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Economie

Plus de raisin, pas plus propriétaire

Face aux niveaux de prix du foncier viticole en Bourgogne, certains se dirigent vers des modèles économiques inédits pour développer leur production viticole. C'est le cas de Laurent Ponsot, à Gilly-lès-Cîteaux, qui a fait appel à la société France Valley.

Par Berty Robert
Plus de raisin,  pas plus propriétaire
Pour Laurent Ponsot, le recours à un groupement d'investisseurs apporte une souplesse difficile à trouver s'il fallait soi-même acquérir les vignes nécessaires au maintien d'un niveau de production économiquement suffisant.

Dans le monde viticole comme dans beaucoup d'autres domaines, il y a les tenants d'une tradition perçue comme immuable et les innovateurs, qui explorent, réussissent… ou se trompent. Mais cet univers doit aussi composer avec un principe de réalité aujourd'hui flagrant : le prix du foncier en viticulture, et particulièrement en Bourgogne, devient un véritable frein à l'investissement. Certes, l'an dernier, une évolution fiscale a permis d'atténuer un peu les difficultés qui peuvent se poser à des vignerons, au moment de reprendre une exploitation ou de développer la leur. Mais cela n'interdit pas de réfléchir à d'autres manières de s'adapter à ces réalités et c'est ce qu'a fait Laurent Ponsot. Jusqu'en 2017, notre homme travaillait au sein du domaine familial, à Morey-Saint-Denis, en Côte-d'Or. Cette année-là, il a choisi d'opérer un virage et de créer sa propre structure viti-vinicole, avec la volonté d'adapter son métier aux conditions actuelles et de ne plus être simplement vigneron mais aussi négociant. Dans ce but, deux sociétés ont été créées : Ponsot & Co, société d'exploitation, et Ponsot SAS pour le négoce.

Contourner les niveaux d'investissement

Implantées à Gilly-lès-Cîteaux, les deux entités fonctionnent en synergie, puisque Ponsot & Co produit des raisins et vend tout à Ponsot SAS. Mais cette dernière achète aussi des raisins à d'autres producteurs, la production de Ponsot & Co n'alimentant Ponsot SAS qu'à hauteur de 20 % de ses besoins. « Par conséquent, précise Laurent Ponsot, nous sommes en relation avec une trentaine de fournisseurs en Côtes de Beaune et Côtes de Nuits. Chacune de nos appellations est le fruit d'un assemblage de différentes provenances. C'est la même recette qui a fait que le grand négoce bourguignon est reconnu : il a toujours eu à sa disposition beaucoup d'approvisionnement. » Ponsot & Co possède des vignes et en loue d'autres. Mais face à l'ampleur financière prise par le foncier viticole, il devient économiquement difficile d'accroître ses possibilités d'approvisionnement en raisins. « Pour nous, poursuit Laurent Ponsot, se posait clairement la question d'augmenter notre production dans ce contexte, avec de nouvelles parcelles. L'un des moyens, c'est d'avoir à disposition des vignes qui ne nous appartiennent pas. » Mais pour cela, il fallait trouver des investisseurs.

Bail de fermage

C'est là qu'entre en jeu la société France Valley, avec laquelle travaille aujourd'hui Ponsot : cette société de gestion indépendante engagée dans les actifs naturels (forêts, terres agricoles…) a lancé en juillet un fonds d’investissement viticole dédié à la Bourgogne : SCA France Valley Bourgogne Excellence. « Auprès d'eux, souligne le dirigeant de Ponsot, j'ai trouvé une équipe qui a la vision d'une collaboration dans la transparence. Ils se sont présentés comme acheteur potentiel des vignes dont nous avions besoin. » La surface concernée représente 3,27 ha, en appellations Gevrey-Chambertin et Chambolle-Musigny. France Valley en est propriétaire et Ponsot a conclu un bail de fermage de 25 ans. En Bourgogne, ce type de contractualisation est inédit, mais France Valley a déjà réalisé des opérations du même type en Champagne et la structure est en quête d'autres vignes. La société acquiert des vignes et se met ensuite en recherche d'investisseurs. « Pour nous, précise Laurent Ponsot, c'est sécurisant et c'est plus simple et plus rapide que s'il fallait d'abord discuter avec plusieurs investisseurs pour savoir si chacun décide de mettre de l'argent dans ces vignes. Nous nous acquitterons d'un loyer annuel pour ces vignes, soit en argent, soit sous forme de métayage, en récolte, mais notre approvisionnement en raisin se trouve ainsi sécurisé. » Ce modèle est-il appelé à connaître d'autres développements ? « Nous sommes toujours en quête de vignes à cultiver et la formule proposée par France Valley est une piste que nous pourrions poursuivre. » Chaque année, les investisseurs fédérés par France Valley se verront proposer une allocation des vins de Ponsot. Ces vendanges 2025 seront les premières à fonctionner selon ce mode économique innovant.