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Tondeur de moutons:

Un métier, une passion

Patrick Buisson est l’un des quatre Côte d’oriens qui exercent l’activité de tonte chez les ovins. Rencontre.
Par Aurélien Genest
Un métier, une passion
L’utilisation d’une poignée de tonte, avec ses peignes et contre-peignes, demande une grande dextérité.
Agriculteur à Magnien dans le canton d’Arnay-le-Duc, Patrick Buisson développe depuis 32 ans une activité de tonte de moutons, en supplément de son travail à la ferme. Le Côte d’orien approche aujourd’hui la barre des 700 000 moutons tondus depuis le début de sa carrière. [I]«C’est une passion qui est née à mon retour de l’armée»[i] raconte l’agriculteur, [I]«à l’époque, j’avais moi-même des Southdown. Nous tondions les animaux sur des tables : il fallait les monter, les tenir... Je trouvais ça particulièrement difficile. Un jour, j’ai appris que certaines personnes pratiquaient par terre et j’ai voulu essayer. J’y ai pris goût et commencé d’aller tondre chez d’autres éleveurs»[i].
De 5 000 moutons tondus à ses débuts, Patrick Buisson a atteint un pic annuel de 30 000 unités il y a encore peu de temps, pour redescendre aujourd’hui aux environs de 25 000, suite à la baisse du nombre de troupes dans le département. Le Magniénois enlève la laine à 20, 25, 30 voire parfois 35 moutons à l’heure. [I]«Cela dépend du type de laine et de la période de l’année»[i] confie le tondeur, [I]«aujourd’hui par exemple, ce n’est pas forcément facile : les bêtes ne sont pas encore retournées au pré et l’état de la laine s’en ressent»[i]. Si la tonte est une activité [I]«très physique»[i] selon ce spécialiste, [I]«la technique doit toujours l’emporter»[i]. Dans la pratique, le tondeur dispose l’animal de façon qu’il se [I]«laisse aller, sans trouver d’appuis pour qu’il puisse se relever»[i]. Le mouton reste ainsi tranquille et libre de ses mouvements. [I]«Il savoir contrôler la bête. Ce n’est pas toujours facile, surtout quand on a de gros béliers ! Mais cela s’apprend avec le temps»[i] ajoute Patrick Buisson.

[G]Généralités sur la tonte[g]
La laine du mouton est une fibre dont la pousse est continue. Un mouton non tondu se retrouverait enveloppé dans un cocon de laine feutrée, sale, humide et moisie. En été, les moutons se portent mieux avec moins de laine. Au dessus de 10°C, un mouton fraîchement tondu et en bonne santé n’a pas froid, à condition qu’il ne soit pas mouillé ou en plein vent. Si la tonte est utile à l’homme, (récolte d’une matière première naturelle), elle est surtout une condition du bien être animal et est indispensable à la bonne santé du mouton. Après la tonte, les bêtes sont plus propres, plus légères et plus dynamiques. La tonte stimule l’appétit des brebis et des agneaux et augmente la vigueur des béliers. La tonte peut être considérée comme un acte d’hygiène vétérinaire qui évite l’apparition de parasites externes (tiques, myiase, gales, mélophages....). La tonte de l’arrière train, ou écussonnage, soulage l’animal des parties crottées. Tondre les brebis avant l’agnelage permet à l’agneau de trouver plus facilement les mamelles et lui évite de téter en vain des mèches de laine. La brebis tondue se met à l’abri du vent et du froid et protège mieux ses petits. Elle mange avec plus d’appétit, ce qui lui permet de produire plus de lait. L’éleveur diagnostique mieux l’état de santé de ses animaux quand ils sont tondus. Le fait d’être tondu gagne de la place en bergerie et à la mangeoire. Les manipulations (tri, prises de sang, vaccinations, taille des onglons, sortie de bergerie...) sont plus aisées et moins risquées (risque d’étouffement).

«La laine ne vaut plus rien !»

Patrick Buisson possède une facture datant d’octobre 1909. «C’est un marchand de moutons qui l’a retrouvée et me l’a donnée. Un coup d’œil vaut le détour !» note Patrick Buisson, qui analyse le document : «un éleveur avait fait appel à une entreprise de matériaux de construction. Il avec acheté 1 700 tuiles pour sa toiture, 48 liteaux, 22 faitières et deux sacs de ciment. Il en avait pour 259 francs à l’époque. Pour abaisser la facture, l’éleveur avait vendu 59 kg de laine à ce même entrepreneur. Un kilogramme de laine valait 3 francs et la facture avait baissé de 177 francs. Avec la laine d’une dizaine de brebis supplémentaires -soit environ 35 ovins, quelqu’un pouvait donc se payer une toiture» en déduit Patrick Buisson. «Aujourd’hui, le prix de la laine, que nous envoyons en Chine pour le textile, varie de 0,80€ à 1€. A raison de 2kg par mouton, la laine de 35 animaux reviendrait à maximum 70 euros. Je ne suis pas certain que l’on puisse refaire une toiture avec ce montant... Il faudrait demander un devis !» lance Patrick Buisson, qui poursuit : «avant, on faisait de l’argent avec de la laine, aujourd’hui, c’est devenu un produit qui ne vaut plus rien ou presque. L’utilisation du pétrole s’est développée après la première guerre mondiale et les fibres textiles se sont multipliées».