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Crise agricole

Tout un pan de l’économie icaunaise touché

Par delà sa dimension purement agricole, la crise traversée par les exploitations touche aussi l’ensemble des acteurs de la sphère économique. Une situation alarmante qui a conduit le président du Conseil départemental, André Villiers, à réunir les acteurs concernés pour dresser un état des lieux.
Par Dominique Bernerd
Tout un pan de l’économie icaunaise touché
Une réunion sous l’égide du président du Conseil départemental, André Villiers.
Signe de la gravité de la situation, les bancs de l’hémicycle départemental étaient combles ce lundi, pour cette réunion organisée à l’attention des acteurs économiques de la filière agricole. C’est tout le secteur amont qui aujourd’hui souffre de la crise née de la catastrophe climatique du printemps dernier, comme l’a rappelé dans son discours introductif, le président Villiers : «toutes les entreprises qui travaillent pour et avec l’agriculture du territoire sont affectées par la crise. Une carence financière à l’échelle du département, qui a ou aura des retombées et plonge tout un secteur dans de profondes difficultés».

Il y a urgence, souligne le président de la Chambre d’agriculture Etienne Henriot : «ce qui nous inquiète tous, c’est le premier semestre 2017 et l’obligation pour les agriculteurs d’atteindre la prochaine récolte. J’espère que tout le monde en est bien conscient». Un sentiment partagé par le président de la FDSEA de l’Yonne, Francis Letellier, pour qui : «un agriculteur, principalement dans le monde de l’élevage, fait travailler directement ou indirectement, sept personnes et on va pouvoir pointer ça du doigt rapidement, compte tenu du désastre que cela va occasionner dans les campagnes». Avec cette question en toile de fond : «comment aujourd’hui mettre un grain en terre ou inséminer une vache, si demain on ne sait pas comment on va la vendre et quelle marge on aura au bout ?»

«Que faut-il faire ?»
Parmi les filières directement impactées, celle du machinisme agricole, dont le chiffre d’affaires à l’échelle départementale est de 190 millions, pour environ 500 salariés dont une cinquantaine d’apprentis. L’horizon 2017 est sombre, comme l’a rappelé Stéphane Bonfillou, dirigeant d’une société installée à Toucy : «nos carnets de commande en ce moment sont en baisse de 80, voire 90 % et les soucis en trésorerie sont bien là, car nos clients commencent à avoir du mal à nous payer, qu’il s’agisse du SAV ou de la partie magasin».

Un état des lieux au niveau de l’Yonne a déjà comptabilisé 150 comptes client bloqués et au sein des concessions, la gestion du personnel devient compliquée, avec des horaires hebdomadaires revus à la baisse. Responsable d’une enseigne dans l’avallonnais, Sébastien Sureau a fait ses comptes : «j’ai 800 000 € dehors et sur cette somme, il y a 30% de gens qui doivent de l’argent au delà de 3 ou 4 mois. On essaie de trouver des conciliations, mais cela devient de plus en plus difficile». à cela se rajoute pour le jeune entrepreneur, une diminution drastique de son carnet de commandes, de l’ordre de moins 60 %. Un autre concessionnaire s’interroge : «remplir les ateliers pour des gens qui ne paieront pas la facture, je ne sais pas si c’est la bonne solution… On paie nos mécanos, on paie nos fournisseurs, on emprunte aux banques, mais on va droit dans le mur ! Sans savoir si la collision est pour demain ou après-demain… Que faut-il faire ?»

«Il ne faut pas que l’arbre cache la forêt»
Souvent évoquées dans le débat : les banques. Vice-président de la Caisse régionale de Crédit agricole, Bernard Moissette argumente : «vous savez bien que règlementairement, les banquiers sont soumis à des règles financières très encadrées et on ne peut pas mettre en place des lignes n’importe comment».

Dans l’Yonne, ils sont à ce jour près de 200 exploitants à avoir demandé le dispositif d’année blanche mis en place par la banque sociétaire. Autre problématique soulevée par le représentant du groupe Soufflet : «alors que nous sommes prêts à accompagner nos clients, obligation leur est faite avec la Loi de Modernisation économique, de nous régler à une date précise». Le phénomène conjoncturel de la crise est amplifié par un problème structurel, selon le président de 110 Bourgogne, Gerard Delagneau : «il ne faut pas que l’arbre cache la forêt. La question que nous devons nous poser tous ensemble, c’est quelle rentabilité demain pour les exploitations situées sur nos grandes zones et quel avenir pour l’agriculture telle qu’on la connaît aujourd’hui ?» Appelant de ses vœux à voir étendu le système assurantiel pour les exploitants qui ne seraient pas encore couverts : «il faut que l’on permette aux agriculteurs de s’assurer dans de bonne conditions, que ce soit sur le revenu ou le chiffre d’affaires. Quitte à changer le système en s’appuyant sur les fonds 2e pilier de la Pac. Aujourd’hui, on sait qu’il y a de l’argent qui repart à l’Europe». Présent également, le directeur de l’établissement auxerrois Groupama PVL, Jacques Blanchot, rappelle le contexte : «même si l’assurance ne fait que dédommager financièrement parlant, sans remplacer pour autant les parts de marchés et les clients, elle permet de payer le machinisme agricole ou les intrants pour la culture suivante».

Une enveloppe départementale d’1 million €
Transformateurs, coopératives, filière viticole, MSA, Centre de gestion… Tous ont évoqué les besoins immédiats ou les différents dispositifs mis en place pour enrayer à court terme les effets de la crise. Une crise qui touche également le Service de remplacement, comme l’a expliqué sa présidente, Angélique Roy : «jusqu’alors, on se faisait remplacer en premier lieu pour prendre des congés, venait ensuite le motif de la maladie. Aujourd’hui, on constate une inversion, avec beaucoup plus de maladies et d’accidents. Les agriculteurs sont fatigués mais on est amené à arrêter le remplacement pour certains, faute pour eux, de pouvoir faire face aux factures». Situation similaire à l’antenne Cuma de l’Yonne, souligne son président, Walter Huré : «on constate des impayés pour 2015, voire 2014 et je crains le pire pour cette année». Citant pour exemple cette CUMA importante du département, qui a totalisé l’an passé 90 K€ d’impayés pour un chiffre d’affaires de 340 K€.

à l’heure des conclusions, André Villiers a rappelé que le département pour sa part, cherchait à financer une enveloppe d’1 Million € pour venir en aide à l’agriculture icaunaise. Mais si le dispositif est bien défini sur le papier, reste à le mettre en œuvre avec les moyens qui sont les siens depuis l’application de la Loi NOTRe et rien n’est encore acté. Reste également à forger un lien entre les différentes OPA ou organismes présents ce lundi, pour travailler de concert et éviter la parcellisation des aides ou dispositifs mis en place.

Afin d’éviter notamment, que cette réunion du 28 novembre ne se limite pas au seul effet cathartique ou, pour paraphraser Jean de La Fontaine, «que la montagne accouchâ d’une souris».