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Élevages allaitants

S’adapter à la sécheresse

Un éleveur du Morvan fait part de ses stratégies face au réchauffement climatique.
Par Aurélien Genest
S’adapter à la sécheresse
Étienne Bourge, à Goix, a légèrement décapitalisé son cheptel.
Une sécheresse, encore une. «Ces épisodes climatiques sont de plus en plus marqués depuis un petit moment, c’est inquiétant», confie Étienne Bourge, qui élève 70 vaches charolaises dans le village de Villargoix, près de Saulieu. Le jeune éleveur de 33 ans a déjà procédé à un certain nombre de changements sur son exploitation depuis deux ans. Son cheptel a tout d’abord baissé de huit têtes pour limiter les achats de fourrages. « Ces derniers étaient devenus trop lourds au printemps. Avec moins d’animaux, les besoins sont forcément moins importants. L’idée est d’être autonome, même en cas de sécheresse », mentionne le Côte-d’orien, qui dispose de 145 hectares intégralement en herbe. Une expérience dans des grandes cultures, notamment en triticale, a bien été tentée pour récolter des graines et de la paille, mais sans grand succès : « nous ne sommes pas sur de bonnes terres, le Morvan est granitique. En plus, il faudrait que les parcelles soient drainées. Elles ne le sont pas, ce n’est pas facile ». La dernière récolte de foin a été décevante et conforte Étienne Bourge dans son choix de décapitaliser : « les volumes accusent une baisse de 50 % dans les plus mauvais prés. Heureusement, c’est un peu mieux dans les parcelles de fonds, mais ça ne fait pas l’affaire ». Malgré l’ampleur de la sécheresse de 2018, l’éleveur du Morvan avait pu alimenter ses animaux tout le reste de l’année, jusqu’à la mise à l’herbe d’avril, en limitant les achats extérieurs et en conservant même quelques stocks de la campagne précédente. En guise d’adaptation au changement climatique, l’éleveur décide également de ne plus engraisser ses femelles : « devant les sécheresses à répétition, cela fait près de trois ans que j’ai arrêté, les engraisser me coûtait bien trop cher. Aujourd’hui, je conserve moins longtemps mes génisses, je les vends même en laitonnes. Je valorise également certaines vaches en les vendant pleines ».

Nombreux bénéfices
Avec 70 vaches, Étienne Bourge pense être arrivé à son « rythme de croisière » : « j’ai pu adapter le nombre de bêtes aux places disponibles dans mon bâtiment. Avant, mes génisses restaient dehors alors qu’aujourd’hui, tout le monde peut rentrer. Dans les prés, les vaches sont moins serrées, il y a plus d’herbe disponible, pour le peu qu’il en reste. Pour moi, il y a davantage de souplesse dans le travail. Plus loin que ces avantages, cette adaptation trouve des bénéfices dans les vêlages, la reproduction se passe beaucoup mieux. Je viens de finir d’échographier mes vaches, seules deux sont vides, alors que leur nombre était monté jusqu’à douze il y a encore peu de temps ». L’éleveur développe également les prairies temporaires sur ses terres, à l’image d’un mélange suisse enrubanné début juin sur 4,5 ha : « c’est la première fois que je me testais, le bilan est plutôt satisfaisant pour le secteur avec un rendement de 4 t/ha. J’ai aussi divers mélanges comme du trèfle - ray-grass qui a donné 5 t/ha ». Quelle que soit la météo de ces prochaines semaines, Étienne Bourge prévoit d’ores et déjà de réaliser un sur-semis en septembre dans ses prairies : « l’idée sera de les enrichir, certaines ne donnent plus grand-chose avec les sécheresses que nous connaissons depuis des années. Ce sera également une première pour moi. Des voisins l’ont déjà testé avec succès, je vais m’en inspirer ».

De la sciure de bois
Pour limiter l’utilisation de paille qu’il ne produit pas, Étienne Bourge utilise de la sciure de bois en guise de litière, depuis plusieurs campagnes : « je la récupère dans une scierie à Champeau, cela m’évite de consommer trop de paille durant l’été. La sciure et le raclage deux fois par semaine m’économisent un camion de paille ». Malgré toutes ces adaptations, Étienne Bourge espère la fin de la sécheresse comme tous ses collègues éleveurs : « mes stocks ne tiendront pas si cet épisode s’éternise. Aussi et surtout, dans mon cas, je fais vêler en septembre : si les vaches n’ont pas d’herbe, cela se ressent sur leur lait. Les croissances n’avaient d’ailleurs pas été très bonnes sur les veaux l’automne dernier… J’espère bien éviter de trop complémenter et de devoir acheter de la paille. Un camion à 2 000 euros, c’est mieux si l’on peut s’en priver ».

Usages de l’eau Dix sous-bassins en crise

La sécheresse s’accentue dans le département avec le passage de 5 à 10 sous-bassins en crise. Un renforcement des mesures de restriction est applicable à compter du lundi 5 août.
• Seuil d’alerte : Tille aval-Norges, Ouche amont, Dheune
• Seuil d’alerte renforcée : Saône, Tille amont, Bèze-Albane, Vingeanne, Laignes
• Seuil de crise : Biètre, Cent Fonts, Vouge, Arroux-Lacanche, Seine, Ource-Aube, Armançon-Brenne, Serein-Romanée, Ouche aval, Bouzaise.