FDSEA 89
Rencontre avec un député européen
Député européen candidat à sa succession, Arnaud Danjean, originaire de Saône et Loire était l’invité de la FDSEA de l’Yonne pour un tour d’horizon des questions d’actualité sur l’Europe

[I]«L’Europe, l’Europe, l’Europe… !»[i] On peut, plagiant le Général de Gaulle, sauter sur sa chaise [I]«comme un cabri»[i] et soliloquer longuement sur le sujet… ! La FDSEA de l’Yonne a préféré convier le 23 avril dernier, l’unique député bourguignon au parlement européen, Arnaud Danjean, à participer à une réunion en compagnie d’agriculteurs icaunais, pour une discussion à bâtons rompus sur l’Union Européenne.
Interrogé sur la PAC, Arnaud Danjean a un sentiment mitigé : [I]«d’un côté, on a évité le pire, compte tenu du tableau apocalyptique annoncé il y a cinq ans, où on nous disait que des pans entiers de la PAC allaient être démantelés. Aujourd’hui, on a le sentiment d’avoir un peu réorienté les choses et limité la casse au niveau du budget et surtout, préservé l’essentiel, l’existence même de la PAC. Mais le problème de fond que connaît l’Europe, notamment sur le plan agricole, est de ne plus trouver de dénominateur commun entre les pays qui la composent et la tendance est quand même, à une forme de renationalisation…»[i] Avec pour risque, [I]«d’être tributaire d’arbitrages nationaux qui se passent mal et créent un mécontentement général…»[i] Jugeant l’élargissement à 28 inévitable, le député européen considère néanmoins que tout est allé un peu trop vite : [I]«les deux derniers pays notamment, Bulgarie et Roumanie, n’étaient pas prêts. De la même façon qu’au début des années 80, la Grèce n’était pas prête…»[i].
[INTER]«De la poudre de perlimpinpin»[inter]
Questionné par les agriculteurs présents sur les aides annoncées au 2e pilier, Arnaud Danjean avoue ses craintes: [I]«on nous a un peu vendu de la poudre de perlimpinpin avec cette compensation au 2ème pilier de la baisse des paiements directs. La France va perdre 1 milliard par an sur le 1er pilier, pour regagner la même somme, mais sur les 7 ans à venir ! Ce n’est pas ce que j’appelle une compensation…»[i] D’évoquer également ce qu’il considère comme une dérive du budget rural et agricole vers l’environnement : [I]«ça part dans tous les sens ! On voit bien la tentation de se servir de ce 2ème pilier, pour compenser les pertes de dotation aux régions par l’Etat…»[i]
C’est aujourd’hui une réalité, la France a perdu son leadership en matière agricole au niveau européen, au bénéfice de l’Allemagne, même si ce n’est pas perçu comme tel par l’opinion publique : [I]«on continue à vivre sur le mythe que nous sommes les plus forts et qu’il faut préserver notre modèle à tout prix, mais les Allemands sont devant nous ! Profitant de la souplesse redonnée à chaque pays, pour l’utiliser dans une optique compétitive et économique, là ou nous nous dispersons dans l’environnemental. Production, commercialisation, organisation des filières, ils sont déjà très en amont…»[i] Une fracture qui risque de s’accentuer après les prochaines élections, compte tenu [I]«d’une fragmentation de l’étiquette France faisant que chacun d’entre nous pèsera moins au sein des groupes politiques, là où l’Allemagne construit une forte coalition, s’appuyant à la fois sur la droite et sur la gauche…»[i]
Si l’Europe est au cœur des débats, Arnaud Danjean ne se fait toutefois pas beaucoup d’illusions sur la notoriété rattachée à la fonction de député européen : [I]«En cinq ans, la participation d’élus aux grands journaux TV du soir se compte sur les doigts d’une seule mains ! Et encore ! On y a plus parlé des absences de la famille Le Pen ou de Rachida Dati, que de la PAC… !»[i]
[INTER]«Un élu Européen doit absolument maintenir un lien avec le terrain…»[inter]
[G]- TdB : Votre sentiment sur le TAFTA, traite de libre échanges entre l’Union Européenne et les États-Unis, toujours en discussion, mais qui n’est pas sans soulever des inquiétudes auprès des agriculteurs français
Arnaud Danjean :[g] [I]«Un sujet important, mais sur lequel on joue un peu à se faire peur. A mon avis, ce traité ne se fera pas, même si certains ont intérêt à faire croire le contraire, quitte à le faire passer pour une nouvelle directive bolkestein bis ! Où en est-on ? Les négociations n’ont pas commencé. Les quatre rendez-vous déjà pris n’ont pas même débouché sur un accord délimitant les bases de la négociation, notamment sur le plan agricole. Pour le coup, la Commission Européenne s’est montrée assez ferme sur son mandat de négociation, que ce soit sur le bœuf aux hormones ou le poulet chloré. Nos intérêts offensifs sont pour l’instant toujours présents dans la discussion et dans le même temps, on a pas baissé la garde sur tout ce qui est sanitaire…Des facteurs politiques entre en jeu des deux côtés, avec en novembre prochain, chez nous le changement de Commission et aux Etats-Unis, les élections du Congrès. Pas sur que Barroso parti la nouvelle équipe ait intérêt à négocier ce traité. Cela reste un avis personnel, mais on va constater qu’il est trop complexe et revenir à des négociations de branche. Inutile de se faire peur… Par contre, ce qui m’inquiète plus, c’est le Mercosur (ndlr : Marché Commun du sud pour les hispanophones), aux objectifs certes, moins ambitieux, mais que les Espagnols vont tout faire pour le pousser..»[i]
[G]- Quelle est votre définition d’un «bon» député européen ?[g]
[I]«A mes yeux, c’est celui qui s’efforce, tout en ne réussissant pas toujours, car très compliqué, de maintenir le lien entre bien faire son boulot quand il est à Bruxelles, tout en maintenant un lien «territorial». On me dit souvent : «vous êtes député européen, votre job, c’est de défendre l’intérêt général européen…», mais pour moi, ça ne veut rien dire ! L’intérêt commun d’un maximum de personnes en Europe signifie de déjà bien définir l’intérêt général du territoire que l’on représente. Finalement, c’est la même thématique que pour un élu national, mais à l’échelle au dessus et donc rendu plus compliqué, tant sur le plan logistique que culturel du fait de 28 pays et 24 langues officielles… Un élu européen doit absolument conserver une connection avec le terrain sinon, on voit la dérive : une Europe hors sol, abstraite, lointaine et c’est dans ce cas là que les fonctionnaires prennent le pouvoir ! Où met-on le curseur ? L’intérêt général agricole, il est où ? Le curseur, vous ne pouvez le mettre qu’à condition de savoir ce qui se passe sur le terrain.»[i]
[G]- Si vous deviez avancer ne serait-ce qu’un seul argument, pour inciter les gens à aller voter aux prochaines élections européennes ?[g]
[I]«Rappeler que le Parlement Européen a beaucoup plus de pouvoirs qu’auparavant. On dit même que les deux tiers des lois nationales en sont issues. C’est le seul endroit par rapport à cette Europe tant critiquée, où la voix des citoyens peut-être entendue. Notamment depuis le Traité de Lisbonne, où on est passé d’un rôle de consultation, à un rôle de codécision. L’Europe est devenue un triangle, avec deux organes décisionnaires, le Parlement et le Conseil, tandis que la Commission propose et ça, depuis 5 ans, c’est nouveau. Voilà pourquoi il faut voter ! Surtout ceux qui pestent matin, midi et soir vis-à-vis de l’Europe…»[i]
Interrogé sur la PAC, Arnaud Danjean a un sentiment mitigé : [I]«d’un côté, on a évité le pire, compte tenu du tableau apocalyptique annoncé il y a cinq ans, où on nous disait que des pans entiers de la PAC allaient être démantelés. Aujourd’hui, on a le sentiment d’avoir un peu réorienté les choses et limité la casse au niveau du budget et surtout, préservé l’essentiel, l’existence même de la PAC. Mais le problème de fond que connaît l’Europe, notamment sur le plan agricole, est de ne plus trouver de dénominateur commun entre les pays qui la composent et la tendance est quand même, à une forme de renationalisation…»[i] Avec pour risque, [I]«d’être tributaire d’arbitrages nationaux qui se passent mal et créent un mécontentement général…»[i] Jugeant l’élargissement à 28 inévitable, le député européen considère néanmoins que tout est allé un peu trop vite : [I]«les deux derniers pays notamment, Bulgarie et Roumanie, n’étaient pas prêts. De la même façon qu’au début des années 80, la Grèce n’était pas prête…»[i].
[INTER]«De la poudre de perlimpinpin»[inter]
Questionné par les agriculteurs présents sur les aides annoncées au 2e pilier, Arnaud Danjean avoue ses craintes: [I]«on nous a un peu vendu de la poudre de perlimpinpin avec cette compensation au 2ème pilier de la baisse des paiements directs. La France va perdre 1 milliard par an sur le 1er pilier, pour regagner la même somme, mais sur les 7 ans à venir ! Ce n’est pas ce que j’appelle une compensation…»[i] D’évoquer également ce qu’il considère comme une dérive du budget rural et agricole vers l’environnement : [I]«ça part dans tous les sens ! On voit bien la tentation de se servir de ce 2ème pilier, pour compenser les pertes de dotation aux régions par l’Etat…»[i]
C’est aujourd’hui une réalité, la France a perdu son leadership en matière agricole au niveau européen, au bénéfice de l’Allemagne, même si ce n’est pas perçu comme tel par l’opinion publique : [I]«on continue à vivre sur le mythe que nous sommes les plus forts et qu’il faut préserver notre modèle à tout prix, mais les Allemands sont devant nous ! Profitant de la souplesse redonnée à chaque pays, pour l’utiliser dans une optique compétitive et économique, là ou nous nous dispersons dans l’environnemental. Production, commercialisation, organisation des filières, ils sont déjà très en amont…»[i] Une fracture qui risque de s’accentuer après les prochaines élections, compte tenu [I]«d’une fragmentation de l’étiquette France faisant que chacun d’entre nous pèsera moins au sein des groupes politiques, là où l’Allemagne construit une forte coalition, s’appuyant à la fois sur la droite et sur la gauche…»[i]
Si l’Europe est au cœur des débats, Arnaud Danjean ne se fait toutefois pas beaucoup d’illusions sur la notoriété rattachée à la fonction de député européen : [I]«En cinq ans, la participation d’élus aux grands journaux TV du soir se compte sur les doigts d’une seule mains ! Et encore ! On y a plus parlé des absences de la famille Le Pen ou de Rachida Dati, que de la PAC… !»[i]
[INTER]«Un élu Européen doit absolument maintenir un lien avec le terrain…»[inter]
[G]- TdB : Votre sentiment sur le TAFTA, traite de libre échanges entre l’Union Européenne et les États-Unis, toujours en discussion, mais qui n’est pas sans soulever des inquiétudes auprès des agriculteurs français
Arnaud Danjean :[g] [I]«Un sujet important, mais sur lequel on joue un peu à se faire peur. A mon avis, ce traité ne se fera pas, même si certains ont intérêt à faire croire le contraire, quitte à le faire passer pour une nouvelle directive bolkestein bis ! Où en est-on ? Les négociations n’ont pas commencé. Les quatre rendez-vous déjà pris n’ont pas même débouché sur un accord délimitant les bases de la négociation, notamment sur le plan agricole. Pour le coup, la Commission Européenne s’est montrée assez ferme sur son mandat de négociation, que ce soit sur le bœuf aux hormones ou le poulet chloré. Nos intérêts offensifs sont pour l’instant toujours présents dans la discussion et dans le même temps, on a pas baissé la garde sur tout ce qui est sanitaire…Des facteurs politiques entre en jeu des deux côtés, avec en novembre prochain, chez nous le changement de Commission et aux Etats-Unis, les élections du Congrès. Pas sur que Barroso parti la nouvelle équipe ait intérêt à négocier ce traité. Cela reste un avis personnel, mais on va constater qu’il est trop complexe et revenir à des négociations de branche. Inutile de se faire peur… Par contre, ce qui m’inquiète plus, c’est le Mercosur (ndlr : Marché Commun du sud pour les hispanophones), aux objectifs certes, moins ambitieux, mais que les Espagnols vont tout faire pour le pousser..»[i]
[G]- Quelle est votre définition d’un «bon» député européen ?[g]
[I]«A mes yeux, c’est celui qui s’efforce, tout en ne réussissant pas toujours, car très compliqué, de maintenir le lien entre bien faire son boulot quand il est à Bruxelles, tout en maintenant un lien «territorial». On me dit souvent : «vous êtes député européen, votre job, c’est de défendre l’intérêt général européen…», mais pour moi, ça ne veut rien dire ! L’intérêt commun d’un maximum de personnes en Europe signifie de déjà bien définir l’intérêt général du territoire que l’on représente. Finalement, c’est la même thématique que pour un élu national, mais à l’échelle au dessus et donc rendu plus compliqué, tant sur le plan logistique que culturel du fait de 28 pays et 24 langues officielles… Un élu européen doit absolument conserver une connection avec le terrain sinon, on voit la dérive : une Europe hors sol, abstraite, lointaine et c’est dans ce cas là que les fonctionnaires prennent le pouvoir ! Où met-on le curseur ? L’intérêt général agricole, il est où ? Le curseur, vous ne pouvez le mettre qu’à condition de savoir ce qui se passe sur le terrain.»[i]
[G]- Si vous deviez avancer ne serait-ce qu’un seul argument, pour inciter les gens à aller voter aux prochaines élections européennes ?[g]
[I]«Rappeler que le Parlement Européen a beaucoup plus de pouvoirs qu’auparavant. On dit même que les deux tiers des lois nationales en sont issues. C’est le seul endroit par rapport à cette Europe tant critiquée, où la voix des citoyens peut-être entendue. Notamment depuis le Traité de Lisbonne, où on est passé d’un rôle de consultation, à un rôle de codécision. L’Europe est devenue un triangle, avec deux organes décisionnaires, le Parlement et le Conseil, tandis que la Commission propose et ça, depuis 5 ans, c’est nouveau. Voilà pourquoi il faut voter ! Surtout ceux qui pestent matin, midi et soir vis-à-vis de l’Europe…»[i]