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Assurances

Trop cher ou pas… ?

Acteur majeur du secteur assurantiel agricole, Groupama Paris Val de Loire va devoir payer un lourd tribut cette année, suite aux différents aléas climatiques ayant frappé le département
Par propos recueillis par Dominique Bernerd
Trop cher ou pas… ?
Champ de colza déruit à 100% par la grêle, sur les hauteurs de Chitry, suite à l’orage cataclysmique du 27 mai dernier
Si depuis de nombreuses années, ont été créés des produits spécifiques en matière d’assurances, pour répondre aux attentes des exploitants confrontés de manière de plus en plus récurrente aux aléas climatiques, la souscription à de tels contrats est encore loin d’être généralisée en milieu agricole. À l’image du département, où seulement 20% des exploitations icaunaises ont adhéré à ce type de contrats. Rencontre avec Philippe Renoux, Président de la fédération départementale des caisses locales et administrateur national à Groupama Paris Val de Loire et Jacques Blanchot, directeur de l’antenne auxerroise.

- Combien «pèse» le département de l’Yonne en matière d’assurance, au sein de Groupama PVL ?
Ph. R. «Pour cette année, nous comptons 160 376 ha d’assurés en grandes cultures, pour plus de 6 millions € de cotisations enregistrées en 2015 et 1 175 contrats MRC (Multi Risques Climatiques) souscrits, sur les 8 000 que totalise la Caisse sur l’ensemble de son territoire. Au total, 184 millions € de capitaux assurés en grandes cultures, pour 33 millions € en vignes»

- Et en terme de sinistres, quel sera le montant de la facture pour le département ?
«Sur l’ensemble de Groupama Paris Val de Loire, on en était hier soir (ndlr : mardi 2 août), à 51 millions €, dont 17 millions € pour l’Yonne, vignes comprises. Mais je suis certain qu’on va dépasser les 60 M€ pour l’ensemble du secteur et les 20 M€ pour le département, eu égard au fait que les maïs ne sont pas encore comptabilisés. Un chiffre qui a son importance : l’Yonne représente aujourd’hui à elle seule, 30% des sinistres, alors qu’au niveau des cotisations, nous ne représentons « que » 6 millions €, pour un global à la région de 30 M€. Et le problème est récurrent depuis une dizaine d’années. Le constat est factuel sans que pour autant nous ayons des explications, météorologiquement parlant, sinon d’être situés au cœur d’un arc ouest/est particulièrement vulnérable…»
Jacques Blanchot : «L’événement climatique sera sans doute l’un des risques le plus difficile à gérer dans le futur, tous secteurs confondus. Quand on lisse les chiffres sur 10 ans, l’Yonne est le seul département du secteur Paris Val de Loire, à dépasser les 100%. Tous aléas confondus, on en est à une moyenne décennale, entre 2006 et 2015, de 118%, là où la moyenne générale est de 80% pour l’ensemble du territoire Groupama PVL. Et encore ! Si on refait un calcul portant de 2007 à 2016, on peut d’ores et déjà annoncer un chiffre approchant 142% pour notre département»
Philippe Renoux : «Pour autant, même si l’on est cette année face à un sinistre d’une telle ampleur que le montant des remboursements sera le double de celui des cotisations, la maison n’est pas en péril pour autant et il faut rester serein, le système de réassurance de Groupama permettant d’assurer sans problème le paiement et la pérennité du système… Mais il faut savoir qu’aujourd’hui, dans le groupe, l’agriculture ne représente plus que 25% du portefeuille et que nous avons des comptes à rendre aux autres secteurs…»

- Considérez-vous le nombre d’exploitants assurés trop faible ?
«Ce qu’il faut que les gens comprennent, c’est que l’assurance Multi Risques Climatiques, ce n’est pas quelque chose que l’on amortit, c’est une charge qu’il faut accepter, un peu le principe de la ceinture de sécurité, qui ne sert à rien dans 99% des cas, à l’exception du jour où l’accident arrive. Trop de gens aujourd’hui, ne sont pas assurés et cela me fait un peu peur... Si on prend l’exemple du secteur grandes cultures, les assurés le sont, moyennant 38 € de l’ha en moyenne, avant subvention, pour un capital par hectare de 1 200 €, toujours en moyenne, sur la ferme Yonne. C’est moins cher qu’un désherbage…»

- Seriez-vous favorable à un système assurantiel obligatoire ?
«J’y suis tout à fait favorable, de sorte d’avoir une assiette la plus large possible. À nous la profession de changer, d’être volontariste en la matière et de jouer le jeu. Et si on s’y met tous, les pouvoirs publics ne pourront que suivre. À un haut niveau, ça doit causer en ce moment, parce que là, ils sont en train de ramasser les morceaux, mais va bien falloir reconstruire un jour…»

- Autre sujet d’actualité : les maïs, avec là aussi, des rendements qui ne seront pas au rendez-vous
«Les premières déclarations commencent à nous arriver. Se pose le problème des cultures hors délai. Nous avons accepté une dérogation jusqu’au 15 juin, même chose en ce qui concerne les resemis, mais par contre, pour tout ce qui vient après, la culture sera tout simplement non assurée. On ne peut pas assurer une culture 70 q/ha alors qu’on sait en la semant, qu’elle n’aura que 5 ou 10 q/ha de potentiel. Et dans ce cas là, tous ceux qui n’ont pu semer, se verront rembourser leur cotisation.»

- Énormes dégâts dans les vignes cette année, mais pour autant, peu de viticulteurs assurés. Trop cher ?
Jacques Blanchot : «Une viticultrice de Chablis me disait récemment qu’en gros, le montant de la prime par ha, représentait 1 hectolitre de vin. Aujourd’hui, nous assurons 465 ha en contrat grêle seule, à 40% de seuil, mais sans franchise, pour un capital moyen assuré de 22 237 €. Statistiquement parlant, ce capital coûte 487 €, soit un taux de 2,19%... Il ne viendrait à l’esprit d’aucun automobiliste, de ne pas contracter une assurance pour un véhicule acheté plus de 20 000 € !»

- Pour quand les premiers paiements consécutifs aux sinistres ?
Philippe Renoux : «Une fois terminé l’enregistrement des déclarations et reçu les rapports des experts. Dès la 3e semaine d’août partiront les premiers paiements, avec l’ambition affichée, que tout soit réglé au 30 septembre. Le directeur général, Eric Gelpe, s’est engagé à mettre en place des équipes supplémentaires pour cela, si nécessaire. Pour le maïs bien sur, ce sera plus tard, car à cette date, les expertises ne seront pas encore toutes connues…»