Accès au contenu
Seine Yonne

Quelles alternatives au colza pour demain ?

Bien que contrariée par la météo, la visite organisée sur la plateforme d’expérimentation de Sennevoy a connu le succès auprès des adhérents. L’occasion pour la coopérative 110 Bourgogne, de présenter différentes cultures alternatives au colza, aujourd’hui menacé par la problématique altise.
Par Dominique Bernerd
Quelles alternatives au colza pour demain ?
Hervé Martin, présentant des pieds de colza d’un champ voisin, touché par l’altise.
C’est sur les plateformes d’expérimentation de Sergines dans le Sénonais et Sennevoy, en Tonnerrois, que se sont déroulées les différentes visites organisées dans le cadre des «Expérimentales 2016». L’occasion, pour les responsables du service agronomique de SeineYonne, Amélie Petit, Catherine Robillard et Hervé Martin, de présenter différentes filières alternatives et leurs débouchés en perspective, pour remplacer un jour la culture du colza, notamment en secteur plateau de Bourgogne, fortement impacté cette année par les ravageurs d’automne.
Cantonné jusque-là en Poitou Charentes, l’altise d’hiver a fait son apparition dans l’Yonne il y a trois ans, avec pour épicentre le secteur de Nitry et Noyers et depuis ne cesse de se répandre dans tout le département. Calquant son cycle sur celui du colza, il sort début septembre de sa diapause estivale, pond ses œufs au sol, de sorte que les larves envahissent les plantes pour y migrer pendant l’hiver et le printemps, avant de redescendre à l’intérieur des pétioles et des collets pour y effectuer les ravages que l’on connaît. Avec un nombre de vols particulièrement important l’automne dernier, où les relevés effectués tous les 4 à 5 jours ont permis de relever jusqu’à 50 individus par piège. La problématique est d’autant plus grande, que la mise en culture du colza devient de plus en plus compliquée, avec des difficultés d’implantation liées à la fertilité des sols, rappelle Hervé Martin : «la résistance s’installe, avec pour conséquence de voir une famille de matières actives comme les pyrèthres, sans plus aucune efficacité. Conjugué à un phénomène d’absence d’hiver rigoureux depuis trois ans, on se retrouve avec un chiffre astronomique de populations de ravageurs». Nombre d’agriculteurs semblent démotivés aujourd’hui, face à l’ampleur du problème, même si certains leviers peuvent être mis en action, expliquent les techniciens de SeineYonne : «à commencer par la fertilité des sols et le soin apporté à ses amendements organiques. Peut-être faudrait-il également anticiper la date de semis par rapport à l’existant ? Le choix variétal peut aussi avoir son importance». Tout le monde s’accorde autour d’une certitude : il se fera moins de colza à l’avenir dans le département, longtemps pionnier en la matière, aujourd’hui relégué à la 3e ou 4e place nationale pour ce qui est des volumes produits. Toutefois, précise Amélie Petit, «on ne va pas remplacer le tiers de la sole départementale du jour au lendemain et si notre travail est d’accompagner nos adhérents pour trouver de nouveaux débouchés avec derrière des marchés de niche, il faut nous assurer avant tout de leur valorisation. On ne mettra pas en place plus d’hectares qu’on pourra commercialiser».

Plus de 800 ha de lin en production
Ils sont nombreux sur les Plateaux à être en attente de nouvelles cultures, d’où un certain nombre de micro parcelles sur la plateforme de Sennevoy, dédiées à des essais variétaux inédits. Comme le lin d’hiver, pour lequel sont menés différents tests d’itinéraire technique. Entamée il y a trois ans, la culture du lin représente aujourd’hui pour la coopérative 110 Bourgogne plus de 800 ha, pour une production destinée en totalité à la filière animale «Bleu Blanc Cœur», explique Eric Ducornet, responsable du secteur nouvelles cultures à la coopérative : «toutes les surfaces semées sont commercialisées, ce qui permet de donner un prix minimum avant semis, à nos producteurs. Tout part en Bretagne pour extruder la graine de lin et revient chez nous via notre filière Soreal, pour ensuite, être incorporé aux rations alimentaires des animaux. Avec une teneur garantie en Omega 3 pour le consommateur, répondant à un cahier des charges précis». Une filière qui a le vent en poupe, mais, prévient Eric Ducornet, «le lin ne couvrira jamais les 9 000 ha de colza existants. C’est une culture très intéressante, mais qui reste technique avant tout et réclame une application de régulateur à des stades bien précis». Des essais variétaux sont actuellement menés par la coopérative pour déterminer la variété la plus adaptée à la Bourgogne et dès l’an prochain, un programme d’action sera mis en œuvre au plan national, pour augmenter la teneur en Oméga 3 de la plante. Pour l’instant, souligne Amélie petit : «le lin reste une des meilleures alternatives pour l’agriculteur, en terme de rendement, de marge et de gaz à effet de serre. Avec la garantie, par rapport à une rotation classique Colza/Blé/Orge, de s’en sortir, en remplaçant un colza sur deux par du lin».
Parmi les autres espèces travaillées sur la plateforme, la moutarde brune : «300 ha engagés aujourd’hui sur les deux départements. Historiquement, c’est même la culture que l’on mène depuis le plus longtemps à la coopérative, mais elle est très proche de la problématique colza». Plus prometteur : la culture du chanvre, avec là également, 300 ha engagés l’an passé, mais cette année, la collecte risque d’être très affectée par les conditions climatiques désastreuses que l’on a connues ces dernières semaines.

Plusieurs milliers d’ha en perspective
Autre culture à l’essai : l’avoine nue. Une culture bas intrant, sans fongicide le plus souvent, mais la difficulté, rappelle Catherine Robillard, «c’est le désherbage ! Bien pour allonger une rotation mais attention à ne pas la ramener trop souvent car après, peut déboucher sur une problématique importante». Une tentative cette année, avec 40 ha implantés en millet, «une graminée en fin de cycle, qui résiste bien au sec, mais une plante en C4, comme le maïs, le sorgho ou le moha, qui ne lève plus dès qu’il y a absence de chaleur». Une production destinée essentiellement à l’oisellerie, mais aussi, «aux champignonnières, qui se servent du millet pour y mettre des spores de champignons, conditionnés ensuite en sacs de 25 kg pour servir de terreau et réensemencer». Avec également des débouchés alimentaires en boulangerie ou pâtisserie. Un segment assurant une garantie de prix minimum. Concernant le sarrasin (ou blé noir), un nouveau débouché pourrait s’ouvrir, avec une graine entière, destinée à la consommation humaine. Si les essais sont concluants, la culture pourrait passer de dérobée à principale. La demande en vesce avoine et vesce seule reste très importante, mais peu de volontaires pour en cultiver, du fait d’une pollution marquée dans les champs et du mal à s’en débarrasser. Tournesol strié, pois marbré, pois chiche… Autant de pistes, qui, rajoutées aux précédentes, pourraient à terme représenter plusieurs milliers d’ha et compenser pour certains l’abandon du colza.