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Diversification

Réfléchir pour mieux s’en sortir

Deux agriculteurs spécialisés en grandes cultures à Chevigny-Saint-Sauveur se lancent dans un projet maraicher destiné à améliorer les ressources de leur Gaec.
Par Aurélien Genest
Réfléchir pour mieux s’en sortir
Olivier Père et Sylvain Bourguignot, devant leur parcelle dédiée à leur future production de légumes.
«Il fallait vraiment faire quelque chose pour évoluer. Les deux dernières années ont été très difficiles sur le plan économique, avec des prix de vente qui ont à peine couvert les charges de production, malgré des rendements plutôt dans la moyenne. Les soutiens de la Pac sont en chute libre et n’arrangent bien sûr rien du tout» indique Olivier Père. Cet exploitant de 37 ans installé sur une ferme de grandes cultures en pleine agglomération dijonnaise a rapidement fait le constat que l’agrandissement n’était pas une solution envisageable : «la pression foncière est très forte par ici, nous sommes juste aux contours de la ville, il est inutile d’y penser». Installé sur une surface de 214 hectares de colza, blé et orges avec son associé Sylvain Bourguignot, 54 ans, le Côte d’orien n’a pas manqué d’idées ces derniers mois : «j’ai effectivement beaucoup réfléchi. J’ai pensé développer une activité de transport et même entreprendre une démarche pour effectuer des travaux publics. Certains agriculteurs le font dans le département et cela semble plutôt bien marcher. J’ai même envisagé d’aller travailler à l’extérieur de la ferme, j’aurais très bien pu le faire car nous n’avons pas une grande surface pour deux unités de main d’œuvre, alors que certains agriculteurs s’occupent seuls de 250 hectares... J’ai finalement éliminé cette hypothèse car je préférais rester sur place pour tenter de mieux valoriser l’exploitation. La quitter en partie n’aurait pas été une bonne solution. Monter un élevage avec la proximité de la ville a vite été oublié lui aussi, ce n’était même pas la peine en imaginant toutes les contraintes que cela allait engendrer ! L’idée du maraîchage est alors née et nous a vite semblé  intéressante et crédible».

Un hectare pour commencer
Olivier Père et Sylvain Bourguignot ont été séduits par ce projet maraicher, en prenant conscience de plusieurs atouts liés à leur proximité avec la ville : «nous avons plus de 10 000 habitants à seulement quelques mètres de chez nous et même beaucoup plus à moins 10 minutes... Cela représente un potentiel très important de consommateurs. Ces derniers recherchent de plus en plus la proximité, d’où l’idée de créer cet atelier dans lequel les gens viendront eux-mêmes cueillir leurs légumes. Se rendre dans un magasin ou dans une exploitation, ce n’est pas du tout la même chose, nous espérons en tirer profit... Il y a aussi l’aspect pédagogique derrière cela  : il existe plusieurs écoles près de chez nous et notre projet est particulièrement bien perçu par la commune de Chevigny-Saint-Sauveur. Nous verrons si nous pouvons développer d’autres options à l’avenir». Les deux agriculteurs ont décidé de consacrer un hectare à leur nouvelle activité : «cet espace fait partie d’une parcelle de 8 hectares située juste à côté de l’exploitation, ce sont des terres argilo-calcaires sableuses qui devaient recevoir du blé cette année, ces terres noires devraient bien aller pour les légumes. Même si nous croyons dur comme fer en notre projet, nous n’avons pas assez de recul vis-à-vis de la clientèle et nous restons de ce fait assez prudents en ne consacrant qu’un hectare cette première année. Si l’activité marche bien, nous n’excluons pas l’idée d’augmenter cette surface de production, l’étendue de notre parcelle nous le permettra facilement».

Ouverture en mai
Le Gaec du Château s’ouvrira au public en mai prochain pour une première cueillette de fraises. Tomates, haricots, petits pois, aubergines : pas moins de 26 variétés de légumes se succéderont dans l’année dans le but d’avoir «tout le temps quelque chose à proposer». En ce qui concerne la communication, les deux exploitants miseront dans un premier temps sur le bouche-à-oreille. Olivier Père envisage la diffusion de plusieurs flyers à Chevigny-Saint-Sauveur : «ce ne sera pas très important au départ car nous n’avons aucune idée de l’affluence que notre nouvelle activité pourra engendrer. Nous assurerons un plus gros coup de pub si besoin. A l’opposé, nous ne voulons pas que tout soit écoulé dès la première journée... Nous restons très prudents». Sur le plan financier, les deux exploitants devraient sortir un montant d’environ 20 000 euros de leur poche pour cette activité maraîchage, avec l’achat du matériel spécifique dédié à l’irrigation et à la préparation de sol, sans oublier une chambre froide et divers équipements pour accueillir les clients. «A ce titre, nous nous tournons un maximum vers du matériel d’occasion afin de limiter le plus possible les frais. Là, nous revenons de Montpellier où nous avons trouvé une serre cinq fois moins cher que ce que l’on trouve couramment sur le marché» relèvent les deux associés du Gaec du Château.

Accompagnement de la Chambre d’agriculture

Olivier Père est adhérent au GPFL21, le Groupement des producteurs de fruits et légumes de Côte d’Or, appuyé techniquement par la Chambre d’agriculture. «A l’exception de notre petit jardin et la production de quelques tomates chaque année, nous ne nous connaissions guère en légumes !» reconnaît volontiers Olivier Père, rappelant sa future production de 26 variétés qui nécessite indéniablement un certain niveau technique : «le GPFL me permet d’apprendre, voir d’autres maraîchers qui me font progresser. Ils m’apportent leurs expériences. Cette adhésion permet à tous les adhérents de trouver de nouvelles idées». L’adhésion au groupement s’avère même prolifique d’un point de vue économique : «j’ai pu effectuer des commandes d’équipements à des prix défiant toute concurrence. Nous réalisons des achats groupés et cela nous permet d’avoir des tarifs privilégiés». L’assemblée générale du GPFL21 s’est d’ailleurs tenue la semaine dernière à la Maison de l’agriculture de Bretenière. Le président Philippe Marande s’est réjoui d’un nombre croissant de producteurs au sein du groupement et présenté le programme de la nouvelle année : «les essais que nous avons menés durant la dernière campagne se sont avérés fructueux. Les échanges que nous avons eux ont bénéficié à tous et devraient l’être une nouvelle fois en 2016, il n’y a pas de raison. Ensemble, on progresse et avance mieux plus vite !».