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Mobilisation du 5 novembre

«Remettre l’agriculture à sa vraie place, avec tous les honneurs»

Président de la FRSEA, Francis Letellier revient sur les grandes lignes du rapport d’étape, entre constat et objectifs ciblés, dressé par les FDSEA de Bourgogne, dans la perspective de la mobilisation du 5 novembre.  Une mobilisation qui doit montrer par son ampleur la volonté des agriculteurs de faire sortir l’agriculture du ghetto où on veut l’enfermer. Une manifestation pour prendre les citoyens à témoin et inscrire les revendications et l’action des agriculteurs dans la durée.
Par Propos recueillis par Anne-Marie Klein
«Remettre l’agriculture à sa vraie place, avec tous les honneurs»
«La FNSEA a soulevé huit points essentiels, huit revendications  sur lesquelles il n’est pas question de transiger. Les FDSEA de Bourgogne, la FRSEA et JA se sont attelées à faire un point d’étape avant la mobilisation du 5 novembre prochain. Pour certains points notre détermination a payé et la situation a évolué favorablement, sur l’abandon du péage de transit et l’avance du paiement de la Pac notamment. Sur la restauration collective, certains départements, comme l’Yonne, jouent bien le jeu de l’approvisionnement en produits français, mais en ce qui concerne plus globalement les restaurants et la restauration hors foyer, on n’est pas au bout de nos peines. Avec les GMS non plus on n’est pas au bout de nos peines, la loi Hamon est inopérante en l’état et sans contrôles ni sanctions elle ne sera même pas appliquée. Il faut arrêter le dumping social, quand les GMS comprendront-elles qu’elles sont engagées dans une spirale infernale qui nuira aussi à terme aux consommateurs ? Les centrales qui continuent leur mouvement de regroupement nous emmènent droit dans le mur, au nom d’une conception erronée du pouvoir d’achat, qui va déboucher sur la perte de milliers d’emplois, avec autant de gens qui n’auront plus même plus les moyens de remplir leur caddie».

«Le compte-pénibilité ? Un non sens...»
«Sur ces différents points nos messages passent, mais la mobilisation doit rester particulièrement ferme, car le 5 novembre il s’agit avant tout de prendre date pour que nos actions s’inscrivent dans la continuité jusqu’à ce que nos demandes aboutissent. Il faut que les fonctionnaires et que les élus intègrent une fois pour toute que cet empilement de textes est totalement illisible, inefficace et contre-productif quand les mesures se contredisent. En face de chaque texte on met un contrôleur et face à cette armée, le paysan est seul sur sa ferme, désarmé et démuni devant tant d’imbécillités accumulées. Les exemples sont légions, ainsi le compte pénibilité, un non-sens à supprimer tout simplement parce qu’ingérable, on sera intransigeant la-dessus. Et ce n’est pas en nommant un ambassadeur de l’apprentissage que l’on résoudra le problème de fond des contraintes qui jouent directement contre l’employabilité des apprentis, il faut lever les contraintes à l’apprentissage, c’est tout !
Nous refusons aussi que l’agriculture soit la variable d’ajustement des conséquences économiques des décisions politiques de l’UE. Nous refusons que le premier pilier soit une nouvelle fois amputé pour financer les mesures visant à atténuer les conséquences de l’embargo russe. Piocher dans le fonds de crise c’est honteux et c’est inacceptable. Le premier pilier a assez trinqué et notre agriculture régionale s’en trouvera une nouvelle fois déstabilisée et lésée. Nous exigeons que l’Europe aille chercher ailleurs les fonds destinés à pallier les conséquences de ses choix politiques».

«Pas de revenu, pas de moyens pour investir dans le non productif»
«Autre point sur lequel nous seront intransigeants, les zonages. Les nouvelles dispositions de la directive nitrates ne reposent sur aucune réalité scientifique et agronomique. Nous arrivons à de telles aberrations qu’il faut que les politiques nous disent ce qu’il veulent vraiment comme type d’agriculture. Nous ne pouvons plus travailler dans les conditions qui nous sont imposées, même les bio ne peuvent pas entrer dans les clous. Les MAE sont en l’état inapplicables aussi, que peut-on penser de mesures qui ne pourront intéresser que 5% ses paysans et 10% du territoire ? Où est l’efficacité ? De toute façon les paysans n’ont plus les moyens d’investir dans le non productif, quand le revenu n’est pas au rendez-vous et la production en berne, on ne peut pas attendre de miracles. Arrêtons de pondre des formules qui sont autant de repoussoirs pour des producteurs qui font correctement leur travail et essaie de vivre de leur production».

«A quand une mesure spécifique aux plateaux de Bourgogne ?»
«Que la Région et les autorités administratives s’intéressent plutôt au cas de la grande zone des plateaux de Bourgogne, particulièrement impactée par les aléas climatiques et constamment défavorisée par un faible potentiel de production. Là il faut vraiment faire travailler son imagination pour trouver des compensations spécifiques à ce handicap végétal et agronomique. A moins que certains rêvent de voir les plateaux devenir comme la Sologne, une vaste réserve de chasse largement boisée ?
Le 5 novembre nous voulons largement communiquer sur tout ces sujets et prendre les citoyens à témoin. Par l’ampleur de notre mobilisation nous témoignerons de notre détermination. Et nous dirons aussi fortement que nous ne supportons plus cet état de suspicion permanente. Les élus doivent être attentifs à toutes les agricultures et à tous les agriculteurs, sans esprit de chapelle et avec le même respect du travail bien fait. Les circuits courts ne résoudront pas tout, l’agriculture bio non plus...
La France est belle grâce à son agriculture, mais elle est larguée économiquement, il faut redonner de la compétitivité à cette agriculture sous peine de la voir disparaître de l’horizon national. Depuis la Pac de 1992, l’Europe n’a pas su se doter d’un projet agricole digne de ce nom, la France non plus d’ailleurs. On détricote la Pac en la renationalisant, ce n’est pas un projet, ce n’est pas une ambition partagée. Le seul axe stratégique qui vaille face aux rouleaux compresseurs américain et canadien, c’est la compétitivité et pour cela il faut avoir le courage de remettre l’agriculture à sa vraie place, avec tous les honneurs.»