Agence de l’Eau Seine-Normandie
Quand les communes perdront la compétence de l’eau
Le Forum organisé à Troyes le 14 juin dernier par la Direction Territoriale Seine-amont de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, avait pour thème cette année : «Nouvelle organisation territoriale : quelles opportunités pour la politique de l’eau ?»
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Quelles sont les conséquences des réorganisations territoriales et des transferts de compétences sur la politique de l’eau ? Quelles stratégies adopter…? Autant de questions qui devront trouver des solutions adaptées aux contraintes et aux contextes locaux.
Comme tout ce qui relève de l’administration en France, la politique de l’eau est d’une effroyable complexité. Pour ne rien arranger, la réforme territoriale engagée par l’Etat suivant trois canaux disctincts (loi Notre (1), loi Maptam (2) et redécoupage des régions), impacte directement la gestion de l’eau. Le forum organisé le 14 juin dernier à Troyes par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN), avait précisément pour objectif de démêler cet écheveau. Étaient présents notamment : François Sauvadet, Président du Comité de Bassin et Président du Conseil départemental de Côte d’Or, Marie-Louise Fort, Député-Maire de Sens, Eric Coquille, Président du Syndicat Mixte du Bassin Versant de l’Armançon et Michèle Crouzet, Vice-présidente du Conseil départemental de l’Yonne et Présidente de la Commission Agriculture, Environnement et Aménagement des Territoires.
Un passage de relais dans 2 ans
Ne tournons pas autour du pot : le sujet est en soi franchement imbuvable, et pour peu que l’on ne soit pas un spécialiste, on n’y comprend goutte. Le profane se perd très vite dans les méandres des sigles et des compétences croisées ou décroisées. Même les initiés avouent y perdre parfois leur latin.
Laissons cependant la parole à l’un d’entre eux, convoqué pour éclairer la lanterne des 140 techniciens, élus et fonctionnaires présents dans la salle : David-Nicolas Lamothe, juriste associé d’APropos, un cabinet de conseil aux collectivités. «Si l’eau n’est pas le sujet central de la réforme, celle-ci apporte de grands changements en matière de répartition des compétences entre les collectivités : les communautés de communes et communautés d’agglomération auront à terme la compétence obligatoire en matière d’eau potable, d’assainissement, de gestion des milieux aquatiques et de préservation de la ressource». La date-butoir pour le transfert de compétences est fixée à 2020, mais les communes sont fortement incitées à passer le relais dès 2018.
Détricotage
Que va-t-il advenir des syndicats existants ? S’ils chevauchent au moins trois intercommunalités, ils continueront d’exister sous forme de syndicat mixte composé uniquement de communautés de communes ou d’agglomération (ce sera le cas du SDDEA dans l’Aube). S’ils ne chevauchent pas au moins trois intercommunalités, ils seront dissous s’il s’agit d’un syndicat intercommunal à vocation unique, ils seront maintenus dans leurs autres compétences s’il s’agit d’un syndicat intercommunal à vocation multiple (nous avons volontairement simplifié le schéma, si l’on peut dire). La mise en œuvre pourra s’avérer «délicate», prévient David-Nicolas Lamothe : «Les dissolutions entraîneront le partage de compétences entre plusieurs EPCI (3) et il faudra “détricoter” l’organisation existante, en particulier pour l’eau potable : réseaux, ouvrages, ressource, etc». D’où au passage l’inquiétude de certains des personnels concernés. Et aussi cette mise en garde de François Sauvadet, président du comité de bassin Seine-Normandie, véritable «parlement de l’eau» à l’échelle du bassin : «Qui dit compétence, dit aussi responsabilité juridique, pénale».
Solidarité entre les territoires
Mais quelle sera l’efficience de cette nouvelle organisation face aux grands enjeux climatiques ? C’est la question que pose en filigrane ce même François Sauvadet, qui est aussi député et président du conseil départemental de Côte d’or : «La question de la sécurité de nos concitoyens et de la prévention devient primordiale à la lumière des récentes inondations, explique l’élu, révélant qu’un «plan d’adaptation du bassin Seine-Normandie au changement climatique» est en cours d’élaboration, «Il faudra une réponse globale et des actions concrètes à court, moyen et long terme, avec des moyens financiers appropriés». Sauf que les ponctions de l’État opérées sur la trésorerie de l’Agence de l’eau amputent de 10 % par an ses capacités d’investissement, alors que, comme l’a rappelé la maire de Sens, Marie-Louise Fort, «l’État ne pourra pas se décharger totalement sur les collectivités territoriales du problème des inondations».
Il en va aussi de la solidarité entre les territoires, rappelle le président du Comité de bassin, prenant pour exemple la question cruciale du renouvellement des réseaux fuyards (autrement dit qui fuient), charge que certaines zones rurales ne pourront pas assumer seules. Pour François Sauvadet, la nouvelle organisation territoriale doit avant tout répondre aux aspirations de la population en termes de prévention des risques, de qualité des eaux et de biodiversité par exemple. L’élu insiste sur la nécessité de communiquer et en appelle à l’organisation de forums associant tous les acteurs afin que «chaque citoyen puisse se réapproprier le sujet de l’eau».
(1) Loi Notre : loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République
(2)Loi Paptam : loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles
(3)EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale. On distingue les EPCI à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomération, etc.) et les EPCI sans fiscalité propre (les syndicats intercommunaux)
Comme tout ce qui relève de l’administration en France, la politique de l’eau est d’une effroyable complexité. Pour ne rien arranger, la réforme territoriale engagée par l’Etat suivant trois canaux disctincts (loi Notre (1), loi Maptam (2) et redécoupage des régions), impacte directement la gestion de l’eau. Le forum organisé le 14 juin dernier à Troyes par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN), avait précisément pour objectif de démêler cet écheveau. Étaient présents notamment : François Sauvadet, Président du Comité de Bassin et Président du Conseil départemental de Côte d’Or, Marie-Louise Fort, Député-Maire de Sens, Eric Coquille, Président du Syndicat Mixte du Bassin Versant de l’Armançon et Michèle Crouzet, Vice-présidente du Conseil départemental de l’Yonne et Présidente de la Commission Agriculture, Environnement et Aménagement des Territoires.
Un passage de relais dans 2 ans
Ne tournons pas autour du pot : le sujet est en soi franchement imbuvable, et pour peu que l’on ne soit pas un spécialiste, on n’y comprend goutte. Le profane se perd très vite dans les méandres des sigles et des compétences croisées ou décroisées. Même les initiés avouent y perdre parfois leur latin.
Laissons cependant la parole à l’un d’entre eux, convoqué pour éclairer la lanterne des 140 techniciens, élus et fonctionnaires présents dans la salle : David-Nicolas Lamothe, juriste associé d’APropos, un cabinet de conseil aux collectivités. «Si l’eau n’est pas le sujet central de la réforme, celle-ci apporte de grands changements en matière de répartition des compétences entre les collectivités : les communautés de communes et communautés d’agglomération auront à terme la compétence obligatoire en matière d’eau potable, d’assainissement, de gestion des milieux aquatiques et de préservation de la ressource». La date-butoir pour le transfert de compétences est fixée à 2020, mais les communes sont fortement incitées à passer le relais dès 2018.
Détricotage
Que va-t-il advenir des syndicats existants ? S’ils chevauchent au moins trois intercommunalités, ils continueront d’exister sous forme de syndicat mixte composé uniquement de communautés de communes ou d’agglomération (ce sera le cas du SDDEA dans l’Aube). S’ils ne chevauchent pas au moins trois intercommunalités, ils seront dissous s’il s’agit d’un syndicat intercommunal à vocation unique, ils seront maintenus dans leurs autres compétences s’il s’agit d’un syndicat intercommunal à vocation multiple (nous avons volontairement simplifié le schéma, si l’on peut dire). La mise en œuvre pourra s’avérer «délicate», prévient David-Nicolas Lamothe : «Les dissolutions entraîneront le partage de compétences entre plusieurs EPCI (3) et il faudra “détricoter” l’organisation existante, en particulier pour l’eau potable : réseaux, ouvrages, ressource, etc». D’où au passage l’inquiétude de certains des personnels concernés. Et aussi cette mise en garde de François Sauvadet, président du comité de bassin Seine-Normandie, véritable «parlement de l’eau» à l’échelle du bassin : «Qui dit compétence, dit aussi responsabilité juridique, pénale».
Solidarité entre les territoires
Mais quelle sera l’efficience de cette nouvelle organisation face aux grands enjeux climatiques ? C’est la question que pose en filigrane ce même François Sauvadet, qui est aussi député et président du conseil départemental de Côte d’or : «La question de la sécurité de nos concitoyens et de la prévention devient primordiale à la lumière des récentes inondations, explique l’élu, révélant qu’un «plan d’adaptation du bassin Seine-Normandie au changement climatique» est en cours d’élaboration, «Il faudra une réponse globale et des actions concrètes à court, moyen et long terme, avec des moyens financiers appropriés». Sauf que les ponctions de l’État opérées sur la trésorerie de l’Agence de l’eau amputent de 10 % par an ses capacités d’investissement, alors que, comme l’a rappelé la maire de Sens, Marie-Louise Fort, «l’État ne pourra pas se décharger totalement sur les collectivités territoriales du problème des inondations».
Il en va aussi de la solidarité entre les territoires, rappelle le président du Comité de bassin, prenant pour exemple la question cruciale du renouvellement des réseaux fuyards (autrement dit qui fuient), charge que certaines zones rurales ne pourront pas assumer seules. Pour François Sauvadet, la nouvelle organisation territoriale doit avant tout répondre aux aspirations de la population en termes de prévention des risques, de qualité des eaux et de biodiversité par exemple. L’élu insiste sur la nécessité de communiquer et en appelle à l’organisation de forums associant tous les acteurs afin que «chaque citoyen puisse se réapproprier le sujet de l’eau».
(1) Loi Notre : loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République
(2)Loi Paptam : loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles
(3)EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale. On distingue les EPCI à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomération, etc.) et les EPCI sans fiscalité propre (les syndicats intercommunaux)