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Nuisibles

Peur sur la campagne

Une opération d’effarouchage des corbeaux freux installés dans les zones de Bassins de captage de Brienon et Champlost s’est déroulée la semaine dernière, avec pour objectif d’en limiter les populations.
Par Dominique Bernerd
Peur sur la campagne
Quand les chasseurs viennent en aide aux agriculteurs…
Ils sont plusieurs centaines à évoluer dans le ciel briennonais, marquant le paysage de leur cri rêche et bruyant. Une scène que l’on croirait sortie du film [I]«Les oiseaux»[i] et que n’aurait pas reniée Alfred Hitchcock, à ce détail près qu’ici, ce n’est pas du cinéma ! Départementale 943, à la sortie de Brienon, direction Saint-Florentin. Une quinzaine de chasseurs prennent position au pied des platanes bordant la route. Objectif du jour : effaroucher les populations de corbeaux freux en période de couvaison présentes sur la zone, de manière à les éloigner de leurs nids et empêcher l’éclosion des œufs.
Si l’espèce est classée nuisible par arrêté ministériel du fait des dégâts agricoles causés, pas question pour autant de tuerie massive, les oiseaux étant classés espèce protégée. D’où l’opération organisée conjointement par la Chambre d’agriculture de l’Yonne, la fédération des chasseurs et les lieutenants de louveterie. L’enjeu est d’importance pour les agriculteurs de la zone, directement concernés par les contraintes liées aux Bassins de captage, notamment l’implantation de cultures de printemps afin de réduire l’apport d’intrants et préserver la qualité de l’eau potable. Des semences de pois, tournesols ou orges, dont sont particulièrement friands les corbeaux freux, qui chaque année font des ravages dans les parcelles. Thierry Lutel exploite une cinquantaine d’hectares sur le secteur et connaît bien le problème : [I]«l’an passé, au Mont Saint Sulpice, plus de 20 hectares de tournesols sur les 26 ha implantés, détruits par les corbeaux. Plus de vingt ans que ça dure et le problème s’amplifie d’année en année. On est volontaire pour diversifier nos cultures et mener des actions pour la préservation de l’eau, mais il faut que ça cesse ! Aucune indemnisation pour les pertes subies, avec le souci supplémentaire en cas de resemis, d’un potentiel de rendement moins important du fait d’un décalage dans les dates. Sans compter le risque de se faire bouffer les semences une nouvelle fois… !»[i]

[INTER]«Le but n’est pas de faire un carton…»[inter]
Il est 14 h 30. Joël Crette, lieutenant de louveterie, vérifie les permis de chasse de chacun, après avoir rappelé les termes de l’arrêté préfectoral autorisant cette battue, avant que Ludovic Douvre, de la Fédération des Chasseurs de l’Yonne, ne donne les dernières consignes : [I]«Tout le monde le dos à la route et vous devez tirer le plus verticalement possible pour éviter que les plombs n’aillent trop loin. Le but du jeu n’est pas de faire un carton de corbeaux, mais bien de les empêcher de se poser sur les nids…»[i] Sont utilisées pour cela des grenailles de plombs au dessus des parcelles et des cartouches sifflantes à proximité des maisons et bâtiments. Au dessus des hommes en gilet fluo orange, les corbeaux en vol circulaire, reprennent de l’altitude, portés par les courants chauds, comme pour mieux les narguer : [I]«l’opération est une première. Traditionnellement, on tire les oiseaux à la sortie des nids, mais en ce cas, le mal est déjà fait, les parents s’étant approvisionné depuis longtemps au garde-manger situé en bas !»[i] Le but est bien pour les chasseurs présents, sous l’autorité des lieutenants de louveterie, de rester jusqu’à la nuit tombante et empêcher les femelles de rejoindre leurs nids, rendant ainsi toute couvaison impossible : [I]«si l’œuf n’est pas maintenu à une température de 38°C, il n’y aura pas d’éclosion, sachant que la durée de couvaison n’excède pas 17 jours et que l’on compte en moyenne de 4 à 5 œufs par nid… »[i] Bilan de la journée : 352 nids recensés et 6 corbeaux tués. Sans que l’on sache très bien combien de naissances n’arriveront pas ainsi à leur terme. L’opération d’effarouchage s’est poursuivie toute la semaine, notamment sur les communes d’Avrolles, Saint-Florentin et Germigny et si les résultats sont concluants, pourrait être étendue dès l’an prochain à d’autres secteurs du département.

Le corbeau freux peut vivre 20 ans !

Le corbeau freux est l’une des quatre espèces européennes de la famille des corvidés. Son plumage entièrement noir le fait souvent confondre avec la corneille de la même couleur. Il mesure de 40 à 47 cm, avec une envergure de 77 à 90 cm et pèse de 380 à 520 g. sa longévité est de 20 ans. Rigoureusement identiques, le mâle et la femelle vivent en colonies bruyantes, en haut de grands arbres. Animal très sociable et intelligent, il se nourrit facilement à l’aide du bec dénudé qui lui permet de fouiller le sol à la recherche de sa nourriture. Sa période de nidification s’étale de mars à juillet. Pendant cette période, la femelle fait une seule couvée et pond de 3 à 6 œufs, qu’elle couve pendant une période n’excédant pas 18 jours, dans un nid de structure massive, faite de branches, renforcée avec de la terre, tapissée de brindilles et de paille. L’alimentation du corbeau freux est très diversifiée, avec un menu alimentaire composé essentiellement de graines, de fruits, de noix, de vers et d’insectes. Pouvant même en cas d’hiver particulièrement rude, tuer de petits oiseaux pour se nourrir.