?
«Trois cheptels n’ont pas écouté les préconisations de la DDPP, du Groupement technique vétérinaire et du GDS.  Au final, ils ont dû passer en abattage total. Les critiques sont parties de là. Je rappelle que notre élevage est rigoureux, que la Côte d’Or est droite dans ses bottes. Les OPA de Côte d’Or représentées majoritairement par la Chambre d’agriculture, la FDSEA, les JA et le GDS mettent en avant de manière prioritaire l’intérêt collectif et non l’intérêt individuel. Il faut bien faire la distinction. La profession travaille sur le statut de la Côte-d’Or, parfois au détriment de quelques personnes. Le but numéro 1 est bien d’assainir les cheptels contaminés, mais il faut le faire en étant garant des autres exploitations. Je rappelle aussi que nous avons décroché une dérogation nationale pour mettre en place l’abattage partiel en 2009. Il en a été de même pour l’utilisation de l’interféron gamma, la création d’une cellule scientifique d’épidémiologie et le travaux de recherche sur la faune sauvage d’une part, et l’impact de la contamination du milieu naturel par  les myobactéries d’autre part. L’évolution de la situation et la rigueur de notre gestion sont surveillées de près par la DGAL qui est garante de la préservation du statut national de pays officiellement indemne de tuberculose bovine. Je l’ai dit et redit : nous n’avons pas le droit au laxisme. L’abattage sélectif, on nous l’a donné car on a cru en notre sérieux. En Côte-d’Or, on peut juste regretter une perte de temps due à des démonstrations scientifiques qu’il a  fallu effectuer. Les Ardennes ont mis trois ans pour éradiquer la tuberculose bovine de ses terres : ce département s’est servi de notre expérience et du même plan que nous. C’est la preuve que nous sommes dans la bonne direction. Aujourd’hui, il ne nous manque certainement plus beaucoup de choses pour éradiquer la maladie. Je suis persuadé que nous pouvons la faire disparaître sur du court terme au vu des résultats encourageants obtenus à ce jour».

La rigueur s’impose pour confirmer les progrès accomplis

Les règles d’assainissement des cheptels bovins déclarés infectés de tuberculose doivent être appliquées de manière scrupuleuse.
En effet, l’assainissement d’un foyer doit être rapide pour permettre d’éliminer les animaux infectés et donc potentiellement contagieux, permettant ainsi de prévenir la contamination  des autres cheptels bovins, de la faune sauvage et du milieu naturel, qui constituent également des vecteurs potentiels de la tuberculose bovine. À l’heure actuelle, 21 cheptels déclarés infectés sont en cours d’assainissement. Lorsqu’un nouveau cheptel est déclaré infecté, il peut être assaini par deux voies :
- l’abattage total, qui constitue la règle commune imposée depuis 2003 par arrêté ministériel. Dans ce cadre, tous les animaux du cheptel foyer doivent être abattus dans un délai de 30 jours.
-l’abattage sélectif, qui a été pratiqué jusqu’en 2003, et qui s’est montré efficace pour baisser la prévalence de la maladie qui était alors  très présente. L’abattage sélectif a de nouveau été autorisé, à titre expérimental en Côte d’Or et en Dordogne en 2010, par dérogation à la règle commune d’abattage total, sur autorisation individuelle du directeur de la DDPP. En effet, ce mode d’assainissement n’est pas possible dans tous les cheptels. Si l’exploitation est estimée capable de suivre ce protocole et si l’exploitant l’accepte, avec les avantages et les inconvénients liés, alors un protocole opérationnel est signé entre l’administration (DDPP21) et l’éleveur bénéficiaire de la dérogation.
La quasi totalité des foyers actifs à ce jour a pu bénéficier du régime de dérogation à l’abattage total pour assainir leur cheptel. Un comité départemental de suivi des foyers, composé de la DDPP21, la Draaf, du GDS21 et du GTV Bourgogne-Franche-Comté, se réunit à une fréquence trimestrielle pour évaluer l’avancement et l’efficacité des moyens mis en œuvre dans chaque foyer bovin.
Il a ainsi pu être constaté que certains foyers ayant bénéficié du régime de dérogation par abattage sélectif ne parvenaient pas à assainir leur cheptel dans un délai raisonnable (12 à 18 mois) au regard des impacts sanitaires et  économiques.
Sur la base du bilan collégial dressé lors des comités de suivi des foyers, la DDPP peut donc être amenée à prendre contact avec les exploitants des élevages en situation défavorable pour leur signifier la nécessité d’interrompre le protocole d’assainissement par abattage partiel.
C’est dans ce contexte qu’au cours des deux dernières années, 5 foyers ont été réorientés vers un abattage total.

Cette gestion rigoureuse peut certainement paraître pénalisante à l’échelle individuelle pour les éleveurs, notamment ceux dont le troupeau avait atteint un haut niveau génétique et zootechnique, mais elle s’avère indispensable à l’échelle collective pour poursuivre l’assainissement de la tuberculose bovine. La volonté partagée est de conserver ainsi une gestion des foyers proportionnée à une évaluation du risque réalisée au cas par cas.