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Vendre du carbone

pourquoi pas vous ?

750 kg, c’est en moyenne la quantité de carbone capté par un hectare de prairie… Toutes nos parcelles, prés ou cultures, captent du carbone. En face de cette « offre », il existe une demande croissante de la part de certains secteurs et entreprises, pour compenser les émissions de gaz à effet de serre que génèrent leurs activités… Sous quelles conditions les agriculteurs peuvent-ils tirer profit de ce marché en construction ? C’est à cette question que répondait la réunion thématique en ligne organisée par la FDSEA pour ses adhérents le 10 décembre.
Par Équipe syndicale FDSEA 58
pourquoi pas vous ?
La vente du carbone est devenue un enjeu majeur pour compenser les émissions de gaz à effet de serre que génèrent les entreprises. La FDSEA est aux côtés des exploitants agricoles pour répondre au mieux à cette demande croissante.
Les sécheresses successives qui ont touché l’agriculture ces trois dernières années nous ont rappelé quel lourd tribut nous avions à payer en cas d’aléas climatiques sévères et récurrents… L’agriculture est la première victime du réchauffement climatique. 
Les données disponibles actuellement et les prévisions font état d’un risque accru, pour notre agriculture, de survenue plus fréquente d’évènements exceptionnels, et d’une augmentation de leur gravité et de leur intensité. L’augmentation des risques sanitaires est aussi une conséquence à anticiper.
Victime, l’agriculture est aussi l’une des causes du réchauffement climatique, en tant que deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre en France. 

De la prise de conscience environnementale aux objectifs politiques
Les scénarios du Giecc (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoient une augmentation de 4 à 8 degrés d’ici 2100. La Cop21 a pris comme objectif de limiter ce réchauffement à moins de 1,5 à 2 degrés d’ici 2100. La captation de carbone (forêt, biomasse, agriculture) s’impose comme l’une des solutions pour éviter ce scénario. La France s’est donc engagée dans une stratégie nationale bas carbone.

La France ambitieuse
La France s’est donné un objectif très ambitieux de neutralité carbone d’ici 2050 (autant de stockage que d’émission), décliné en programmation par secteur d’activité. L’agriculture va triplement participer à l’atteinte de cet objectif, avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la production d’énergie et la captation de carbone. L’Inrae (Institut national de la recherche agronomique) a établi que si l’agriculture augmentait de 4 pour 1 000 la quantité de carbone stocké dans le sol, cela compenserait les émissions du secteur. Actuellement, selon l’Inrae, « les prairies permanentes totalisent un stock élevé (22 %) (...). En raison de l’étendue de leurs surfaces, les prairies temporaires et les grandes cultures contribuent à 26,5 % du stock total, avec une tendance à la baisse ».

La profession s’empare du sujet
Les associations spécialisées du réseau FNSEA et JA, ont créé, en avril 2019, France CarbonAgri Association pour, notamment, faire l’intermédiaire de vente entre producteurs et acheteurs, en établissant les contrats, et également en accompagnant les producteurs et les porteurs de projet. Le réseau a travaillé des méthodes permettant d’attester, à l’échelle de la ferme, des quantités de carbone stocké. En élevage, cette méthode a déjà été approuvée par le ministère de l’Écologie ; pour les cultures, elle est en cours de reconnaissance pour le premier trimestre 2021.

Vendre du carbone…et surtout améliorer sa performance !
Il s’agit, sur une période de 5 ans, de pouvoir attester d’une augmentation de ses capacités de stockage, via un audit en première année et en fin de période. « En élevage laitier, où nous avons un peu plus de recul sur la méthode, on s’est aperçu que quand on travaillait le carbone en particulier, on travaillait la performance générale de son exploitation. Il y a donc un double intérêt qui apparaît nettement : la perspective de vendre du carbone, et aussi celle d’améliorer ses résultats économiques. Et c’est la même chose sur l’allaitant, on constate une meilleure rentabilité de l’atelier » témoigne Emmanuel Bernard, vice-président de l’association France CarbonAgri. Les audits et le suivi technique sont réalisés par les chambres d’agriculture, certaines coopératives… La FDSEA souhaite se constituer porteuse de projet pour accompagner les producteurs intéressés, et répondre aux appels d’offres en concertation avec les partenaires du territoire.

30 euros de la tonne « évitée »
« Aujourd’hui la tonne de C02 évitée est payée 30 euros. Nous avons un regret, témoigne Romaric Gobillot, président de la section bovine de la Nièvre, c’est que ce soit seulement la trajectoire de progrès qui soit monnayable, et non pas l’existant. Il faut bien pouvoir attester, durant 5 ans, que l’on a augmenté ses capacités de stockage et /ou qu’on a réduit ses émissions. Autre condition : la permanence des économies de carbone réalisées ».

Un « passage obligé » ?
La vente de crédit carbone permet donc de valoriser ce qui ne l’est pas aujourd’hui, avec la limite de devoir adapter ses pratiques, mais la certitude d’améliorer ses performances générales. « La France est très volontariste sur le sujet, le niveau d’ambition est énorme et nous laisse penser qu’il sera demandé à l’agriculture de gros efforts, comme aux autres secteurs d’ailleurs… La demande des entreprises et des activités structurellement émettrices de carbone va augmenter ; ce marché-là nous est acquis » conclut Emmanuel Bernard.

On ne délaisse pas le prix !

« Le combat syndical sur le prix est toujours notre fer de lance, le combat syndical porte bien sur la reconnaissance de la valeur de nos produits. Si, en plus de cela, on peut avoir un élément comme le carbone, c’est un bon signe. À la FDSEA, nous avons envie, toujours en gardant l’esprit ouvert et l’intérêt du collectif, de nous approprier le sujet ; d’autres vont s’en emparer alors que c’est à nous que revient la valeur de notre travail. 
Notre boulot syndical, c’est de se battre car 30 euros c’est trop maigre, il ne s’agirait pas de laisser créer un nouveau droit à produire, mais de donner à la captation de carbone et aux pratiques que l’on met en place, leur vraie valeur, leur valeur rémunératrice ».
Emmanuel Bernard, président de la FDSEA