Interview
«Nous aurions du aller plus loin quand nous étions au pouvoir…»
En déplacement à Avallon, l’ancien ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a répondu à quelques questions portant sur l’actualité agricole.
-Un mot sur la crise FCO qui frappe l’élevage en général et notamment les éleveurs de l’Avallonnais, frappés par l’interdiction d’exporter leurs broutards.
Bruno Le Maire : «Je me suis rendu au salon de l’élevage, à Cournon la semaine dernière. J’y ai vu des éleveurs inquiets, dans des situations absolument intenables, qui ne peuvent pas s’en sortir. Non seulement parce qu’il n’y a pas de revenus, mais aussi parce qu’ils se heurtent à des problèmes matériels très concrets : comment vont-ils garder les veaux cet hiver ? Avec quelle place ? Quelle alimentation ? Qui va payer? Il y a 500 000 bêtes aujourd’hui, qui doivent être dégagées du territoire français dans les semaines à venir. Mais à quels cours, quand tant d’animaux vont arriver d’un coup sur les marchés..? De tout cela résultent des inquiétudes profondes, que je partage totalement. Les autorités ont réagi trop tard et on a perdu d’emblée au moins trois semaines dans la campagne de vaccination. Et elles ont réagi avec un excès de précaution, qui a pénalisé beaucoup d’éleveurs. Moi je pense qu’il y a maintenant urgence à réagir au plus vite, urgence à redéfinir le périmètre du zonage et j’ai écrit au Président de la République en ce sens, lui demandant également le dégagement des bêtes dans les meilleures conditions possibles et l’ouverture des marchés à l’exportation, seule façon de faire remonter les cours de la viande»
- Concernant l’élevage français, vous évoquiez déjà dans un discours prononcé à Autun en février 2011, «des revenus trop faibles, des marges insuffisantes, la pression de la grande distribution et des industriels» Les problèmes semblent structurants et inchangés, quel que soit le pouvoir en place
«Les choses changent trop lentement, je suis le premier à le reconnaître et je pense que ce dont ont besoin les éleveurs, outre les mesures d’urgence déjà évoquées, c’est de savoir à long terme ce qu’on leur propose. Et les propositions que je fais sont très simples : moins de normes et en tout état de cause, des normes environnementales qui soient les mêmes que celles de nos concurrents européens, ni plus ni moins ! Je pense en second lieu, qu’il faut réfléchir à l’ouverture de nouveaux marchés à l’exportation. Je m’étais battu pour ouvrir le marché russe. Cela m’avait pris plusieurs mois, mais permis de faire remonter les cours de la viande. Avec le charolais, on a une viande de très grande qualité, encore faut-il pouvoir l’exporter. En 3e lieu, je crois beaucoup au développement de la consommation de viande française dans la restauration collective et en la matière, on peut faire beaucoup mieux. C’est un moyen de garantir un bon revenu aux producteurs, comme peuvent le faire aussi les filières courtes»
- Mais pour ce qui est des circuits courts, vous savez bien qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde ?
«Non bien sûr ! Il faut faire attention aux solutions que j’appelle «baguette magique» Ce n’est pas une solution, mais la somme de plusieurs solutions, qui permettra de garantir aux éleveurs une juste rémunération de leur travail et donc un revenu décent : moins de normes, plus de viande bovine française en restauration collective, l’exportation pour tirer les prix vers le haut, mais aussi réfléchir à plus de compétitivité dans les abattoirs... Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et voir les éleveurs dans cette situation là aujourd’hui, avec des revenus si faibles alors qu’ils font un travail aussi important, très franchement, c’est attristant»
- Concernant la crise de la filière porcine, vous évoquiez, toujours en 2011, «un modèle obsolète et à changer», rajoutant qu’en la matière, «le courage manquait». Là aussi, un problème structurant ?
«Bien sûr ! Si on regarde très concrètement la production porcine en France, on constate qu’en terme de génétique animale, nous avons des résultats exceptionnels, avec un nombre record de porcelets par truie allaitante. Mais le modèle économique à côté, est dépassé ! Il nous faut des exploitations plus compétitives, dégageant des marges plus importantes et avec des volumes de production plus grands, permettant par ailleurs de développer le biogaz, la méthanisation, la modernisation des exploitations… C’est à mon avis le modèle vers lequel il faut aller même s’il est vrai que ça prend trop de temps car en France tout est trop lent ! Prenez l’exemple d’une installation classée et d’un jeune éleveur de porcs voulant racheter l’exploitation d’à côté pour regrouper les deux. Aujourd’hui, ça lui prendrait 2 ans minimum pour obtenir l’autorisation, là où en Allemagne il lui faudrait 3 mois!»
- Pourquoi une telle différence et pourquoi ne pas avoir changé les choses alors que vous étiez ministre de l’Agriculture ?
«Parce que notre administration fait appliquer des règles, des normes, des contrôles qui sont trop strictes et parce que nous, responsables politiques, n’avons pas eu le courage d’assumer la simplification de ces normes et de ces règles. Et bien, il serait temps de le faire ! Et je vais vous dire : je balaie aussi devant ma porte, car je suis le premier à reconnaître que nous aurions du aller plus loin quand nous étions au pouvoir, pour simplifier ces normes»
- Faut-il craindre des effets destructeurs sur l’agriculture française, du traité de libre échange actuellement en cours de négociation entre les États-Unis et l’Europe ?
«J’aimerai pouvoir répondre à cette question ! Le drame, c’est que, alors que je suis parlementaire français, je n’ai aucune indication sur le contenu de cet accord ! La première chose que je demande, c’est de pouvoir juger de la qualité de cet accord et des négociations plus transparentes. On ne peut plus mener des négociations comme on le faisait il y a vingt ans, avec des personnes négociant dans leur coin des textes que personne ne connaît, auxquels personne n’a accès… Je veux que les parlementaires français, députés ou sénateurs, puissent savoir ce qu’il y a dans ce texte !»
- Vous avez dit un jour que «l’Europe se construisait moins à Bruxelles qu’on le prétend» mais alors qui en sont les maçons ?
«Aujourd’hui malheureusement personne ! C’est bien le drame…»
Bruno Le Maire : «Je me suis rendu au salon de l’élevage, à Cournon la semaine dernière. J’y ai vu des éleveurs inquiets, dans des situations absolument intenables, qui ne peuvent pas s’en sortir. Non seulement parce qu’il n’y a pas de revenus, mais aussi parce qu’ils se heurtent à des problèmes matériels très concrets : comment vont-ils garder les veaux cet hiver ? Avec quelle place ? Quelle alimentation ? Qui va payer? Il y a 500 000 bêtes aujourd’hui, qui doivent être dégagées du territoire français dans les semaines à venir. Mais à quels cours, quand tant d’animaux vont arriver d’un coup sur les marchés..? De tout cela résultent des inquiétudes profondes, que je partage totalement. Les autorités ont réagi trop tard et on a perdu d’emblée au moins trois semaines dans la campagne de vaccination. Et elles ont réagi avec un excès de précaution, qui a pénalisé beaucoup d’éleveurs. Moi je pense qu’il y a maintenant urgence à réagir au plus vite, urgence à redéfinir le périmètre du zonage et j’ai écrit au Président de la République en ce sens, lui demandant également le dégagement des bêtes dans les meilleures conditions possibles et l’ouverture des marchés à l’exportation, seule façon de faire remonter les cours de la viande»
- Concernant l’élevage français, vous évoquiez déjà dans un discours prononcé à Autun en février 2011, «des revenus trop faibles, des marges insuffisantes, la pression de la grande distribution et des industriels» Les problèmes semblent structurants et inchangés, quel que soit le pouvoir en place
«Les choses changent trop lentement, je suis le premier à le reconnaître et je pense que ce dont ont besoin les éleveurs, outre les mesures d’urgence déjà évoquées, c’est de savoir à long terme ce qu’on leur propose. Et les propositions que je fais sont très simples : moins de normes et en tout état de cause, des normes environnementales qui soient les mêmes que celles de nos concurrents européens, ni plus ni moins ! Je pense en second lieu, qu’il faut réfléchir à l’ouverture de nouveaux marchés à l’exportation. Je m’étais battu pour ouvrir le marché russe. Cela m’avait pris plusieurs mois, mais permis de faire remonter les cours de la viande. Avec le charolais, on a une viande de très grande qualité, encore faut-il pouvoir l’exporter. En 3e lieu, je crois beaucoup au développement de la consommation de viande française dans la restauration collective et en la matière, on peut faire beaucoup mieux. C’est un moyen de garantir un bon revenu aux producteurs, comme peuvent le faire aussi les filières courtes»
- Mais pour ce qui est des circuits courts, vous savez bien qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde ?
«Non bien sûr ! Il faut faire attention aux solutions que j’appelle «baguette magique» Ce n’est pas une solution, mais la somme de plusieurs solutions, qui permettra de garantir aux éleveurs une juste rémunération de leur travail et donc un revenu décent : moins de normes, plus de viande bovine française en restauration collective, l’exportation pour tirer les prix vers le haut, mais aussi réfléchir à plus de compétitivité dans les abattoirs... Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et voir les éleveurs dans cette situation là aujourd’hui, avec des revenus si faibles alors qu’ils font un travail aussi important, très franchement, c’est attristant»
- Concernant la crise de la filière porcine, vous évoquiez, toujours en 2011, «un modèle obsolète et à changer», rajoutant qu’en la matière, «le courage manquait». Là aussi, un problème structurant ?
«Bien sûr ! Si on regarde très concrètement la production porcine en France, on constate qu’en terme de génétique animale, nous avons des résultats exceptionnels, avec un nombre record de porcelets par truie allaitante. Mais le modèle économique à côté, est dépassé ! Il nous faut des exploitations plus compétitives, dégageant des marges plus importantes et avec des volumes de production plus grands, permettant par ailleurs de développer le biogaz, la méthanisation, la modernisation des exploitations… C’est à mon avis le modèle vers lequel il faut aller même s’il est vrai que ça prend trop de temps car en France tout est trop lent ! Prenez l’exemple d’une installation classée et d’un jeune éleveur de porcs voulant racheter l’exploitation d’à côté pour regrouper les deux. Aujourd’hui, ça lui prendrait 2 ans minimum pour obtenir l’autorisation, là où en Allemagne il lui faudrait 3 mois!»
- Pourquoi une telle différence et pourquoi ne pas avoir changé les choses alors que vous étiez ministre de l’Agriculture ?
«Parce que notre administration fait appliquer des règles, des normes, des contrôles qui sont trop strictes et parce que nous, responsables politiques, n’avons pas eu le courage d’assumer la simplification de ces normes et de ces règles. Et bien, il serait temps de le faire ! Et je vais vous dire : je balaie aussi devant ma porte, car je suis le premier à reconnaître que nous aurions du aller plus loin quand nous étions au pouvoir, pour simplifier ces normes»
- Faut-il craindre des effets destructeurs sur l’agriculture française, du traité de libre échange actuellement en cours de négociation entre les États-Unis et l’Europe ?
«J’aimerai pouvoir répondre à cette question ! Le drame, c’est que, alors que je suis parlementaire français, je n’ai aucune indication sur le contenu de cet accord ! La première chose que je demande, c’est de pouvoir juger de la qualité de cet accord et des négociations plus transparentes. On ne peut plus mener des négociations comme on le faisait il y a vingt ans, avec des personnes négociant dans leur coin des textes que personne ne connaît, auxquels personne n’a accès… Je veux que les parlementaires français, députés ou sénateurs, puissent savoir ce qu’il y a dans ce texte !»
- Vous avez dit un jour que «l’Europe se construisait moins à Bruxelles qu’on le prétend» mais alors qui en sont les maçons ?
«Aujourd’hui malheureusement personne ! C’est bien le drame…»