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Alysé

Quelles perspectives demain pour le secteur de l'€™élevage ?

Dans le cadre de la «Quinzaine du conseil en élevage», la coopérative Alysé a invité Thierry Pouch, économiste et responsable des études économiques de l'€™APCA, pour une conférence sur le thème «les clés de la réussite économique pour nos filières élevages».
Par Dominique Bernerd
Quelles perspectives demain pour le secteur de l'€™élevage ?
Les professionnels se sont déplacés en nombre pour écouter deux heures durant Thierry Pouch, économiste en charge des études économiques à l'€™APCA, qui a partagé son intervention autour de trois axes : le contexte mondial des filières et la situation des marchés ; les répercussions de l'€™après PAC 2014 sur les exploitations ; le fonctionnement de l'€™observatoire des marges et des prix au travers de l'€™exemple de l'€™élevage bovin.
Une hausse tendancielle combinée à une fluctuation des prix, une exigence sociétale renforcée en matière d'€™environnement, un secteur malmené par la concurrence et la réglementation... «Autant d'€™éléments propices à obscurcir l'€™horizon économique des professionnels de la filière», selon Thierry Pouch, qui s'€™est toutefois gardé de dresser un tableau trop sombre de la situation, soulignant les opportunités qui s'€™offraient en la matière.
Alors que depuis ces dernières années, tous secteurs confondus, la courbe du revenu net d'€™entreprise agricole par actif non salarié a fini par rejoindre celle du revenu disponible par habitant, la situation des éleveurs est très contrastée : «si l'€™on enregistre des redressements concernant les porcs et les bovins lait, la situation est beaucoup plus préoccupante
en bovins viande et ovins.
A 15 000 € de revenus à l'€™année, ce n'€™est suffisant ni pour l'€™activité économique, ni même pour l'€™existence des éleveurs...» La dynamique de la mondialisation apparue au détour des années 80, notamment dans l'€™élevage, se caractérise par des remises en cause de positions acquises depuis plusieurs décennies : «toute la hiérarchie des pays produisant ou exportant des biens agricoles ou alimentaires est en train de se déformer depuis près de vingt ans. De nouveaux concurrents apparaissent, mais aussi de nouveaux débouchés, avec l'€™affirmation de pays émergeants où le niveau de vie augmente et la demande en produits carnés ou laitiers explose...»

[INTER]L'€™Inde : 1er pays exportateur de viande bovine[inter]
Qui aurait pu dire il y a trente ans que trois des six plus gros pays exportateurs de produits alimentaires seraient des pays émergeants. Le Brésil à lui seul étant en passe de dépasser la France : «un pays, à l'€™image de la Chine et de l'€™Argentine, de moins en moins émergeant et de plus en plus émergé...» Et qui fait jeu égal avec les Etats-Unis en matière d'€™exportation de viande.
Une nouveauté : la position de l'€™Inde, devenue en quelques années, 1er pays exportateur de viande bovine, avec 1,68 million de tonnes (estimation 2011) : «oubliez les vaches sacrées ! Il s'€™agit essentiellement de viande de buffle, répondant ainsi à une forte demande du Vietnam, devenu ainsi 4ème importateur au monde de viande bovine». L'€™Union Européenne enregistre pour sa part, une courbe cyclique de ses ventes selon les années. Fédération de Russie, Moyen Orient et Japon sont sur le podium des principaux importateurs mondiaux de viande bovine. Une réelle opportunité selon l'€™économiste : «il y a tout un travail de prospection à mener et il ne faut pas hésiter à dépasser un marché européen d'€™une certaine façon assez saturé, pour tenter plutôt de regarder vers le grand large...»
Même schéma en matière d'€™export de volailles, avec là aussi, deux leaders mondiaux : les à‰tats-Unis et le Brésil, pays qui a connu en à peine 10 ans, une progression fulgurante. Les principaux importateurs de viande de volaille restant le Moyen orient et la Chine, avec chacun, 2,1 millions de tonnes (sources FranceAgrimer et FAO). Les productions françaises sont en difficulté, avec un solde entre export et import, redescendu en 2011 à 172 millions de tonnes.

[INTER]Les produits laitiers sont de plus en plus appréciés des Chinois[inter]
Une bonne nouvelle : les Chinois consomment de plus en plus de produits laitiers ! «Un secteur pouvant constituer pour l'€™UE et pour la France un levier pour une présence renforcée sur les marchés mondiaux». Notamment en ce qui concerne le lait écrémé en poudre, où elle est en position confortable, à plus de 200 000 tonnes, progressant régulièrement depuis plusieurs années. L'€™autre bonne nouvelle étant que les Russes mangent beaucoup de fromages ! «Un marché à prospecter car gigantesque ! Il faut avoir à l'€™esprit que la demande mondiale est en pleine effervescence, qu'€™il y a des mutations, des transitions nutritionnelles qui sont en train de s'€™effectuer dans un certain nombre de pays émergeants et qu'€™ils peuvent constituer là aussi une opportunité pour les produits français...» A l'€™image de la Chine, principal importateur de lait en poudre au monde, mais aussi de l'€™Indonésie, ce qui fait dire à Thierry Pouch que : «la mondialisation, quelque soit la variable prise, c'€™est vraiment un basculement du centre de gravité vers l'€™Asie. Un évènement d'€™importance qu'€™il faut avoir constamment à l'€™esprit...»
En viande porcine, l'€™Union Européenne résiste bien à l'€™export, derrière le leader américain. Et là encore, des opportunités en perspective, avec un marché chinois où l'€™offre ne suffira bientôt plus à combler la demande.

[INTER]Un équilibre à trouver[inter]
Depuis le milieu des années 2000, la tendance haussière des prix des céréales et des oléagineux a de fortes répercussions sur les élevages : alourdissement des coûts de production, revenu en baisse... Avec une question à la clé : cette tendance s'€™inscrit-elle dans la durée ? D'€™autant que rappelle l'€™économiste : «la pression concurrentielle s'€™amplifie depuis la fin des années 90, provenant de Pays tiers, comme le Brésil en viandes, la Nouvelle-Zélande pour ce qui concerne le lait, mais aussi de pays dits «partenaires» de l'€™UE, comme la Hollande ou l'€™Allemagne...» Autre élément important à prendre en compte : «les répercussions que vont avoir les accords bilatéraux de libre échange entre l'€™Union Européenne et le Canada, voire demain peut-être, avec les Etats-Unis... ?»
Quels sont les enseignements et perspectives à tirer de ce contexte ? Les leviers sont multiples : «tendre vers davantage de valeur ajoutée, avoir une dimension qualitative et monter en gamme, mise en valeur de la traçabilité et du savoir faire, avoir un ancrage territorial...»
Avec le risque peut-être, de se retirer ainsi du marché mondial, ouvrant ainsi des opportunités à d'€™autres, face à la demande grandissante en viandes. L'€™équilibre reste à trouver.