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Méthanisation

Un débat explosif

Le projet d’implantation d’une unité de méthanisation à Malay-le-Grand, porté par deux jeunes céréaliers du Sénonais fait débat auprès de la population de la commune et les échanges ont été vifs lors de la réunion organisée ce lundi soir, dans le cadre de l’enquête publique.
Par Dominique Bernerd
Un débat explosif
La salle poylvalente était comble pour ce rendez-vous avec la population.
E xploitants céréaliers à Saint-Clément, en périphérie de la ville de Sens, Vincent Jouan et Frédéric Bonnet ont réfléchi dès 2011, à l’opportunité de créer une unité de méthanisation pour valoriser les sous-produits agricoles et autres déchets. Suivis depuis 4 ans dans leur démarche par le cabinet NCA Environnement, spécialisé dans l’accompagnement de ce type de projets, ils sont parvenus aujourd’hui au stade de l’enquête publique devant conditionner l’autorisation ou non de construire et d’exploiter. C’est dans ce cadre que s’est tenue lundi soir, en la salle poylvalente de Malay-le-Grand, une réunion pour échanger sur le sujet avec la population, en présence notamment des deux jeunes agriculteurs et du sous-préfet de l’arrondissement, Hervé Doutez.

Des sous-produits en provenance d’un rayon de 10 km
Le biogaz produit est prévu, une fois traité, être réinjecté dans le réseau de gaz naturel du secteur et le digestat issu du process, être épandu sur 18 communes environnantes, soit une surface globale de 1000 ha. L’unité devrait faire rentrer en moyenne 30 tonnes de déchets/jour (l’équivalent de deux bennes agricoles). Des matières issues de fumiers de chevaux, de déchets végétaux (tontes, pailles, menues pailles…), ainsi que de déchets issus de l’industrie agroalimentaire. Avec la volonté affichée, souligne Vincent Jouan, «d’aller chercher tous nos sous-produits, à proximité de l’unité, dans un rayon de 10 km…»
La production annuelle estimée du digestat, se répartit entre 6400 m3 de produits liquides, «stockés dans une lagune étanche et recouverte par une géo membrane», et 2000 tonnes de déchets solides, «stockés sous bâtiment fermé afin d’éviter que les odeurs se dispersent…». Le trafic routier induit par l’unité de méthanisation, devrait, selon le cabinet NCA, générer le passage quotidien, en moyenne, de deux camions. Un chiffre porté à dix camions/jour en période d’épandage (55 jours/an). Par ailleurs, le biogaz produit, représentera, selon ce même Cabinet, «l’équivalent de la consommation en chauffage de 460 foyers de 100 m2, ou de 340 véhicules circulant au gaz, économisant dans le même temps, l’équivalent d’un peu plus de 1600 tonnes de CO2…».

«Pourquoi en face de chez moi… ?»
Autant d’atouts énoncés qui n’ont semble t-il pas convaincu l’assistance, en majorité, des habitants de la commune, violemment hostiles pour la plupart, au projet. Les échanges ont été vifs, s’apparentant plus souvent à une «guerre des tranchées» plutôt qu’un véritable débat. Autant de questions formulées, comme des certitudes, face à une présentation jugée trop «complaisante», du projet. A l’image de ce premier intervenant, venu avec une liste de questions aussi longue que la défiance portée sur le principe de méthanisation : «local fermé dites-vous ? Avez-vous pensé aux mouches…! Un projet de 800 K€, mais avec quel surcoût… ? Une formation de 3 jours au démarrage…, un peu court pour diriger une usine à gaz ! Quand au méthane, il est 25 fois plus dangereux que le dioxyde de carbone ! Vous allez épandre sur des terres dont vous êtes locataires…, qui sera responsable en cas de pollution ? Le propriétaire ou le locataire… ?» Pas toujours facile de trouver dans l’immédiat les réponses pertinentes… Les interventions sont parfois plus directes : «la méthanisation, on n’en veut pas !» Face à ce qui s’est vite apparenté à un dialogue de sourds, le sous-préfet de Sens, Hervé Doutez, a tenté à plusieurs reprises, par des propos fédérateurs, de recentrer le débat : «est-on sur un objet qui apporte de la pollution par rapport à ce qu’on fait avec les méthodes agricoles d’aujourd’hui, ou en apporte t-il moins? Le plan méthanisation vise aussi à ce que l’économie agricole ait moins d’empreinte écologique, au regard de la situation actuelle…. Est-ce que nous voulons une agriculture et des entreprises qui se développent, en étant sécurisées et stabilisées? Bien sûr ! La seule question au fond, que vous avez et qui est légitime, que ce soit sur les méthaniseurs ou les enfouissements de déchets, c’est, «pourquoi en face de chez moi...» !»

La messe est dite !
Difficile d’évoquer le risque zéro, selon Anne-Laure Marco, du Cabinet NCA : «c’est comme si je vous disais, prenez votre voiture demain et vous n’aurez aucun risque d’avoir un accident» Principal risque potentiel après la pollution et les nuisances sonores et olfactives, évoqué par les habitants de la commune : celui de l’explosion accidentelle. En réponse, ce chiffre évoqué par la même personne à la tribune : «depuis 1997, en Allemagne, six accidents ont été répertoriés sur plus de 7000 unités installées…» Pas de quoi rassurer cette habitante, qui voit en outre dans le process, «le risque que n’émergent des bacilles botuliques, responsables d’empoisonnement mortel et qui ne se développent qu’en milieu anaérobique (ndlr : sans oxygène), comme dans un digesteur. Comment allez-vous gérer cela?» Pour cette autre personne, venue en voisin et croisée à la sortie de la réunion, par delà les questions évoquées au cours de la soirée, il en est une, majeure à ses yeux et non abordée : « de combien ma maison sera dépréciée lorsque je voudrais la vendre, une fois l’unité de méthanisation construite?» La messe est dite !