Quand les sols parlent, l'agriculture écoute...
De quoi sont faits les sols ? D’où viennent-ils ? Comment évoluent-ils ? Pour répondre à toutes ces questions, le Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS) mène sa deuxième campagne. Dans le Jura, comme partout en France, pédologues et techniciens creusent, observent, carottent et analysent pour révéler l’état de santé des sols…

Lancé au début des années 2000 et coordonné par l’Inrae, le Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS) suit l’évolution physique, chimique et biologique des sols agricoles, forestiers et naturels. Tous les 15 ans, les équipes reviennent sur 2 240 points répartis tous les 16 km sur le territoire national, y compris en outre-mer. Certaines zones, notamment en haute montagne ou en Corse, ne sont accessibles qu’à dos de mulet. En Bourgogne Franche-Comté (BFC), 422 sites font l’objet d’un suivi dans ce cadre. Récemment, Morgan Curien et Jean-Michel Antoine, pédologues à la Chambre régionale d’agriculture BFC, étaient dans le Jura, dans une pâture à Mathenay, près d’Arbois, pour ausculter le sol de cette parcelle. « Grâce au GPS, nous revenons exactement au même endroit que lors de la première campagne, au centimètre près, précise Morgan Curien. Cela nous permet de mesurer avec précision les changements intervenus en quinze ans ».
Levier de résilience
Dès le matin, ils ont creusé une fosse pédologique profonde d’environ 1,20 mètre, afin d’exposer pour les étudier les différentes couches du sol. Les pédologues observent la structure, la texture, la porosité, les galeries de vers de terre, les traces laissées par les racines, la forme des agrégats, etc. Les variations de couleur apportent aussi de précieuses informations et révèlent la présence de ferromanganèse, de mâchefer ou au contraire de substrat déferifié. Un test à l’acide chlorhydrique révèle la présence éventuelle de calcaire. Autour de la fosse, 25 carottages sur un mètre de profondeur complètent le diagnostic. Les échantillons sont envoyés dans différents laboratoires pour analyses chimiques (pH, produits phytosanitaires, métaux lourds, polluants industriels, microplastiques), biologiques (ADN de bactéries et champignons) et physiques (granulométrie). Ils rejoignent ensuite le Conservatoire européen des échantillons de sol à Orléans, véritable mémoire des sols français.
Comprendre le sol pour mieux le gérer
« Ces observations nous racontent l’histoire du sol, son origine, mais aussi son évolution depuis des millénaires, explique Morgan Curien. Toutes ces analyses permettront entre autres de déduire la réserve utile en eau, mais aussi sa capacité à stocker du carbone. En général, un sol est composé pour moitié de terre, de 25 % d’air et autant d’eau » Cette deuxième campagne permet de mesurer les évolutions des sols depuis 15 ans. « On retrouve aujourd’hui des polluants et des microplastiques partout, même en pleine forêt ou en haute montagne, alerte Morgan Curien. En zone agricole, nous relevons fréquemment des traces de médicaments provenant principalement des épandages de boues de stations d’épuration ». L’intérêt croissant de la pédologie en agriculture traduit une prise de conscience accrue de la complexité et du rôle central des sols dans la performance agronomique et sa pérennité. Les propriétés physico-chimiques et biologiques conditionnent fortement la productivité d’un sol. Le résultat de l’étude sera envoyé aux exploitants qui ont mis leurs parcelles à disposition, ce qui leur permettra de mieux connaître les terres sur lesquelles ils travaillent : réserve utile en eau, fertilité chimique et biologique, profondeur des éléments nutritifs, etc. Ces informations permettent d’adapter les pratiques culturales pour piloter au mieux, voire améliorer, leur fertilité.