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Evènement

Quand les délais ne «roulent pas plein gaz»

Répondant à l’invitation de la FDSEA de l’Yonne, le préfet Le Deun s’est rendu sur l’exploitation de Christian Rousseau, à Domecy sur Cure. Vitrine du dynamisme de l’agriculture en terme d’innovation et de diversification
Par Dominique Bernerd
Quand les délais ne «roulent pas plein gaz»
Le préfet Le Deun et Christian Rousseau, dans l’atelier de découpe de l’exploitation
Avec le château de Bazoches en toile de fond et l’ombre de Vauban planant sur ses vieilles pierres, la Ferme de Côme domine la vallée de la Cure et le village de Domecy en contrebas. Installé depuis 1996 sur l’exploitation familiale, Christian Rousseau, perpétue une présence remontant à cinq générations. Spécialisé en polyculture élevage allaitant, il exploite aujourd’hui 450 ha, dont les deux tiers en céréales et le reste en herbe. Depuis son installation, il n’a eu de cesse de se diversifier et développer la structure existante. C’est en 2000, suite à la crise de la vache folle qu’il se lance dans une activité de vente directe : [I]«la situation de l’élevage était devenue critique et il fallait réagir vite pour pouvoir conserver le salarié en place. Avec l’aide d’un boucher pour découper la viande, on a décidé de vendre en direct afin de mieux valoriser nos produits…»[i] Le succès aidant, il profite de subventions JA, pour installer sur la ferme un atelier de découpe, construisant quelques années plus tard un poulailler plein air afin d’élargir sa gamme auprès de la clientèle. S’en est suivie l’embauche d’un second salarié, un jeune de la région. L’an passé, 13 tonnes de viande ont ainsi été vendues en direct. Toujours en recherche de nouvelles activités, Christian Rousseau a su profiter en 2011, de l’opportunité des panneaux photovoltaïques pour en installer sur la ferme familiale. Mais première déconvenue face à la réglementation administrative : [I]«notre village est en site classé du Vézelien et on m’a refusé le droit au permis de construire…»[i] Qu’à cela ne tienne ! La ferme ayant pour particularité d’être à cheval sur les deux départements, il s’est tourné vers la commune voisine de Saint-Aubin, dans la Nièvre pour obtenir le précieux sésame. Aujourd’hui, un second bâtiment a rejoint le premier, pour une surface totale de 1000 m2 de panneaux et un investissement global de 600 K€ : [I]«on a voulu avant tout maintenir des emplois, cela a toujours été le but de l’opération. Je ne me voyais pas dire à un jeune de 25 ans, je ne peux plus te payer, maintenant, tu rentres chez toi ! Aujourd’hui, on est fiers des risques pris et d’avoir fait que des jeunes puissent vivre et travailler au pays…»[i]

[INTER]Une unité de méthanisation en terre nivernaise[inter]
Vient à passer le [I]«train de la méthanisation»[i]. Pas question de le rater ! Naissance d’un projet mené conjointement avec Frédéric, agriculteur lui aussi à Domecy-sur-Cure, pour installer [I]«une unité de méthanisation à taille humaine, en autonomie sur nos deux exploitations, avec l’idée d’utiliser la chaleur pour alimenter une partie des maisons du village…»[i] Mais là encore, véto de l’administration, toujours pour les mêmes raisons, le classement en zone protégée : [I]« on a essuyé un refus catégorique, même pour s’installer en lisière du village…»[i] Repli sur la ferme, en [I]«terre nivernaise»[i] et le projet finit par voir le jour de l’autre côté de la [I]«frontière»[i], à quelques dizaines de mètres des bâtiments d’élevage, situés eux, dans l’Yonne. Non sans avoir souffert de certaines [I]«lenteurs»[i] dans l’élaboration : [I]«il nous a fallu pas moins d’un an pour obtenir d’EDF le raccordement électrique, 9 mois, pour être cautionnés par Oséo…»[i] Des [I]«lenteurs»[i] dénoncées par le président de la FDSEA de l’Yonne, Francis Letellier : [I]«une unité de méthanisation n’est autre que la continuité de l’activité agricole, ce n’est pas pire qu’une stabulation pour y mettre des vaches. L’état est incapable de légiférer en ce domaine et on a l’impression d’aller plus vite qu’eux ! Ce qu’il nous faut aujourd’hui : c’est défaire les lois… Le principe de précaution nuit à l’économie, nuit à tout !»[i] Aujourd’hui, l’unité de méthanisation est autonome, alimentée par 8 000 tonnes de matières, dont 3 500 t de fumier (le reste avec de l’ensilage dérobé et de la menue paille), pour une production annuelle de 2 M de kW. Initialement destinée aux habitants du village, la chaleur produite chauffe la maison de Christian Rousseau et sert à [I]«pasteuriser»[i] le digestat et à en déshydrater une autre partie.
[INTER]Une discussion «franche et ferme»[inter]
A bâtons rompus, souvent à fleurets mouchetés, une discussion [I]«franche et ferme»[i] (comme on dit dans les chancelleries !), s’est engagée au cours de la visite entre les professionnels présents et le représentant de l’État dans le département. Les uns dénonçant [I]«trop de rigidité au niveau des sites classés, avec le risque de nuire au développement économique des villages»[i], pendant que le préfet Le Deun défendait l’existant : [I]«Notre travail, c’est aussi de vous donner une garantie juridique. En cas d’accord de l’administration à l’encontre d’une réglementation existante, n’importe quelle personne vous fera annuler votre projet au tribunal ! Et vous savez comme moi que dans ce type de projets, on trouve toujours quelqu’un pour aller devant le juge…»[i] Présent également, le président du Conseil général, également éleveur, André Villiers, a pour sa part affirmé qu’en la matière : [I]«il n’est pas écrit dans la loi de 1930 (ndlr : loi sur les monuments naturels et les sites), qu’un méthaniseur est interdit en site classé, puisqu’ils sont arrivés après la loi. De ce point de vue, la jurisprudence reste à écrire. L’impact d’un méthaniseur, je le répète, n’est pas supérieur à celui d’un bâtiment d’élevage…»[i]
Au sujet des [I]«lenteurs»[i] évoquées, le préfet s’est néanmoins engagé : [I]«j’encourage tout porteur de projet économique à nous saisir. On est conscient de devoir vous aider pour faire accélérer les choses. Je ne dis pas qu’on aura obligation de résultat, mais au moins, peux garantir qu’on améliorera les choses. Faites passer le message…»[i] Dont acte !