Préserver santé et performances
Quand la température grimpe, le métabolisme des bovins s’affole. Inconfort thermique, chute d’ingestion, baisse de production et troubles de la reproduction : les vagues de chaleur exigent des ajustements précis dans la conduite des troupeaux.

Avec des températures estivales plus longues et plus intenses, les éleveurs doivent composer avec un facteur de stress devenu structurel : la chaleur. Au-delà de 25 °C, et plus encore lorsque l’humidité ambiante est élevée, les bovins entrent en zone d’inconfort thermique. Leur organisme cherche à réguler sa température interne, en réduisant l’activité, en se tenant debout pour maximiser la dissipation de chaleur, ou encore en diminuant l’ingestion. Ce dernier phénomène a un impact direct sur la production de lait, la croissance, et la reproduction. À ce stade, c’est toute la physiologie qui est affectée. La baisse d’appétit compromet l’apport énergétique, lequel est pourtant indispensable à la bonne production des hormones de reproduction (progestérone, LH, FSH). Résultat : chaleurs discrètes, ovulations retardées, follicules de moins bonne qualité, voire mortalité embryonnaire. L’effet cumulé des épisodes caniculaires peut aussi se traduire par des vêlages prématurés, une baisse du taux de gestation ou un allongement de l’intervalle entre deux vêlages.
Plus de confort pour moins de pertes
S’il est impossible d’agir sur la météo, il est heureusement possible d’en atténuer les effets à l’échelle du troupeau. La première ligne de défense concerne les bâtiments d’élevage. Une ventilation efficace, reposant sur l’effet vent ou l’effet cheminée, permet de renouveler l’air intérieur toutes les trois minutes, et donc d’évacuer gaz, poussière et surtout vapeur d’eau (jusqu’à 25 litres par vache et par jour). L’ouverture des pignons, la présence de filets brise-vent, l’orientation du front d’attaque des silos et la suppression des obstacles aux courants d’air permettent d’optimiser ce rafraîchissement naturel. Lorsque cela ne suffit pas, des dispositifs mécaniques peuvent être envisagés : ventilateurs à grande hélice, brumisateurs à fine pulvérisation (en veillant à ne pas mouiller les mamelles) et même matelas refroidissant dans certains élevages à haute densité. En extérieur, les zones de pâturage doivent être équipées d’ombres portées, naturelles (haies, bosquets) ou artificielles (abris mobiles). Ces solutions réduisent significativement le stress comportemental des animaux et favorisent leur retour à l’ingestion.
Eau et ration : deux piliers essentiels
La gestion de l’abreuvement devient cruciale dès que les températures s’élèvent. En période de canicule, une vache peut consommer entre 100 et 150 litres d’eau par jour. Encore faut-il que cette eau soit accessible, propre, à température modérée, et en quantité suffisante. L’emplacement des abreuvoirs, leur débit (au moins 15 à 20 litres par minute) et leur nombre (au moins 10 centimètres linéaires par animal) sont des paramètres à ne pas négliger. À cela s’ajoute l’intérêt de surveiller la conductivité de l’eau et les teneurs en minéraux, notamment en sodium, pour favoriser la buvée. Côté alimentation, la baisse d’ingestion oblige à revoir la stratégie. Il convient d’augmenter la densité énergétique de la ration, sans provoquer d’acidose ruminale. Cela passe par l’introduction de concentrés humides, l’ajout de matières grasses (jusqu’à 3 %), de substances tampon (bicarbonate, lithotamme) et de levures vivantes. Les minéraux ne sont pas en reste : sodium, potassium, magnésium et phosphore doivent être équilibrés pour soutenir l’ingestion et la fonction reproductrice. Pour les exploitations disposant de céréales, un apport ciblé d’avoine permet d’allier énergie et phosphore disponible. La distribution doit elle aussi être adaptée. L’objectif est de maximiser la consommation sur les heures les plus fraîches de la journée. En pratique, cela implique de distribuer la ration tôt le matin ou en fin de journée, voire exclusivement le soir, avec une anticipation de plusieurs jours avant le pic de chaleur. L’humidification de la ration avec un ajout d’eau ou de mélasse peut également améliorer l’appétence tout en abaissant la température de fermentation.
La reproduction en ligne de mire
Le stress thermique agit comme un révélateur des fragilités du troupeau. Il exacerbe les problèmes d’infertilité, les retards de reprise de cyclicité après vêlage, les chaleurs silencieuses, et augmente le risque d’avortements précoces. Des études menées en Espagne et aux États-Unis ont mis en évidence des taux de gestation divisés par deux pendant les mois les plus chauds de l’année. Des pertes d’état corporel supérieures à un point dans le premier mois de lactation retardent significativement la première ovulation. Or plus la reprise de cyclicité est tardive, plus les chances de conception s’amenuisent. Pour y remédier, des stratégies sont possibles. Des apports minéraux ciblés, par exemple, pour pallier aux carences éventuelles en oligo-éléments, vitamines A, D3, E, B1 et bêtacarotène. Enfin, il peut être judicieux d’adapter le calendrier d’élevage en évitant, dans la mesure du possible, que les phases les plus sensibles de la gestation (jusqu’au troisième mois) ne coïncident avec les épisodes caniculaires.