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Prospective

Quel avenir pour les zones intermédiaires en nord Bourgogne ?

Face aux difficultés techniques et économiques auxquelles est confrontée l’agriculture de la zone intermédiaire du nord de la Bourgogne, avec des rendements et des revenus variables et orientés à la baisse, la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) Bourgogne-Franche-Comté et la Chambre régionale d’agriculture ont commandé et co-financé une étude prospective.
Par Berty Robert
Quel avenir pour les zones intermédiaires en nord Bourgogne ?
Dédier le nord Bourgogne à la production énergétique : une des idées de l'étude commandée par la Draaf et la Chambre régionale d'agriculture.
Son titre est un peu long, mais la réalité à laquelle elle se réfère est complexe et pleine d’incertitudes : l’étude commandée par la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) Bourgogne Franche-Comté et la Chambre régionale d’agriculture s’intitule «L’agriculture dans les zones «intermédiaires» et «à faible potentiel» : difficultés, potentialités et dynamiques à l’horizon 2030 ». 2030, c’est dans dix ans, et c’est demain. On est donc là dans de la prospective bien ancrée dans la réalité déjà vécue par ces zones agricoles du nord-Bourgogne. Le but étant d’identifier les futurs possibles. Oeuvre du Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture, elle s’inscrit dans un contexte bien précis. La zone intermédiaire du nord de la Bourgogne présente des caractéristiques pédologiques peu favorables à l’origine de rendements faibles, et des fragilités diverses (déprise démographique, marché de l’emploi peu dynamique, difficultés d’accès aux services de base, etc.) qui justifient la conduite d’une réflexion stratégique sur le devenir de la région. L’étude en question, qui a mobilisé des acteurs locaux, donne lieux à l’élaboration de cinq scenarii de développement possibles pour l’agriculture locale, qui vont dans des directions parfois diamétralement opposées (voir encadré). Les deux premiers sont les deux extrêmités d’une chaîne de pratiques agricoles mondialisée ou au contraire, hyper-localisée. Le troisième indique clairement qu’une agriculture sans orientation forte, dans l’un des sens précédemment évoqués, ne pourrait perdurer qu’en s’adossant à des activités complémentaires. Le quatrième scénario est assez radical dans son esprit, prônant la conversion de toute la zone à une finalité purement énergétique. Un choix qui peut, aujourd’hui encore, paraître presque provoquant, sur un plan sociétal, mais qui repose pourtant sur une certaine cohérence. Enfin, l’ultime scénario entrevoit un développement en accord avec les préceptes du marketing territorial, sans doute porteur de développement économique mais avec une philosophie sujette à débat, consistant à faire de toute une zone du territoire un poumon vert pour citadins stressés... C’est la grande vertu des études prospectives : elles sont avant tout prétexte à réflexion et à discussions.

Questions sur la rentabilité d’un modèle
Dans le premier scénario, on peut clairement voir une course à l’agrandissement. Ici, la taille moyenne des exploitations dépasserait les 1000 ha. De leur côté, les fermes en polyculture-élevage retrouveraient des marges de manœuvre en contractualisant avec les grandes surfaces, qui chercheraient à développer leur offre en produits locaux. Il s’agirait néanmoins pour le distributeur de s’approvisionner au plus bas coût. La rentabilité des exploitations resterait précaire. Selon l’étude, en 2030, leur nombre pourrait avoir été divisé par trois mais les surfaces agricoles se seraient maintenues. La deuxième option, prévoyant le développement de circuits courts, permettrait aux polyculteurs éleveurs de tirer leur épingle du jeu. Ils vendraient aux particuliers et dans la restauration collective tenue d’augmenter la part des produits locaux dans ses repas. Les collectivités se mobiliseraient en finançant des infrastructures logistiques. Quelques céréaliers prendraient le même chemin mais cela pourrait s’avérer plus compliqué. Très peu resteraient en mono-activité. Globalement, la dynamique des circuits-courts ne suffirait pas à enrayer la baisse du nombre d’exploitations : plus de la moitié d’entre-elles pourraient avoir disparu à l’horizon 2030, et un quart de la SAU se trouverait à l’abandon. Le territoire se redynamiserait grâce au développement de l’accueil à la ferme et du tourisme.

Projets collectifs de production d’énergie
L’hypothèse prévoyant une orientation forte sur la production énergétique ne vient pas de nulle part : sur le nord Bourgogne, plusieurs installations existent déjà en ce sens. Selon le scénario de l’étude, de plus en plus de panneaux photovoltaïques verraient le jour sur les hangars agricoles. Il y aurait en parallèle des projets collectifs de production d’énergie solaire ou éolienne. Les exploitants mettraient aussi à disposition certaines de leurs terres les plus mauvaises. Quant aux polyculteurs-éleveurs, ils développeraient des méthaniseurs en «petits collectifs» impliquant 5 à 10 exploitations. Les coopératives, quant à elles, monteraient des projets plus vastes, autour de cultures intermédiaires à vocation énergétique, qui pourraient mobiliser jusqu’à 200 fermes ! Au final, le nombre d’exploitations pourrait avoir diminué en 2030, mais celles qui se seraient maintenues auraient retrouvé un équilibre économique. Avec le quatrième scénario, c’est la pluriactivité qui prévaudrait, conséquence de marchés mondiaux ne permettant pas une rémunération suffisante. Beaucoup d’exploitants cesseraient leur activité. Ceux qui résisteraient deviendraient pluriactifs. Petite production d’énergie, fourniture de services écosystémiques (stockage du carbone, préservation de la qualité de l’eau, etc.), tourisme, entretien paysager et investissement foncier constitueraient de nouvelles sources de revenus. Cette diversification permettrait en 2030 de conserver un tissu d’exploitations de taille moyenne.

Marketing territorial
Enfin, le cinquième scénario s’appuierait sur la création et la promotion d’une marque territoriale. Ici, des acteurs économiques locaux s’associeraient dans un projet de marketing. L’idée consisterait à viser la clientèle parisienne, en quête de produits respectueux de l’environnement et de relative proximité, mais dont les besoins ne seraient pas satisfaits par l’agriculture du Bassin parisien, largement tournée vers l’export. C’est ainsi que la marque «Sources de la Seine» pourrait être créée. Dans un premier temps, elle se structurerait autour de farines de qualité. Les exploitations produisant les céréales devraient être certifiées Haute valeur environnementale (HVE).

Le scénario imagine qu’en 2025, quelque 300 céréaliers exploitant 20 % de la SAU seraient concernés. La marque s’ouvrirait alors à d’autres productions, notamment le maraîchage, l’élevage.

Cinq pistes très différentes

Scénario 1
Une agriculture industrielle tournée vers l’export, reposant sur de très grandes exploitations, mobilisant du matériel technologique de pointe et une main-d’œuvre peu nombreuse, dans un territoire qui se vide.

Scénario 2
Une agriculture tournée vers le marché local, via des circuits courts et des productions diversifiées, employant une main-d’œuvre importante, parfois précaire en début d’activité mais induisant une relative reprise démographique.

Scénario 3
Une agriculture multi-fonctionnelle faite d’agriculteurs pluri-actifs dont le nombre finit par se stabiliser, qui compensent leurs faibles revenus agricoles par la production de services environnementaux, le développement du tourisme rural, etc.

Scénario 4
Une agriculture résolument tournée vers la production d’énergie verte (méthanisation, éolien, solaire), y compris au travers du photovoltaïque au sol, et au détriment de la production alimentaire, qui n’occupe plus que 70 % de la SAU.

Scénario 5
Une agriculture inscrite dans une démarche territoriale structurée autour d’une marque locale, qui s’appuierait sur un cahier des charges HVE niveau 3 et viserait la clientèle parisienne, au moyen notamment de campagnes de communication.